UN NOVATEUR DANS L'UNIVERS DE LA MODE
Abdou Lahad Guèye, styliste
Jeune natif de Pikine, Abdou Lahad Guèye rêvait d’entreprise dans la mode. Une Maîtrise en Sciences économiques en poche, puis un diplôme obtenu à l’Institut de coupe, couture et mode de Dakar, le voilà qui crée et se lance dans le stylisme. Rencontre avec l’initiateur du tout nouveau Festival international de la mode de Dakar, tenu la semaine dernière…
Le Festival international de la mode de Dakar, tenu le week-end du 6 et 7 janvier dernier, au Musée Théodore Monod de l’Institut fondamental d’Afrique noire, est une vision réaliste. Abdou Lahad Guèye, son initiateur, veut impulser une révolution de la mode en Afrique et plus particulièrement au Sénégal.
« Son but était d’harmoniser toutes les compétences afférentes à la mode, qui est une plateforme d’échanges entre les créateurs émergents et ceux dits confirmés », souligne Lahad, jeune styliste au commerce facile et à la voix forte.
Lorsque Lahad Guèye s’exprime, les idées se bousculent dans sa tête et les anecdotes s’enchevêtrent. Le débit est parfois rapide. Cela traduit une énergie débordante de l’homme qui se reflète dans ses modèles. Lahad veut avancer, mais sûrement.
Né à Pikine en 1982, Lahad a grandi entre Yeumbeul et Dakar. « Je faisais des va-t-et vient entre Guédiawaye et l’Université Cheikh Anta Diop où j’ai obtenu ma Maîtrise en Sciences économiques/Option Gestion des entreprises. Je n’ai pas abandonné les études, mais j’ai toujours rêvé d’avoir mon entreprise commerciale de mode alors que j’étais au lycée », explique-t-il. Le charme, c’est que rien de son présent ne le pousse à oublier son passé, qu’il restitue avec une très grande fierté.
« Ma mère était une vendeuse de friperie et je l’accompagnais dans les marchés hebdomadaires pour commercialiser des vêtements. J’étais toujours entouré de jolis tissus, de vêtements en friperie. Peut-être cela m’a influencé. En plus de cela, des membres de ma maison familiale sont des teinturières », précise le jeune Lahad, à la mise stylée.
Bonne formation
De cet environnement est sorti un homme qui va s’orienter vers le stylisme. A un moment donné, Guèye, à la recherche d’une meilleure formule pour réussir, s’arrête et s’interroge : « Je me suis dit, au lieu d’acheter des vêtements et de les revendre, ne serait-il pas plus judicieux de conceptualiser un vêtement et de le réaliser ? »
Dès lors, il participe au concours d’entrée à l’Ecole nationale des arts et entre à l’Institut de coupe, couture et mode de Dakar/Option stylisme. Après sa formation d’une durée de trois ans, Lahad voit ses rêves prendre forme : il sort Major de sa promotion. Et pourtant, il cumulait les études universitaires avec celles du stylisme.
« Nos jeunes n’ont pas reçu une bonne formation. Pour pouvoir faire ses preuves au plan international, il faut vraiment que les produits puissent répondre aux normes, parce que pour faire une bonne collection, il ne suffit pas simplement de savoir coudre et de pouvoir faire des finitions. Avant de parler de la coupe ou de la réalisation, il faut une bonne conception. La créativité et une démarche intellectuelle », indique l’artiste. Il affirme qu’il « faut un bon niveau pour pouvoir exploiter les opportunités ».
« Cela nous permet de trouver rapidement les formes détectées, de les exploiter et avoir une gamme colorée qu’on aura à utiliser pour une collection, mais aussi de trouver une matière qui peut être utile », analyse Abdou Lahad. Adroit et attentionné, le jeune entrepreneur assure : « Je ne prête pas attention à certains détails. Quand je vise quelque chose, je fais tout pour l’atteindre et je ne rate pas les opportunités ».
Pourquoi cette ténacité ? Le maîtrisard convoque son environnement de « fils de la banlieue » qui a forgé son caractère de self-made man et de bagarreur. « Je me suis fait tout seul, avec l’aide de Dieu et mes maigres économies », dit-il.
Son talent expressif à travers ses créations l’a amené un peu partout dans le monde, comme au Parcours mode à Liège, en Belgique, où il avait représenté les jeunes créateurs africains, en 2011. A son retour, il se rendit aux Fashion week de Ouagadougou, ensuite en Guinée Conakry, au Moreno, au Marché des arts du spectacle africain (Masa d’Abidjan), au Labo ethnique de Paris, à Ethno tendance de Bruxelles, en 2014 et en 2015, où il remporta le Prix du meilleur créateur de la zone francophone.
A l’heure de la mondialisation, Lahad Guèye trouve important de pouvoir se produire à la hauteur des volumes et standards internationaux. « Le prêt-à-porter africain tarde à s’affirmer sur le plan international par manque d’une politique de consommation locale rigoureuse et le professionnalisme des acteurs », dénonce le styliste, qui ambitionne de faciliter l’approvisionnement correct du marché. « Nous voulons apporter du nouveau et permettre à nos créateurs d’être visibles. Il faut qu’ils soient compétitifs sur le plan international, mais que les produits qu’ils montrent répondent à la norme Iso qualité 9001», poursuit Lahad.
Pour y arriver, il s’agira, selon ses explications, de travailler, par exemple, sur la Taille 38 (conventionnelle) avec par exemple 1.000 tenues qui seront identiques dans sa globalité pour satisfaire une commande. « Je suis très libéral en termes de création. C’est une sensation qui est en soi qu’on veut véhiculer », convainc-t-il.