BARÇA VS DAESH
Dans les moments de déprime, quand la bêtise des hommes et l'ignominie de ce monde vous fait regretter votre condition humaine, le Clasico est une belle leçon de vie parmi d'autres
Quoi qu'on puisse penser de la terrible semaine qui vient de secouer le monde, entre Paris et Bamako, lui trouver une explication à défaut d'une justification, on n'a pas pu rester insensible aux moments d'émotions qui ont fait des stades des refuges contre la démission, la fatalité ou la résignation.
Le monde s'est trouvé un symbole avec le drapeau français, La Marseillaise est devenue la chorale des cœurs en pleurs et chacun a pu se forger, dans l'expression vive de sa douleur muette, le moyen de dire Non.
Cette part d'humain que d'aucuns n'auraient peut-être jamais découvert en eux-mêmes, l'horreur incommensurable du fanatisme religieux l'a mise à nu.
Le monde n'est pas plus faible qu'avant le Bataclan. Il est devenu autrement plus fort dans ses sentiments de cœur. L'effroi tisse des ponts et la France mesure davantage ses responsabilités face au Mali. Entre le Stade de France et le Radisson de Bamako, on a vu que les menaces sont uniformes et les peurs indistinctes.
La force du sport c'est d'avoir pleuré et rit de tout cela. Si les stades étaient en berne, l'adversité n'a jamais été aussi belle. Bras dessus bras dessus, adversaires et partenaires alternés, les minutes de silence ont charrié des torrents d'émotion. Mais c'était ensuite pour mieux faire chanter les cœurs. Nice a fait exploser Lyon (3-0), Liverpool est allé marcher (jamais seul) sur Manchester City (4-1), Tottenham a laminé West Ham (4-1), Everton a été sans pitié pour Aston Villa (4-0)… Ce fut peut-être la même chose au Bhoutan, en Patagonie ou au Népal.
Il fallait être du côté des vainqueurs pour en jouir, mais il y a une semaine qu'on se dit que les scores importent peu... A un monde perclus de douleur, le football a trouvé les moyens d'apporter un pansement.
Le bel hymne à la joie du Barça face au Real a de quoi apaiser les survivants, en même temps qu'il constitue un bel hommage aux morts. Ce match est toujours un élixir. Qu'elle vienne d'un côté comme de l'autre, une victoire est une leçon de football. Rien ne le prédétermine tant l'incertitude initiale est grande, tout le justifie quand le tableau d'affichage s'illumine de sa vérité ultime.
On sort du clasico avec la certitude d'aimer le plus beau jeu au monde, expression parfaite de l'intelligence féconde et spontanée, symphonie entre le corps et l'esprit. Quand le Barça construit, c'est comme un tourbillon d'abeilles autour d'une ruche. Samedi, ils ont joué vingt minutes avant de faire leur première faute technique, sur une passe offensive ratée. Sublime.
On regarde Barcelone jouer en pensant à ce que disait Claude Suaudeau, entraineur de la meilleure équipe de l'histoire nantaise (1991-1997) : "C'est quoi le geste le plus important et le plus difficile dans le foot ? Platini dit que c'est le contrôle. Alors moi je dis "non". Je dis "on joue sans contrôle." A preuve, la talonnade de Neymar sur le 3e but du Barça marqué par Iniesta... Savourez.
Dans les moments de déprime, quand la bêtise des hommes et l'ignominie de ce monde vous fait regretter votre condition humaine, Real-Barça est une belle leçon de vie parmi d'autres.