CONTRE LES CONTRE-VERITES, ET CONTRE L’IDEE D’UN CASAMANÇAIS AUTHENTIQUE
JEAN-MARIE FRANCOIS BIAGUI PRESENTE DEUX NOUVEAUX OUVRAGES
Il aura fait d’une pierre deux coups, Jean-Marie François Biagui…Dans l’après-midi d’hier, jeudi 20 octobre, l’ancien secrétaire général du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc) présentait ses deux nouveaux ouvrages, publiés aux éditions Diasporas Noires, dirigées par Hulo Guillabert, au public du Centre Lebret de la paroisse Saint-Dominique. Dans «Avis de décès : Le mensonge est mort en Casamance», l’auteur tord le cou à toutes ces contre-vérités qui entoureraient le conflit en Casamance. Et dans «Mademba n’est pas un natif du terroir. Et alors ?»…un texte aux allures de «plaidoyer contre l’autochtonie», l’ancien indépendantiste, qui dit que cela ne l’a rendu ni «xénophobe», ni «raciste», déconstruit l’idée d’un Casamançais authentique.
Sur le ton de la confidence, il dira à l’assistance, qui l’écoutait de façon quasi religieuse, que s’il n’avait pas désobéi à la petite voix dans sa tête, qui lui imposait une sorte de «devoir de réserve», il n’aurait peut-être pas écrit et encore moins publié ces deux ouvrages, qu’il présentait dans l’après-midi d’hier, jeudi 20 octobre, au Centre Lebret de la paroisse Saint-Dominique.
L’ancien secrétaire général du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc), Jean-Marie François Biagui, n’hésitera d’ailleurs à parler d’ «autocensure», laissant entendre qu’il craignait quelque part de passer pour un «lâche», quand on sait que «certains des mis en cause» dans cette histoire ne sont plus de ce monde, et qu’ils auraient bien du mal à se «défendre». On l’entendra d’ailleurs dire que le «manuscrit originel» de son «Avis de décès : Le mensonge est mort en Casamance», faisait bien le «double» de ce qu’il avait bien voulu présenter aux éditions Diasporas Noires, qui ont aussi assumé les 158 pages de son texte intitulé «Mademba n’est pas un natif du terroir. Et alors ? Un plaidoyer contre l’autochtonie».
Dans ce qu’il dit des 200 pages de son premier livre, Jean-Marie François Biagui se donne quasiment la légitimité d’établir «l’avis de décès» de tous ces nombreux «mensonges» qui entoureraient le conflit en Casamance, de la manipulation qui ne servirait finalement qu’à faire en sorte que la «situation perdure», sans doute «parce que beaucoup de forces souterraines» y trouveraient «un certain nombre de comptes».
Quant à la vérité, dit-il, il faudrait aller la chercher dans le discours des Assises de 2002 à Ziguinchor. Jean-Marie Biagui rappelle qu’à l’époque, les Casamançais s’étaient déclarés à la fois contre «l’indépendance» et contre le «statu quo», laissant entendre qu’il fallait peut-être une «solution intermédiaire»…Un compromis qui ferait de la Casamance une région «autonome», «au même titre que les autres régions naturelles du Sénégal», avec un «conseil régional» ou un «gouvernement provincial», «à la tête de chaque région». Mais encore faudrait-il selon lui que «ces gouvernements (…) puissent disposer des moyens juridiques, techniques, financiers», autrement dit «un vrai budget», en plus d’un certain nombre de moyens humains, «pour s’auto-administrer».
«Un Premier ministre dans chaque région»
Et quand on lui oppose l’Acte III de la Décentralisation, Biagui, plutôt blasé, rétorque que ce ne serait ni plus ni moins qu’un «plagiat de Macky Sall à l’endroit des revendications du Mfdc», même si, selon lui, le chef de l’Etat n’est pas allé aussi loin que l’aurait souhaité le Mouvement des forces démocratiques de Casamance, qui aurait préféré un «gouvernement local» ou pour reprendre les propos de Jean-Marie François Biagui lui-même, «un Premier ministre dans chaque région».
