DES FIGURES DE STYLE DERRIERE LA CAMERA
ABDOU KHADIR NDIAYE, REALISATEUR
C’est la deuxième fois, en l’espace de quelques semaines, que son film «Xale bu rerr» (Un enfant perdu) est sélectionné à un festival de cette nature. La dernière fois, c’était à Berlin, au mois de février, et le réalisateur Abdou Khadir Ndiaye participe en ce moment à la 27ème édition du Festival du Cinéma africain, d’Asie et d’Amérique latine de Milan, qui prend fin ce 26 mars. Faites donc connaissance avec ce réalisateur passionné d’images, au propre, comme au figuré.
Ne vous attendez pas à ce qu’il ait gardé quelque part, de jolies phrases bien rondes, ou des formules plus ou moins bien tournées, rien que pour vous convaincre. A la place, vous aurez plutôt droit à quelque chose d’aussi figé que cela, avec même quelques hochements de tête, à l’horizontale : «Je ne peux vraiment pas dire pourquoi j’aime le cinéma». Le «c’est comme ça», de circonstance, vous l’entendrez forcément flotter dans l’air…A la place toujours, Abdou Khadir Ndiaye vous racontera comment, dans son enfance, il avait pris l’habitude de faire le trajet à pied, à chaque fin de semaine, entre Diamaguene, chez lui, et Guédiawaye, chez sa grand-mère, ne serait-ce que pour avoir le privilège de s’arrêter en cours de route, au «cinéma de Thiaroye».
A l’époque toujours, c’est au camp de Thiaroye qu’il s’exerce, se retrouvant ainsi dans la peau d’un de ses personnages favoris, le vieux ninja du grand écran, s’amusant à reprendre chacun de ses gestes…A ses risques et périls dirait-on, puisqu’il finira tout simplement par se rompre le bras…
Mais plus de peur que de mal : il est là pour en parler, et disons qu’il s’est pris au jeu. Car en l’espace de quelques semaines, c’est la deuxième fois que son court métrage «Xale bu rerr», (Un enfant perdu), une histoire d’enfance là encore, se retrouve parmi les films sélectionnés pour un festival international. Après la Berlinale du mois dernier, et l’Ours d’argent d’Alain Gomis, Abdou Khadir Ndiaye est l’un des invités de la 27ème édition du Festival du Cinéma africain, d’Asie et d’Amérique latine de Milan, qui prend fin ce dimanche 26 mars.
Dans le métier, ce n’est pas ce que l’on appellera un débutant. On lui doit d’ailleurs toute une série de films institutionnels, ici et là, dont il vous parlera, sans forcément les citer.
Mais attendez-vous à ce qu’il évoque son itinéraire de «premier assistant» à la réalisation ; sur de grandes productions. Avec, dans le désordre, «Quai d’Orsay», du Français Bertrand Tavernier, «Des étoiles», de Diana Gaye, «Terremere», d’Aliou Sow, «C’est la vie», de Moussa Sène Absa et «Tey», d’Alain Gomis, Etalon d’Or au Fespaco 2013, le Festival panafricain du Cinéma et de la Télévision de Ouagadougou.
Des images, au propre comme au figuré
«Xale bu rerr», son film, fait partie de ces productions qui ont bénéficié du soutien du Fonds de promotion à l’industrie cinématographique et audiovisuelle (Fopica), puisqu’il a reçu 15 millions de l’Etat du Sénégal, le tiers du budget de son film, qui tourne autour de 30 à 45 millions de francs CFA.
Ceux qui l’ont vu disent avoir été «touchés» par le film, quand certains d’entre eux avouent qu’ils se sont «identifiés» au personnage, ou à son histoire. Celle d’un enfant de 6 ans dont c’est le premier jour de classe, et qui se perd en voulant rentrer seul à la maison. Mais voilà qu’il se retrouve quelque part «en banlieue», où on lui demande d’où il vient ; lui répond qu’il vient de «là-haut». On le conduit chez le chef de quartier, apparemment fasciné par ce drôle de rêveur.
Entre deux sourires, un brin espiègles, le réalisateur confirmera que dans cette histoire, qui ferait presque songer à celle du Petit Poucet, il y a bien quelque chose de «métaphorique» : l’univers ne se résume pas à nos quatre murs, sans parler de la fragilité de notre condition humaine, quelle que soit la «classe sociale» à laquelle nous appartenons. L’autre image, c’est celle du très symbolique nœud de lacets pour le gamin du film, et pour ceux de la vraie vie, qui finira par les attacher lui-même. Pour le réalisateur, la scène résumerait à elle seule «la fin de l’innocence».
A Berlin, au mois de février, le film a eu droit à sa toute première sortie, Milan sera donc la deuxième, et le réalisateur n’a évidemment pas échappé à cette question : «Et le public sénégalais dans tout cela ?» Abdou Khadir Ndiaye y songe, même si ses projections, à Dakar, Saint-Louis, Louga ou Diamaguene, chez lui, restent à «définir»…«Il n’y a pas de salles de cinéma», mais on fera, dit-il, avec un 7ème art de «proximité».
Dans le métier, au-delà de Djibril Diop Mambety, Khadir vous expliquera pourquoi il se sent proche de quelqu’un comme Alain Gomis : pour le côté poétique et philosophique de la démarche artistique, et la «profondeur d’une écriture pas linéaire». Sans oublier qu’ils ont l’un et l’autre le même producteur, Oumar Sall, de la maison Cinékap. Entre autres parce que le réalisateur de «Félicité» a bien voulu jouer les intermédiaires.
Comme Amath Niane, et comme Adama Bineta Sow, Abdou Khadir Ndiaye revendique lui aussi son appartenance à Ciné Ucad, d’Abdel Aziz Boye, cette «école sans prétention», dont il serait d’ailleurs «l’un des tout premiers élèves».