LE PUDC, UN CONCEPT ORIGINAL DE PARTAGE DE LA CROISSANCE
Pistes de production, forages, électrification, équipements agricoles aux femmes
Lancé en 2015 par le chef de l’Etat, Macky Sall, le Programme d’urgence de développement communautaire (Pudc) vise à partager les fruits de la croissance à travers l’amélioration de l’accès des populations rurales aux services sociaux de base afin de corriger les disparités. Sa mise en œuvre s’inscrit dans l’axe 2 du Plan Sénégal émergent (Pse) qui s’intitule « Capital humain, protection sociale et développement durable ».
Modèle innovant de développement inclusif ayant un effet immédiat sur la transformation des conditions de vie des populations, le Programme fait l’objet d’un atelier régional d’échanges et de capitalisation des acquis aujourd’hui et demain.
En effet, cette expérience sénégalaise qui fait l’objet d’une demande de massification dans le pays et d’une réplique dans certains Etats africains, sera partagée par 20 pays africains afin de comprendre le processus de formulation et de mise en œuvre. Les reporters du Soleil ont visité plusieurs projets du Pudc dans le monde rural.
En dépit des nombreux efforts consentis par l’Etat et ses partenaires au développement dans la lutte contre la pauvreté à travers le pays, les populations vivant en milieu rural continuent de faire face à certaines contraintes. Parmi celles-ci, le faible accès aux services sociaux de base avec de grandes disparités régionales, les difficultés d’accès aux facteurs de production, l’accès insuffisant au financement, la faiblesse du capital humain, la faible participation du secteur privé aux investissements productifs ruraux.
Pour mieux prendre en charge ces questions et satisfaire la demande sociale croissante, le Gouvernement du Sénégal, avec l’appui technique du Pnud, a élaboré puis mis en œuvre le Programme d’urgence de développement communautaire (Pudc).
Le programme vise à l’amélioration de l’accès des populations rurales aux services sociaux de base à travers la mise en place d’infrastructures socio-économiques.
Le Pudc est axé sur 4 principales composantes :
La première liée au Développement d’infrastructures et d’équipements socio-économiques de base. Elle entend contribuer à l’amélioration durable des conditions de vie des populations des zones rurales. Elle couvrira les besoins des populations en électrification rurale, en alimentation en eau potable, en pistes rurales ainsi que les besoins en équipements de transformation et de production agricoles.
La deuxième composante concerne l’Amélioration de la productivité des populations rurales de la production agricole et animale. Elle vise à soutenir le développement de l’activité productive et de services, à renforcer la chaîne de valeurs dans les secteurs de production et à soutenir l’émergence d’une économie rurale à même de contribuer à l’amélioration du cadre de vie des populations et à la réduction de l’exode rural.
L’objectif sera également de promouvoir l’entrepreneuriat et d’encourager la création des petites et moyennes entreprises en milieu rural, en fournissant aux porteurs de projets en particulier aux jeunes de nouvelles opportunités.
La troisième Composante porte sur le Renforcement des capacités institutionnelles aux niveaux central et local. Elle vise à développer les capacités technique, organisationnelle, institutionnelle et communautaire au niveau local pour une offre de services de qualité en milieu rural. Les capacités à identifier et à renforcer sont relatives d’une part à la maîtrise d’ouvrage/d’œuvre de travaux de réalisation d’infrastructures socio-économiques de base, et d’autre part, à la maitrise de techniques culturales, la gestion administrative et financière, la planification du développement, etc.
La dernière Composante, le Développement d’un système d’information géo référencée vise la mise en place d’une base de données géo-référencées, d’un dispositif de suivi-évaluation axé sur les résultats avec un logiciel intégré, un tableau de bord des indicateurs clés de suivi de la performance des réalisations au niveau central et décentralisé.
Ce système sera intégré au Système national de Suivi-évaluation pour fournir aux décideurs des éléments d’appréciation de la politique de développement.
Pour atteindre ses objectifs, le Pudc a élaboré une stratégie reposant sur le partenariat et le développement de synergies avec les acteurs clés des sous- secteurs d’intervention du programme. Outre son cadre organisationnel composé d’un comité de pilotage et d’un comité technique, le Pudc a mis sur pied des sous-comités techniques qui sont l’émanation du comité technique et présidés par les points focaux désignés par leurs Ministères de tutelle.
Les sous-comités ont pour rôle d’harmoniser les interventions du Pudc avec celles des autres projets et programmes, de valider les spécifications techniques, de valider les Dossiers d’appels d’offres (Dao), de participer aux missions de suivi et de supervision des travaux ainsi qu’aux réceptions provisoires.
Le Pudc a aussi mis en place, au niveau régional, des comités de suivi de la mise en œuvre. Ils ont pour rôle d’assurer le suivi des activités sur le terrain, la synergie et le partage d’informations avec tous les intervenants.
Qualité garantie
En vue de garantir la qualité de ses réalisations, le Pudc a mis l’accent sur la certification de la qualité de tous les ouvrages et équipements. Ce qui passe par l’audit technique de la conformité par rapport aux spécifications techniques définies dans les Dao.
S’agissant des localités bénéficiaires, le ciblage a été rendu possible grâce aux besoins exprimés par les populations. Les bases de données renseignaient sur les besoins identifiés en hydraulique rurale, pistes rurales, électrification rurale et équipements post récoltes. Aussi, les Directions nationales ont été mises à contribution pour la réalisation d’études complémentaires et la validation des bases de données finales.
