PARENTS ET ÉLÈVES BRILLENT PAR LEUR ABSENCE
Rentrée scolaire 2015/2016
La rentrée des élèves n'a pas été effective hier, dans la banlieue dakaroise. Dans la commune de Keur Massar (département de Pikine), les apprenants et leurs parents n'ont pas répondu présent dans les établissements scolaires.
La rentrée scolaire des élèves n'a pas été une réalité dans beaucoup d'écoles. Prévue hier, elle n'a été que de nom. Les parents et leurs enfants ont brillé par leur absence. Dans toutes les écoles visitées, la situation est pareille. Les élèves semblent être toujours en vacances. Beaucoup craignaient la non-effectivité de la rentrée des classes à cause des inondations et des herbes qui envahissent les écoles.
A l'école élémentaire de l'Unité 3 des Parcelles Assainies de Keur Massar, l'ambiance est peu animée en cette matinée du mercredi, jour de rentrée. Quelques dizaines d'enfants sont dans la cour en train de jouer en chantant et en dansant. Quelques parents aussi sont présents pour régler des problèmes de transfert. Quant aux enseignants, ils sont regroupés sous l'ombre de l'un des bâtiments en étage. Ils sont prêts pour servir de même que la direction de l'école, mais les enfants, maillon essentiel de la chaîne, ne sont pas au rendez-vous.
Selon le directeur Monsieur Ngom, tout le personnel est disponible et son établissement est fonctionnel, mais impossible de démarrer les enseignements faute d'apprenants. "Officiellement, la rentrée est effective. Mais le blocage se situe au niveau des parents d'élèves car même ceux qui sont présents sont venus sans fourniture", explique-t-il.
Contrairement aux années où la rentrée était un grand événement avec les enfants qui venaient à l'école accompagnés de leurs parents et vêtus de leurs plus beaux habits, elle est cette fois un non-événement. L'enthousiasme qui entourait "le jour de la rentrée" comme l'écrivaient les auteurs du manuel scolaire Sidi et Rama, est à son plus bas niveau. Comme la précédente école, celle de l'Unité 5 affiche le même visage. Malgré la disponibilité des instituteurs et les salles de classe, le "Ubbi tey jang tey" n'a pas pu être une réalité.
"La rentrée n'est pas effective", lance le directeur Abdou Diaw. Trouvé dans son bureau, il affirme que tous les enseignants sont sur place mais ils n'ont même pas la moitié des effectifs. Par contre, sur le plan didactique, il y a des manquements. "Nous n'avons pas encore de craie", conclut-il.
Le CEM Keur Massar 1 situé à quelques centaines de mètres ne fait pas l'exception. Sa cour très boisée est presque désertique ce matin. Ici, rien ne montre qu'on est au jour de la rentrée des élèves. Selon le principal Magatte Diaw, même pour les inscriptions et réinscriptions, les enfants et leurs parents viennent au compte-gouttes malgré leur démarrage depuis le mois de septembre.
"Mais ce n'est pas un facteur bloquant car on peut commencer les cours et après, remplir les formalités administratives. C'est pour cela que nous avons décidé de démarrer les enseignements le lundi prochain, quels que soient les effectifs présents", rassure-t-il. Il explique le problème (absence des élèves) par un manque d'argent des parents notamment à cause de la fête de Tabaski.
La crainte de beaucoup de parents et acteurs du système éducatif de voir le démarrage de l'année retardé à cause des inondations et du désherbage est aussi une réalité dans certains établissements scolaires. L'école élémentaire de l'Unité 11 des Parcelles assainies de Keur Massar en est un exemple patent. Situé dans une zone frappée de plein fouet par les inondations, la cour est envahie à 95% par les eaux et les herbes, au grand bonheur du bétail du quartier qui vient brouter sur le site.
Ici non seulement les élèves n'ont pas répondu présent, mais la cour et les bâtiments sont inutilisables. Le directeur adjoint Babacar Diouf est installé dans un coin à l'entrée de la cour non clôturée. Des blocs de reçus sur une table-banc, il reçoit les visiteurs et les inscriptions se font sur place. "Quelques élèves étaient là, mais ils sont partis car on ne peut pas les retenir, vu la situation de l'école", informe-t-il.
