650 MILLIARDS DE CREANCE EN SOUFFRANCE FIN 2015
CONTENTIEUX BANCAIRES ET DECISIONS DE JUSTICE AU SENEGAL
Les contentieux bancaires et les décisions de justice ont connu un essor fulgurant ces dernières années. En effet, et selon les chiffres de l'Association des professionnels des banques et des établissements financiers (Apbef), pas moins de 650 milliards de francs Cfa de créance sont en souffrance à la fin de l'année 2015.
Sans doute la problématique autour du traitement des contentieux bancaires est diversement appréciée, selon qu'on est banquier ou bien juge. En effet, les professionnels des établissements financiers ont beaucoup de griefs vis-à-vis de la justice. Notamment une connaissance insuffisante de la matière bancaire et des décisions de justice souvent incompréhensibles.
Toujours est-il qu'au niveau des contentieux bancaires, la longueur des procédures dans leur traitement a malheureusement une incidence directe sur le coût et l'accessibilité du crédit. C'est du moins ce qu'a relevé l'étude sur les contentieux bancaires et les décisions de justice au Sénégal pilotée par le Consortium pour la recherche économique et sociale (Cres).
269 décisions de justice en la matière collectées en 7 ans
Cette étude restituée, hier, devant les autorités administratives, judiciaires et les acteurs bancaires est partie d'un échantillon de 269 décisions de justice de la Cour d'appel de Dakar. Cela, entre 2008 et 2015. Il s'agit, selon le document, d'identifier les sources de conflits, les positions des parties, la durée du traitement judiciaire, les principes juridiques qu'utilisent les juges pour fonder leurs décisions.
Président de l'Association des professionnels des banques et des établissements financiers (Apbef), Alioune Camara souligne qu'en corrélation avec l'accroissement rapide du nombre des banques au Sénégal et la «progression non moins impressionnante des encours de crédit», le contentieux bancaire a connu malheureusement un essor fulgurant.
«A la fin de l'année 2015, le système bancaire a enregistré près de 20% de son total bilan. Soit plus de 650 milliards de francs Cfa de créances en souffrance. C'est autant d'argent qui ne participe plus de façon active à l'économie. Et ceux dans des délais de plus en plus longs en liaison avec la durée des procédures judiciaires et des difficultés de recouvrement», a relevé Alioune Camara.
«C'est dire que le contentieux bancaire est devenu un enjeu économique en constituant un frein au financement de l'économie. Il ne tient pas une réunion avec les autorités de tutelle sans que le problème des contentieux bancaires et des décisions de justice ne soit évoqué avec un espoir de solution souvent déçue pour les banques», a ajouté M. Camara.
«Aujourd'hui, on bouscule les magistrats, on est mis en compétition…»
De son côté, Bienvenue Moussa Habib Dionne, magistrat représentant le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, a indiqué qu'il est reproché aujourd'hui à la justice sénégalaise de ne pas être prévisible. «Vous prenez par exemple 100 décisions de justice, 20% vont dans tel sens, 30% dans un autre, 40% dans un autre sens. Ce qui, pour l'investisseur, constitue une sorte de flou artistique. Aujourd'hui, on bouscule les magistrats, on est mis en compétition avec les autres justices des autres pays. Ce paradoxe ou malentendu supposé oppose souvent magistrats et acteurs bancaires. Ce sera un prétexte de poser le débat», a confié le magistrat.
Quant à Mamadou Ndiaye, Conseiller technique au ministère de l'Economie, des Finances et du Plan, il a précisé que l'objectif est d'arriver à disposer d'un cadre «juridique clair, adapté et sécurisant, un environnement judiciaire sain». Cela, pour «faciliter le règlement des litiges contractuels dans les délais raisonnables en protégeant les droits des créanciers ainsi que les libertés et intérêts des débiteurs».