Concernant le volet Hydraulique, la reconnaissance des villages cibles a été faite avec l’appui des services régionaux, tandis que pour l’électrification rurale, les planifications des itinéraires des lignes MT sont faites en relation avec la Senelec et l’Aser dans le cadre du sous-comité technique Energie présidé par le Directeur de l’électricité.
Electrification rurale : Yeti Yoon et Médina Mountaga bientôt sortis de l’obscurité
Situés dans la commune de Ronkh (région de Saint-Louis), les villages de Yeti Yoon et de Médina Mountaga vont bientôt disposer d’électricité grâce au Programme d’urgence de développement communautaire (Pudc). Les poteaux y ont été plantés et les câbles installés.
Début mars. Un vent chaud cingle les visages sur la route goudronnée sans accotement qui mène de Saint-Louis à Richard-Toll. A 21 km de la ville sucrière, à gauche, du côté du Walo, un petit village apparaît. A première vue, rien ne distingue Médina Mountaga de la multitude de villages qui bordent la bande noire. Des concessions en paille et quelques rares maisons en dur éparpillées. A regarder de plus près, une différence de taille attire l’attention.
Des rangées de poteaux électriques s’y dressent. Ils sont reliés par des fils électriques qui, tels des toiles d’araignées, s’enchevêtrent au-dessus des têtes. Les 400 habitants de ce village situé dans la commune de Ronkh, vivent les premiers signes du processus qui vont les sortir des ténèbres. Grâce au Programme d’urgence de développement communautaire (Pudc), leur doléance qui date de mathusalem va bientôt être satisfaite : ils auront l’électricité.
Le courant n’éclairera pas que leur nuit, il va changer leur quotidien, estime Ahmet Djiby Bâ, le chef du village. « A force de promesses non tenues, nous avions désespéré d’avoir l’électricité un jour. Imaginez donc notre joie quand nous avons appris que le Pudc allait nous connecter sur le réseau. Avec l’électricité, notre mode de vie va changer », confie-t-il.
Son fils Djiby Bâ se veut plus explicite. Pour ce jeune homme d’une trentaine d’années, il ne sera plus question d’aller jusqu’à Richard-Toll ou à Rosso pour acheter un sachet de glace, charger son téléphone portable, regarder la télé ou pour trouver un moulin à mil.
« Pour ces petits gestes banals, il nous faut faire une vingtaine de kilomètres. Désormais, avec l’électricité, on se sentira moins oubliés par les autorités et nous nous sentirons plus en sécurité. Et puis, nous aurons enfin l’opportunité d’utiliser les réfrigérateurs que nous a offerts la Croix-Rouge il y a quelques années de cela», dit-il. Ici, on s’éclaire encore à l’aide de torches et de lampes tempêtes. Même le solaire n’est pas encore très bien entré dans les mœurs. Le niveau de pauvreté y est tel que c’est un luxe qu’on ne se permet pas.
Une belle surprise pour Yeti Yoon
Comme à Médina Mountaga, le village de Yeti Yoon sera bientôt électrifié. Situé à sept kilomètres de la route nationale 2, on y accède par le carrefour Colonat, haut lieu de la culture du riz, à travers une piste latéritique fortement délabrée par endroits. Ici, contrairement à Médina Mountaga, l’électrification n’a jamais été une doléance. Du coup, quand la bonne nouvelle est arrivée, elle a eu l’effet d’une très belle surprise, confie le chef du village Yamar Guèye.
« On ne s’y attendait pas du tout. C’est par un coup de fil d’un adjoint du maire de Ronkh qu’on m’a annoncé que notre village était retenu pour bénéficier de ce projet », explique le vieil homme d’un air timide. Et la question de savoir pourquoi il n’y s’attendait pas, il répond : « Nous sommes un village très enclavé et nous faisons à peine 500 habitants ». A Yeti Yoon, on vit avec moins de difficultés l’absence d’électricité qu’à Médina Mountaga car, ici, certaines maisons disposent de systèmes solaires. Mais ils sont de faible puissance et ne peuvent alimenter certains appareils. « Par exemple, en ce qui me concerne, mon système solaire n’alimente que deux chambres plus ma boutique », explique-t-il.
Yamar Guèye tient une petite boutique où, en plus de produits de consommation courante, il propose de la glace alimentaire stockée dans une grande caisse isothermique. Ce produit lui vient, tous les jours, de Rosso, distante d’une vingtaine de kilomètres. « L’électricité est un facteur de développement économique. On peut faire plein de petites activités génératrices de revenus quand elle est disponible », argue-t-il.
A l’image de Medina Mountaga et de Yeti Yoon, ils sont nombreux, ces villages du département de Dagana qui vont bénéficier d’un raccordement au réseau moyenne tension. Depuis quelques jours, l’entreprise en charge des travaux s’active dans la zone de Ronkh et de Richard-Toll. Ainsi, en un mois, 6 villages ont été raccordés ou sont en passe de l’être, selon le chef d’équipe, Madiop Diakhaté, trouvé à Yeti Yoon où, avec ses hommes, il était en train de s’affairer au tirage des câbles.
« A Thiangaye, Medina Mountaga, Richard-Toll 4 et Yeti Yoon, nous avons fini tous les travaux. Il reste à poser les boîtes et les lanternes. Ensuite, nous allons nous attaquer aux deux autres villages qui restent », explique-t-il.
Au total, il est prévu l’électrification de 420 villages dont 310 par raccordement au réseau moyenne tension/basse tension et 110 par voie solaire, l’installation des branchements intérieurs au profit de 20.800 ménages et l’alimentation de plusieurs structures socio-économiques. Les travaux ont démarré dans 62 villages.