UN SACRE TRIO AFRICAIN DU RIRE
Michel Gohou, Mamane et Digbeu Cravate
Ils cartonnent au « Parlement du Rire », une émission d’humour à l’africaine diffusée sur Canal+. Le trio Mamane, Digbeu Cravate et Michel Gohou étaient sur la scène du Théâtre de verdure de l’Institut français de Dakar, jeudi. Face à la presse, les humouristes reviennent ici sur leur fusion. Ils évoquent également le film «Bienvenue au Gondwna » sorti le 12 avril dernier, qui sera présenté à Dakar le 11 mai, à l’occasion de l’inauguration de la salle de cinéma Canal Olympia.
« Bienvenue au Gondwana »
Mamane : « Bienvenue au Gondwana est une comédie axée sur la lutte pour la démocratie en Afrique. Elle est notamment essentiellement orientée sur les élections. Ce sont des sujets qui s’adressent à toute l’Afrique. Pour une fois, ce sont des Africains qui donnent leur point de vue sur les élections, qui sont la plupart du temps une sorte de jeu d’hypocrisie, entre l’Occident et nos dictateurs. On sait bien que quelqu’un est dictateur, mais on lui demande quand même d’organiser des élections, qu’il vole.
Par la suite, l’Occident vient dire qu’il ne fait des affaires qu’avec des démocrates. Pendant ce temps, on voit des jeunes qui se noient dans la méditerranée pour fuir, ces soi-disant démocrates. C’est pour cela que divers sujets sont évoqués : accès aux soins sanitaires, à une bonne éducation, la jeunesse qui voit son avenir hypothéquée. C’est une comédie qui est certes faite pour rire, tout en abordant des sujets sérieux. Il y est question de la mal gouvernance, de l’État et de la démocratie ».
Budget et casting du film
Mamane : « Le budget du film est estimé à peu près à 2 milliards de FCfa. Le casting, nous l’avons fait à travers nos réseaux. Les connaissances dont nous disposons dans chaque pays nous ont été très utiles. C’est l’un des problèmes en Afrique, rien n’est structuré. En Europe par exemple, c’est un directeur de casting qui lance l’appel et toutes les personnes intéressées se rapprochent à travers leur agence. Là-bas, tout est bien structuré.
Maintenant, vu le nombre d’années que Gohou et Digbeu ont fait dans le métier, ils connaissent un peu des artistes comédiens dans chaque pays. Par exemple, pour le cas de Lamine Ndiaye, c’est Demba Dièye qui m’a parlé de lui. Il m’a montré des vidéos. C’est à partir de là que nous avons fait appel à lui. Il joue le rôle du ministre ».
Digbeu Cravate : « Le film sera tout d’abord commercialisé. Les producteurs vont essayer de rentrer dans les fonds qu’ils ont investis. Ensuite, nous le ferons passer à la télévision. Il va suivre un processus bien déterminé. Il est temps qu’en Afrique, nous comprenions que la culture constitue une économie à part entière. La culture de la gratuité doit être bannie sous toutes ses formes. Il nous faut une véritable économie qui soit viable. Il faut sans cesse se renouveler tout en s’adaptant à la demande et aux exigences commerciales de l’heure ».
« Le parlement du rire »
Mamane : « Ici, on raconte le quotidien d’une population en nous basant sur des lois montées par le parlement. Le Parlement du rire est un programme fait pour donner une plage d’expression aux humoristes africains. C’est véritablement un programme panafricain. On y voit des humoristes du Gabon, du Congo, du Tchad du Mali. On attend toujours un humoriste du Sénégal. Nous avons à cet effet ouvert un casting à travers Facebook, mais seulement, les humoristes sénégalais s’expriment tout le temps en wolof. Hors, c’est une langue qui n’est pas comprise au-delà du Sénégal.
Notre objectif, c’est de faire recours à une langue qui sera accessible au public africain, en l’occurrence le français. Les humoristes qui viennent dans le Parlement du rire sont la plupart du temps des vedettes dans leurs différents pays. Grâce au parlement du rire, ils sont désormais connus dans toute l’Afrique. Nous essayons de construire un secteur, un métier d’humoristes. C’est parti pour rester. En tout cas, nous l’espérons. Le public, à travers le retour, montre combien il est attaché, donc cela constitue un bon signe ».