Un enseignant d'ajouter : "Il y a même du poisson dans les eaux. Demandez aux habitants du quartier ; certains viennent ici faire la pêche." Concernant le désherbage et l'évacuation des eaux, le directeur soutient que les parents d'élèves et les autorités municipales n'ont encore rien fait. Vu la situation des écoles et le comportement des apprenants, le "Ubbi tey jang tey" restera un vœu pieux pour cette année.
L'école privée d'aplomb, le public traîne les pieds
Vêtus de nouveaux habits, arborant souvent la coiffure à la mode pour les filles, sans oublier le sac au dos, des milliers d'élèves ont retrouvé hier le chemin des classes. Notamment, dans le privé catholique. Pour le public, c'est une autre histoire.
Officiellement, la rentrée des classes a eu lieu hier sur l'ensemble du territoire sénégalais. Les enseignants et le personnel administratif ont repris le chemin des classes depuis le lundi dernier. Deux jours avant les élèves. Seulement, dans pratiquement toutes les écoles, le constat est le même, les parents s'y rendent pour inscrire leurs enfants et non pour un démarrage des cours. Hier au collège Hyacinthe Thiandoum, c'était le grand rendez-vous pour les élèves. Une ambiance des grands jours pour les potaches qui, la plupart, faisaient la queue devant la salle de caisse pour l'inscription.
"La rentrée s'est passée pour le mieux. Tout le personnel enseignant est présent. Mais le seul inconvénient, c'est le ralentissement des inscriptions. D'habitude, le premier jour, c'est la prise de contact. Cependant, ce qu'on peut observer cette année, c'est peut-être quelques inscriptions qui sont en retard, comparé à l'année dernière. Ainsi, cela peut être dû à la fête de tabaski qui a un peu bousculé les budgets des familles. Ce qui fait qu'en ce moment, ceux qui n'étaient pas venus auparavant profitent du jour de la rentrée pour compléter leurs inscriptions. Ce qui n'est pas l'idéal", a indiqué le père Luc Brunet, directeur du collège Cardinal Hyacinthe Thiandoum.
Selon lui, les choses se passent normalement. "Au vu de la situation, tant qu'il y a de la place, nous continuerons à prendre des élèves. Actuellement, nous en sommes à 2 950 inscrits et il ne manque pas tellement pour atteindre le nombre qu'on avait l'année passée", a-t-il ajouté. M. Brunet s'est en outre prononcé sur le slogan "ubi tey jang tey" pour dire qu'il est pratiqué dans son école et les autres établissements privés catholiques. "Dans notre cas, nous commencerons demain les cours, à partir de 8h, et nous travaillerons régulièrement", a-t-il assuré.
C'est le désert, à l'école Point E 1 Autre établissement, autre réalité. A l'école Point E 1, c'était le calme plat, hier. Un silence total. Quatre professeurs trouvés sous un arbre à palabres, attendaient l'arrivée des élèves. "Depuis ce matin, il n'y a que des enseignants. Seulement une dizaine d'élèves sont venus pour s'inscrire. On doit descendre à 14h. Il est 13h, mais on attend toujours", a informé Ndiambé Ndiaye, enseignant.
Si la rentrée a été parfaite pour le collège Hyacinthe Thiandoum, au Point E 1, c'est un véritable échec. Ndiambé Ndiaye rejette la faute sur l'Etat et les parents d'élèves. "Tout cela est la faute de l'Etat. Il néglige l'école publique et finance les privés. Dans notre situation, les conditions ne sont pas réunies pour qu'on puisse commencer les cours. Autrement dit, fournir aux enfants les matériels didactiques ; doter cette école des manuels qu'il faut pour pouvoir enseigner correctement". Il en a aussi profité pour tacler les parents d'élèves. "Les inscriptions ne sont pas du tout chères. Elles sont arrêtées à la somme de 2 000 F CFA. Mais, seulement 0,5% des parents d'élèves sont venus pour inscrire leurs enfants".
Mamadou Sow, enseignant, a abondé dans le même sens. "Depuis 9h, nous sommes assis sur une chaise à attendre les élèves. Si j'avais dans ma classe 10 élèves, j'aurais commencé les cours, sans hésiter. Mais hélas, cela ne s'est pas passé comme on voulait. Donc, la rentrée est un véritable échec pour nous enseignants des écoles publiques. Dans ce cadre-là, le concept "ubi tey jang tey" est un slogan creux du côté des écoles publiques".