MONNAIE UNIQUE, ENCORE UN PARI MANQUÉ
La CEDEAO devait créer une monnaie unique avant 2020 mais cet objectif semble désormais hors de portée
C'était un pari pour les quinze pays membres de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao) : créer une monnaie unique d'ici à 2020. Cette date butoir a soulevé beaucoup d'espoirs du côté des populations. Ces dernières années, c'était même devenu une fierté pour nombre d'Africains qui voyaient dans la future monnaie unique une monnaie beaucoup plus stable et plus crédible que les monnaies actuellement en vigueur. Et aussi le moyen de sortir du franc CFA et donc du face à face avec la France. Maintes fois reporté depuis 2009, l'objectif semble désormais hors de portée. La faute à une conjoncture économique compliquée pour plusieurs pays de la zone, notamment le Nigeria, le Ghana et même la Côte d'Ivoire.
Pourquoi la mise en place de la monnaie unique est-elle reportée ?
Annoncée pour 2020, la monnaie unique de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest devra attendre encore une dizaine d'années. C'est ce qu'a annoncé hier le président de la commission de la Cedeao, Marcel de Souza, à l'issue d'une audience avec le chef d'État nigérien, Mahamadou Issoufou. Le président nigérien a été désigné en 2013 par ses pairs comme coordonnateur de la coopération monétaire, avec en perspective la création d'une monnaie unique dans l'espace Cedeao en 2020.
La Cedeao est la principale organisation intergouvernementale de la région, créée en 1975 à la suite de la signature du traité de Lagos. Elle est l'héritière de l'Union douanière de l'Ouest africain et regroupe quinze États francophones, anglophones et lusophones, qui comptent au total environ 300 millions d'habitants. Depuis sa création, son objectif est de promouvoir la coopération et l'intégration avec pour but de créer une union économique et monétaire ouest-africaine. Dernière étape-clé : le 1er janvier 2015, neuf pays de la Cedeao ont adopté un « tarif extérieur commun », c'est-à-dire des droits de douane unifiés. Mais pour le président de la commission : « L'analyse des critères de convergence et de stabilité montre que le pari de créer une monnaie unique en 2020 ne pourra pas être tenu, surtout dans la précipitation. » En cause, il a évoqué l'entrée du Nigeria en récession avec un taux d'inflation, en fin décembre, de 18 %, le cas du Ghana également avec un taux moyen de 15 %, « deux grandes économies de l'Afrique de l'Ouest face auxquelles les 8 pays de l'UEMOA réunis et même en bonne santé économique ne représentent, en termes de PIB, qu'un peu au-dessus de 10 % ». « Face à cette situation, on ne peut plus aller à la monnaie unique en 2020 », a reconnu Marcel de Souza.
Une décision qui relève d'une volonté politique forte
Un sommet sera convoqué par le président Issoufou en octobre prochain à Niamey pour définir les dispositions à prendre, au cours duquel il sera également proposé de confier la politique monétaire aux gouverneurs des banques centrales et au secrétariat de la commission de la Cedeao. Mais en réalité, ce retard annoncé est aussi l'occasion de rappeler que c'est depuis les années 2000 que cette idée a émergé au niveau de la Cedeao, avec la déclaration d'Accra puis l'accord de Bamako, la même année, pour la mise en œuvre d'une monnaie unique, l'ECO. En mai 2009, le Conseil de convergence des ministres et gouverneurs de la Zone monétaire ouest-africaine (ZMAO) avait adopté, à l'issue de sa 24e session, une feuille de route globale pour la mise en place de l'Union monétaire de la Cedeao à l'horizon 2020 avec, parallèlement, l'établissement de la Banque centrale de la zone ouest-africaine. Sauf que, depuis, aucune avancée majeure n'a été enregistrée sur le terrain. Selon l'agenda fixé, le lancement de la monnaie unique devait commencer par les pays qui disposent de leurs propres monnaies (Gambie, Ghana, Guinée, Nigeria et Sierra Leone) auxquels devront se greffer les 8 pays membres de l'UEMOA qui font partie de la zone franc qui ont en commun le CFA.
Cette nouvelle du report tombe au plus mauvais moment, alors que le continent est en plein débat sur l'avenir du franc CFA. Mais d'un autre côté, elle pourrait mettre davantage de pression sur les dirigeants africains, qui sont d'ailleurs régulièrement interpellés sur la question.