Gohou Michel : Nous l’avons monté ensemble. C’est une œuvre véritablement collective. Nous sommes tous issus du one man show. Nous avons trouvé opportun de nous mettre ensemble pour créer « l’Union des humoristes africains ». Nous avons d’ailleurs beaucoup de projets à concrétiser. Nous profitons de cette occasion pour lancer un appel aux humoristes sénégalais de faire des sketches en français, pour pouvoir toucher tout un public français. C’est entre 250 et 300 millions de personnes qui sont ciblées. C’est un énorme marché, un énorme bassin de spectateurs.
Mamane : « L’idée est venue du fait déjà que nous évoluions dans ce métier depuis des années. Chacun avait un registre bien particulier. Nous avons convenu de réunir nos forces pour ensemble proposer quelque chose d’originale. C’est comme cela que nous avons, avec une production française, monté le film. Il est destiné au public français et africain.
Nous l’avons tourné en Côte d’Ivoire avec des techniciens africains et français. Nous sommes très engagés dans ce que nous faisons. Un artiste qui n’est pas engagé fait montre de non assistance à peuple en danger. On ne peut pas monter sur scène en Afrique et dire que tout va très bien. Ce serait de l’hypocrisie. Nous sommes là pour parler des choses qui ne marchent pas. Nous ne sommes pas des ministres du Tourisme pour dire aux gens venez, tout va très bien. Notre rôle, c’est d’appuyer là où ça fait mal ».
Digbeu Cravate : « Ce qui nous intéresse, c’est juste le public, c’est à lui que nous nous adressons. Nous jouons un peu rôle de conscientisation vis-à-vis du public. A travers l’humour, nous évoquons toutes les questions. Nous ne sommes pas des lanceurs d’alerte comme le mouvement «Y’en à marre» au Sénégal ou encore le « Balai Citoyen » au Burkina Faso, le mouvement « Tournons la page » au Tchad. Mais nous nous adressons à un public africain conscientisé ».
Siège du « Parlement » à Abidjan
Gohou Michel : « Quand on parle d’humour en Afrique, on pense automatiquement à la Côte d’ivoire. La capitale culturelle de l’Afrique a pendant longtemps été Abidjan. Mais, au-delà de la Côte d’ivoire, c’est, bien entendu, tous les pays de la sous-région qui sont concernés. Par exemple, le public sénégalais est pareil à celui de la Côte d’ivoire, du Congo, du Cameroun et d’autres pays, j’en passe. C’est souvent un public très réceptif. Ce sont des publics ouverts et très accueillants.
L’art nourrit-il son homme en Afrique ?
Gohou Michel : « L’art nourrit son homme en Côte d’Ivoire. C’est juste qu’au tout début, nous ne mesurions pas toutes les opportunités qui étaient à notre portée. Maintenant, il s’est naturellement opéré une prise de conscience. Nous n’en sommes plus à l’époque où nous comptions exclusivement sur le gouvernement, pour aspirer à avancer. Maintenant, les artistes comédiens prennent eux-mêmes leur destin en mains pour pouvoir ouvrir certaines portes et avancer. Nous avons depuis compris plein de rouages. Il faut se donner les moyens pour avancer. Auparavant, l’art était assimilé à un chemin de perdition.
Mamane : « L’art nourrit donc globalement son homme. Mais, il est important de préciser que nous sommes une petite minorité à pouvoir vivre de cela. Certains humoristes vivent de leur art, notamment ceux qui sont très connus. Mais, pour ce qui concerne l’autre frange qui n’est pas encore forcement sortie de l’ombre, ce n’est pas du tout évident. Beaucoup d’artistes tirent le diable par la queue. Cette situation est également due à un manque d’organisation ».
« Au début, Ma famille… »
Gohou Michel : C’est vrai « Ma famille » nous a permis de toucher un public beaucoup plus large. Toutefois, il convient de préciser que nous étions déjà sur ce métier bien avant l’arrivée de ce téléfilm. « Ma famille », ça été pour certains artistes comédiens une opportunité de se faire découvrir à travers le contient africain. L’objectif est de donner la chance à tout le monde afin qu’il puisse convenablement s’exprimer à travers son art.
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