MOUSTAPHA NIASSE ET DAOUDA DIA AU COEUR DE L’IMBROGLIO
NON VERSEMENT DE L’IMPOT DES DEPUTES AU TRESOR
Depuis que le secrétaire général de la formation patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la Fraternité (Pastef) a fait les révélations selon lesquelles l’impôt des députés n’est pas reversé au trésor public, on assiste à toute sorte d’explications. Cependant, même si l’impôt est défalqué sur les bulletins de salaire des parlementaires, les sommes n’arrivent pas au trésor public. Cette situation est d’autant plus grave qu’elle engage la responsabilité du président de l’assemblée nationale (Moustapha Niasse) et du questeur Daouda Dia qui n’ont pas fait le travail qu’il fallait pour reverser cet argent public dans les caisses de l’etat.
Le secrétaire général de la formation politique Patriotes du Sénégal pour le Travail, l’Ethique et la Fraternité (Pastef) Ousmane Sonko a secoué l’hémicycle de la place Soweto en révélant que les députés ne s’acquittent pas de leur devoir de payer l’impôt. Depuis, on s’active du côté des parlementaires, surtout de la majorité pour tenter de noyer les accusations de cet inspecteur des Impôts et Domaines. Cependant, les réponses des «accusés» consistant à dire : «on paie l’impôt et c’est noté sur nos bulletins de salaire» n’ont pas permis de tirer cette affaire au clair ou de situer les responsabilités. Ousmane Sonko persiste à dire que cet argent n’est pas reversé au Trésor public. «Est-ce que la retenue à la source est faite ? En tout cas, si elle est faite aussi, elle n’est pas reversée au Trésor public», clame avec force Ousmane Sonko qui se demande si cet argent ne fait pas l’objet d’un détournement.
LES DETAILS SUR LES IMPOTS DES DEPUTES
A la décharge des parlementaires, c’est l’institution qui est en cause. Ici, s’il ne s’agit pas d’un détournement de deniers publics, il pourrait bien s’agir d’un détournement d’objectif, car les impôts des députés ne sont pas reversés dans les caisses de l’Etat depuis le début de cette législature en 2012. Ousmane Sonko, que nous avons joint au téléphone, explique que le régime fiscal appliqué au député est même plus doux que celui appliqué aux autres citoyens. Selon le secrétaire général de Pastef, avec tous les avantages, le montant que payent mensuellement les députés comme impôt ne dépasse pas 15.000 francs, car 50% de leur salaire est considéré comme un remboursement et n’est pas imposé ; cela fait que sur la retenue d’environ 50.000 francs Cfa sur les salaires des députés (dont 35.000 rancs de cotisations pour la retraite parlementaire), près de 15.000 francs seulement sont destinés aux Impôts.
LA TVA SUR LES MARCHES DE L’ASSEMBLEE INVISIBLE AUSSI…
Au delà de l’impôt sur les salaires, l’un des fondateurs du Syndicat autonome des agents des impôts et domaines (Said) révèle un autre problème. Il s’agit de la Tva sur tous les marchés publics passés par l’Assemblée nationale qui devrait être versée dans les caisses du Trésor public. «C’est le précompte Tva. L’Assemblée nationale doit précompter la Tva et la verser aux impôts», explique M. Sonko. En outre, il y a un «personnel politique pléthorique» qui travaille à l’Assemblée nationale, qui n’est pas salarié, mais qui perçoit un salaire sur lequel doit être opéré des retenues pour les impôt.
Toute cette manne financière qui n’a pas été versée au Trésor public fait qu’il y a eu un redressement fiscal dans cette institution. Un redressement fiscal qui se chiffre à plus d’un milliard, selon certaines voix autorisées.Si on en est arrivé à cette situation particulièrement grave, c’est surtout à cause de la négligence des autorités chargées de retenir ces impôts à la base pour les reverser au Trésor public. Et les responsables sont le président de l’Assemblée nationale, Moustapha Niasse, en tant que personne morale de la structure et le questeur, Daouda Dia, qui s’occupe des questions financières, sans oublier le Trésorier de l’institution. Interpellé à ce sujet, un député renseigne que le trésorier est à la retraite depuis 2012. Ce qui ne saurait être une justification valable dans la mesure où l’Assemblée avait largement le temps de lui trouver un remplaçant. Et qui plus est, «les hommes passent mais les institutions demeurent». Les plus hautes autorités du Pouvoir législatif n’ont pas fait le travail qu’il fallait et sont donc responsables de cette situation. Par ailleurs, Ousmane Sonko a précisé que la législature en cours est la plus concernée par le non versement de l’impôt, étant donné qu’en matière fiscale, le délai de prescription est de 4 ans. Ce qui veut dire que rien n’est perdu pour la Direction générale des impôts et domaines (Dgid) qui peut intenter des actions pour reprendre l’impôt des députés de la 12ème législature ; une somme d’argent qui pourrait servir, car si on considère qu’un député paye 10.000 francs d’impôt par mois (au minimum), c’est 72 millions de francs qui doivent être versés au Trésor par les responsables des finances de l’Assemblée nationale, compte non tenu du précompte Tva sur les marchés et aussi des salaires des autres agents.
LE CESE DANS LE MÊME SAC : Patriotisme fiscal à deux mesures…
D’après nos informations, l’Assemblée nationale ne serait pas la seule institution à ne pas payer ses impôts. D’après certaines confidences, le Conseil économique social et environnemental (Cese) dirigé par Aminata Tall est dans la même situation, de même que le défunt Sénat. Cette institution ne paie pas non plus ses impôts. Une situation qui nous amène à nous interroger sur le patriotisme fiscal au Sénégal. Comment comprendre que chez les citoyens qui gagnent des miettes comparés à ces «hauts salaires politiques», il ne soit même pas envisageable de ne pas payer ses impôts et qu’en même temps, des hommes, chargés de faire fonctionner nos institutions et de renforcer notre Etat de droit, osent «oublier» cet acte indispensable au développement économique de nos pauvres Etats ? D’après les mêmes informations, cela n’est pas une nouveauté, car même du temps de l’ancien régime, l’Assemblé nationalene s’acquittait pas de ce devoir.
D’ailleurs, pour la petite anecdote, on raconte qu’un inspecteur des Impôts qui s’était déplacé à l’Assemblée pour évoquer cette situation s’est vu rétorquer : «laisse tomber, on va régler cette affaire entre politiciens…». Peut-être, c’est ce comportement non conforme à la transparence que l’actuelle législature a voulu ériger en règle. Cependant, l’Etat e devrait pas laisser passer cela, non pas pour éviter une politique de eux poids deux mesures (car pendant ce temps, des Pme disparaissent du fait de la forte ression fiscale), mais parce que les institutions qui sont chargées de voter les lois mais aussi de contrôler l’action du gouvernement devraient être les premières à respecter ces lois, ne serait ce que pour montrer l’exemple.