De son second ouvrage, qu’il présente comme un «plaidoyer contre l’autochtonie», l’auteur révèle qu’il en a eu l’idée en 2009, lorsque «deux leaders casamançais, en l’occurrence Robert Sagna et Abdoulaye Baldé se sont échinés au vu et au su de tous : l’un disait à l’autre qu’il n’était pas casamançais, pendant que l’autre tentait de faire vérifier sa casamancité». Jean-Marie Biagui explique encore pourquoi il s’est senti plus ou moins mal à l’aise à l’époque : lui parlait d’autonomie, on le ramenait à «l’autochtonie», de quoi le faire passer pour un «xénophobe». Il n’en est rien dit le président-fondateur du Mouvement pour le Fédéralisme et la Démocratie Constitutionnels (Mfdc-fédéraliste), et ancien indépendantiste : «Ce n’est parce que nous nous sommes battus pour l’indépendance, que cela fait de nous des racistes, des xénophobes ou des sauvages».
«Mademba», c’est encore «pour ceux qui pensent, à tort ou à raison, qu’ils sont des fils authentiques de la Casamance, là où d’autres ne le seraient pas, parce qu’ils viennent d’arriver», ou parce que leurs ancêtres «ne seraient pas d’origine casamançaise ».
JEAN-MARIE FRANCOIS BIAGUI SUR LES NEGOCIATIONS EN CASAMANCE : «En 2004, Macky Sall et moi...»
On dit qu’il y a des négociations, mais en réalité ce n’est pas vrai, il n’y a rien du tout. Négocier avec qui ? On dit que l’Etat est en train de négocier avec Salif Sadio (…) alors qu’il ne représente tout au plus que 10% en termes d’effectif. Qu’est-ce qu’il occupe comme territoire en Casamance ?
Là par exemple nous parlons d’une perspective de déminage en Casamance, et on dit qu’il y a César Atoute Badiate qui rappelle qu’il y a une ligne de démarcation qui s’appelle une ligne rouge, ce qui suppose que lui au moins, à l’intérieur du territoire national, a un territoire à l’intérieur duquel il serait relativement le maître, donc il faudrait négocier avec lui, au moins pour cette question de déminage. Mais alors quid des négociations pour le retour à la paix définitive en Casamance. Pourquoi est-ce qu’on l’ignore lui ? (…) Il ne se passe rien de ce côté-là. Négocier l’indépendance ? (…)
L’indépendance ne se négocie pas, elle s’arrache ! Nous avions tenté de l’arracher militairement, c’est-à-dire au bout du canon, mais on n’a pas pu. Mais on aurait pu tenter de l’arracher politiquement, si la Constitution du Sénégal nous le permettait. Ce qu’on n’a pas pu obtenir au bout du canon, vous pensez qu’on va pouvoir un jour l’obtenir sur la table des négociations ? Non, tout ça c’est du bluff…
En 2004, l’Etat et le Mfdc ont convenu que la plateforme revendicative du Mfdc devait être le document de base pour les négociations. Macky Sall, en sa qualité ministre de l’Intérieur, Biagui (lui, Ndlr), en sa qualité de secrétaire général du Mfdc, et on a adopté ce texte que vous verrez en Annexe dans le livre «Avis de décès : Le mensonge est mort en Casamance». Au moment où je vous parle, ce document de base n’est dénoncé ni par l’Etat, ni par le Mfdc, donc il est plus que jamais d’actualité. Retournons à la case départ, faisons tout pour retrouver ce document, pour que très rapidement on puisse aller vers une paix définitive en Casamance, à travers un accord définitif, un vrai accord.
La question du conflit casamançais est la priorité des priorités, et le président de la République Macky Sall nous l’avait rappelé juste au lendemain de son élection. Est-ce que dans les faits, au moment où nous parlons, le Gouvernement considère toujours le problème casamançais comme une priorité ? Non. Sinon, les 90% du Mfdc, incarnés par César Atoute Badiate et Ibrahima Compass Diatta auraient été visités ou approchés par l’Etat, pour essayer de voir comment négocier avec eux.