MAÏMOUNA NDOYE SECK BANDE LES MUSCLES
AIR SENEGAL, AIBD, TOURISME, CONQUETE DE DAKAR
Jadis à la tête du ministère de l’Energie, un secteur où elle a gravi tous les échelons, Maïmouna Ndoye Seck a migré vers le département du Tourisme et des Transports aériens. Se définissant comme une femme de missions et de défis, la polytechnicienne est en train d’imprimer sa marque sur ce département où le challenge est énorme dans un pays sans flotte et où le tourisme est rudement éprouvé. En plus de relever ce défi, la léboue de Dakar, très proche des Layènes, compte accompagner le chef de l’Etat à travers son mouvement éponyme : «Goungué Macky Sall» sur le terrain politique. Dans cet entretien avec «L’As», elle fait l’état des lieux et annonce l’inauguration de l’Aibd au mois de décembre.
Mme le ministre, où en est-on avec la nouvelle compagnie Air Sénégal ?
Nous avons connu beaucoup de problèmes depuis la disparition d’Air Afrique et nous n’avons pas voulu créer une nouvelle compagnie qui, au bout d’un an, va connaître des difficultés. C’est pour cela que nous avons lancé des études approfondies par un consultant international qui est la compagnie Sibéry. Cette compagnie a fait l’étude de marché pour les destinations que nous devons attaquer et le business plan. Ce business plan est important, parce que pour les anciennes compagnies, nous avons constaté que le principal problème était lié au lieu à desservir, mais surtout les avions à acquérir qui ne sont plus adaptés. Nous avons étudié la question pour pouvoir retenir le Sénégal, les pays voisins, les pays de la sous-région avec les moyens courriers, mais les longs courriers avec des destinations comme Paris. En termes de flotte, nous avons retenu, dans un premier temps, d’avoir deux avions turbo propulseur pour faire le Sénégal et le voisinage et la précommande a été faite. En plus de cela, nous allons avoir deux avions de moyen courrier pour faire la sous-région jusqu’à l’Afrique centrale et un long courrier pour faire l’intercontinental. A la suite de cela, nous allons acquérir d’autres appareils qui vont porter la flotte à 9 avions. Ce qui, nous permettra d’ici dix ans, de desservir 21 destinations.
Quel est le partenaire stratégique désigné?
Nous n’avons pas encore retenu de partenaire stratégique. Mais, le Sénégal a pris l’option d’avoir une compagnie aérienne. Donc avec ou sans partenaires, nous avons décidé de mettre en place notre compagnie nationale. Plusieurs partenaires se sont présentés et nous sommes en discussion avancée avec la Royal Air Maroc (Ram) qui a manifesté un intérêt depuis le départ. Nous discutons aussi avec Turkish Airlines et d’autres compagnies. Et nous sommes en attente de toute proposition intéressante pour le Sénégal. Sur l’arrivée d’un partenaire stratégique, on pourra avoir des partenaires techniques et commerciaux qui vont accompagner Air Sénégal. Mais nous ne faisons pas de fixation sur un partenaire spécifiquement.
On avait annoncé la liquidation de Sénégal Airlines, mais un an après c’est le statu quo ?
La liquidation d’une société anonyme est du ressort de la justice. Quand le Conseil d’administration a décidé de la liquidation, la justice a été saisie et a désigné un expert pour l’évaluation des actifs. C’est ce travail qui est en cours au niveau de la justice pour que la liquidation soit effective. Mais il faut dire que la situation actuelle de Sénégal Airlines ne facilite pas les choses, parce que le travail de l’expert est rendu difficile par l’indisponibilité des informations comptables et financières. C’est cela qui retarde un peu le travail que je suis personnellement, mais de loin puisque c’est quelque chose qui est sorti des prérogatives du ministère du Transport Aérien. L’Etat du Sénégal est actionnaire à 34%. Ses actions sont gérées par le ministère de l’Economie et des Finances. J’accompagne les travailleurs pour pouvoir suivre avec eux l’évolution du dossier. On a constaté un démantèlement de la direction. Et l’expert a des difficultés pour accéder aux informations. Cela ne veut pas dire que les documents n’existent pas. On me saisit de temps en temps pour m’informer de quelques difficultés que l’expert rencontre pour joindre les responsables et accéder à certaines informations.
Quel est l’état des lieux du tourisme Sénégalais qui a connu ses années les plus sombres ?
Le tourisme a connu une courbe descendante depuis pratiquement une dizaine d’années en termes d’arrivées. Cela était dû à beaucoup de facteurs. D’abord avec l’érosion côtière, la dégradation de certains sites touristiques, le tourisme balnéaire a connu un certain déclin. Il s’est ajouté d’autres phénomènes comme l’insécurité grandissante dans la sous-région et les maladies qui se sont déclarées. Cela a entraîné la dégradation et la fermeture de certains réceptifs. Avec les actions qui ont été menées avec le gouvernement notamment la réduction des redevances, le renforcement de la promotion, nous avons connu depuis 2015 une inversion de la tendance baissière. Pour la première fois, le nombre de touristes a beaucoup augmenté en 2015. Cette inversion s’est confirmée en 2016 avec une augmentation beaucoup plus notable des arrivées touristiques de l’ordre de 5 à 6%. Et pour l’année 2017, nous avons constaté, même si nous n’avons pas encore l’ensemble des statistiques, un vrai regain au niveau des réceptifs hôteliers qui sont presque tous complets au premier trimestre de l’année 2107. Donc, on peut dire que le tourisme est en train de repartir. Avec les instruments mis en place comme le crédit hôtelier pour accompagner les hôteliers à mettre à niveau leur réceptif, nous pensons que cette tendance va se confirmer davantage. Mais ce qui est important, c’est que l’on utilise à bon escient le montant initial qui a été mis à disposition. Et ceux qui bénéficieront de ce crédit le remboursent, parce que c’est un crédit revolving.
