Irak: des supporters enthousiastes et pleins d'espoir pour le retour du foot international
"Avant, je regardais ces matches à la télé. Aujourd'hui, je suis au stade !" Comme beaucoup de supporters irakiens, Ali l'étudiant assiste lundi à son premier match international de football, lors du match de la Coupe de l'AFC entre l'Armée de l'Air et al-Zawraa.
C'est le grand retour du football international en Irak, quatre ans après l'interdiction prononcée par la Fifa en raison des violences récurrentes et des sanglants attentats jihadistes dans le pays. La fédération internationale a finalement levé, sous conditions, cette interdiction début mai, permettant à la demi-finale aller de la zone ouest du tournoi de se jouer en Irak.
La rencontre, entre deux équipes de Bagdad, se dispute toutefois à Erbil, la capitale du Kurdistan située dans le nord du pays, plus sûre que la capitale irakienne.
"J'aurais aimé que ce soit à Bagdad, mais c'est comme ça", soupire Ali, 24 ans, maillot bleu de l'Armée de l'Air sur le dos et drapeau frappé du faucon, l'emblème du club, autour du cou.
Il est venu en bus avec d'autres supporters. Le club a payé la moitié des frais, lui a déboursé 35.000 dinars (25 euros environ) et fait huit heures de trajet. "C'est un match spécial, je ne pouvais pas le manquer", sourit cet étudiant en droit: "Nous voulons montrer au monde que le football est notre oxygène, on respire le football".
- Période probatoire -
Autour du stade Franso-Hariri, au milieu des supporters détendus, des militaires patrouillent régulièrement. La sécurité est maximale pour cette rencontre, considérée comme un test pour prouver la capacité des autorités irakiennes à accueillir de tels événements. L'autorisation de la Fifa ne porte pour l'instant que sur une période probatoire de trois mois et seulement dans certaines villes.
Malgré un match terne (1-1), les 11.500 spectateurs ont le sourire. En tribunes, on saute, on chante.
La bataille des décibels est remportée par les "Ultras Blue Hawks" de l'Armée de l'Air et leurs vuvuzelas assourdissantes, plus nombreux que les "Kings" d'al-Zawraa. "C'est mon coeur mais ce qui le fait battre, c'est al-Zawraa", proclame un de leurs drapeaux.
"On va montrer une belle image des stades irakiens, du football irakien", assure Anouar, un supporter d'al-Zawraa de 25 ans, sa place à 10.000 dinars (7,5 euros) en main.
"Nous avons une responsabilité, nous le public", explique Ahmad Abdallah, 22 ans, lui aussi fan des "Nawaris" (les goélands), arrivé de Bagdad dans l'un des 15 bus affrétés gratuitement par le club: "On est tellement heureux, même si c'est loin. Il faudrait aussi lever l'interdiction à Bagdad, on ne pourra pas toujours venir aussi loin".
- 'Clasico irakien'-
Chacun porte haut sa fierté et ses couleurs, mais tous partagent la même volonté: la levée de l'interdiction dans tout le pays.
"Le public a soif de matches comme ça. En plus, c'est le clasico irakien !", ajoute Ali Fadel, chauffeur de taxi de 50 ans.
Fondé en 1931, le club de l'Armée de l'Air est le plus ancien club d'Irak et le tenant du titre de la Coupe de l'AFC. Al-Zawraa, avec ses 12 titres de champion et ses 14 coupes d'Irak, est le plus titré du pays.
Le quinquagénaire, fan de l'Armée de l'Air "depuis ses sept ans", partage sa vie entre Le Caire et Bagdad. Il est venu spécialement d’Égypte en avion: "145 dollars (130 euros) le billet + l'hôtel + la place".
Pour lui, ce match est un juste retour des choses après une interdiction "pas nécessaire" et "injuste": "On a été privés de tels matches trop longtemps".
"Heureux" de l'événement, l'entraîneur de l'Armée de l'Air, Basim Qasim, s'est fait leur porte-parole après le match: "L'Irak et le public irakien ont vraiment besoin de voir jouer leurs équipes sur leur sol. J'espère que des personnes de bonne volonté feront en sorte de lever l'interdiction dans l'ensemble du pays".