Vous avez évoqué les difficultés que connaissent les réceptifs hôteliers sur la Petite Côte. Avez-vous envisagé des solutions pour inverser la tendance ?
Sur la Petite Côte, le problème fondamental c’est l’érosion côtière. Avec l’érosion côtière, la quasi-totalité des plages de la station balnéaire de Saly a été perdue. Nous avons un important programme avec la Banque Mondiale, l’étude est pratiquement terminée, les dossiers sont passés au Conseil d’administration de la Banque mondiale en fin de semaine passée avec un financement de 23 millions d’euros pour mettre des brises lames et recharger les plages. Une fois les plages retrouvées, naturellement les touristes vont venir et la réhabilitation va se faire facilement. A défaut, il faut que l’on requalifie la mission de la station balnéaire qui peut être transformée en une zone de tourisme d’affaires avec la proximité de l’aéroport international Blaise Diagne (Aibd) et de Diamnadio. Il y a aussi d’autres sites comme la Casamance où beaucoup de réceptifs avaient fermé suite à la classification de la zone comme dangereuse par les Français. Aujourd’hui, avec la
déclassification que nous avons pu obtenir, nous voyons des perspectives. Beaucoup de promoteurs veulent réinvestir. Cela est encouragé aussi par la décision prise par le président de la République de faire de la Casamance une zone touristique d’intérêt national avec une amnistie fiscale sur 10 ans pour ceux qui choisissent d’investir dans la zone. Donc, il y a beaucoup de perspectives surtout dans les zones de Cap Skiring que nous avions retenues pour fêter la semaine du tourisme local.
Vous avez tantôt évoqué l’Aibd. A quand son inauguration?
Nous pensons remettre les clés de l’Aibd au président de la République dès qu’il sera disponible. A l’heure actuelle, les travaux sont pratiquement terminés. Et nous programmons le premier vol en décembre 2017. Et j’espère que ce sera le 7 décembre 2017 qui est une date importante que j’ai proposée au Président de la République, puisque c’est une date d’anniversaire importante pour les transports aériens. D’autant que c’est la date de la signature de l’accord de Chicago pour les transports aériens.
Vous menez de façon sporadique des activités politiques. Est-ce pour exprimer une reconnaissance au Président Macky Sall ou une volonté de vous engager réellement en politique ?
J’ai l’habitude de me définir comme une femme de missions et de défis. Je crois avoir réalisé les défis que je m’étais fixés au niveau personnel. Il me reste maintenant des missions à accomplir pour le Sénégal et Dieu a fait que j’ai rencontré une personne que je connais bien, et dont je connais les ambitions pour le Sénégal. Notre collaboration ne date pas de la fonction présidentielle puisque j’ai été son conseiller à la Primature. Je connais sa vision pour le développement du Sénégal et cela ne date pas d’aujourd’hui. Je me suis toujours engagée à ses côtés de façon visible ou invisible pour lui permettre de mener à bien cette ambition pour le Sénégal. Et c’est dans ce cadre que je me suis engagée en politique. C’est tout le sens du mouvement que nous avons créé pour accompagner le Président à terminer ses deux mandats et mener le Sénégal vers l’objectif qu’il s’est fixé.
Peut-on s’attendre à vous voir sur les listes aux législatives?
Cela ne fait pas partie de mes préoccupations. Comme je l’ai dit, je suis une personne de missions. Aujourd’hui, ma mission est de faire en sorte que le président de la République puisse avoir une majorité confortable à l’Assemble nationale. Et je vais y travailler quelles que soient les personnes qui sont sur la liste. Nous avons une association qui regroupe beaucoup de Gie et un mouvement politique. A partir du 12 mai, nous allons lancer nos activités qui vont nous mener vers les législatives et la présidentielle. Depuis juin 2015, nous sommes sur le terrain et effectuons des activités socio-économiques et politiques. Lors du référendum, nous nous sommes investis sur le terrain. Nous allons refaire exactement la même chose en multipliant les actions pour les législatives. Ce n’est pas une marque de reconnaissance par rapport à une fonction, c’est une croyance à un homme qui a une ambition partagée. Je serais toujours à ses côtés quelle que soit la liste lors des élections législatives.
Vous militez à Dakar où la mouvance présidentielle peine à imprimer ses marques. Avec la détention de Khalifa Sall, est-ce que la mission ne s’avère pas plus délicate ?
S’il y a une tendance à inverser, c’est l’opposition qui doit l’inverser, parce que la mouvance présidentielle est sortie victorieuse de la dernière élection directe qui s’est déroulée. C’était le référendum. L’élection des Hauts conseillers des collectivités territoriales était un suffrage indirect avec un résultat préétabli. Donc la dernière consultation a donné la majorité à la mouvance présidentielle. Cette majorité sera consolidée aux prochaines élections. Mais comme j’ai l’habitude de dire, la réédition des comptes est un élément indispensable, très important dans la politique du chef de l’Etat. C’était même une demande des Sénégalais. Est-ce que quand quelqu’un fait de la politique et qu’on découvre des choses par rapport à la gestion de celui-ci, on doit fermer les yeux. Ce n’est pas parce qu’on est acteur politique, qu’on ne doit pas rendre des comptes à la justice. Si on arrive à développer cette culture, on aura fait un grand pas vers le développement et l’émergence.