QUELQUE CHOSE BOUGE…
Jusqu'à la victoire des Lionnes à l'Afrobasket, c'est une force motrice endogène qui a tiré le sport sénégalais. Le miracle s'est construit à la force des bras et des poignets, impulsé par des connaissances que d'aucuns résument dans le "génie sénégalais"
En effet, "quelque chose bouge" dans le sport sénégalais. En cinquante-cinq ans d'indépendance, jamais cuvée n'a été aussi bonne que celle qu'on savoure en cette année 2015. Et on entame le dernier quart de cet An de Grâce avec l'espoir de le boucler au milieu des chandelles et des guirlandes, bavant de bonheur devant la cerise sur le gâteau : on rêve de voir l'équipe nationale U23 de football ajouter la Can U23 à Dakar à sa médaillée d'or des Jeux africains.
Oui, "quelque chose bouge" dans le sport sénégalais, mais on nage en plein paradoxe.
L'adage dit qu'"il y a plus fort que ce qui bouge, c'est ce qui le fait bouger" (lu yëngu, la ko yëngël a ko ëp doole). Aucun mouvement ne s'opère sur un objet, un être ou une chose sans qu'il y ait cette force motrice qui l'anime. La logique est primaire ; on aurait aimé qu'elle fonctionnât dans le cas d'espèce. En l'occurrence le sport sénégalais.
Quand le chef de l'Etat a sorti cette remarque du sport qui bouge, comme dans un élan de surprenante ingénuité, la logique aurait voulu qu'il l'adossât à quelque chose de concret. A une vision (la sienne peut-être) et à des réalisations (ne parlez pas des stades qu'on réfectionne) qui auraient justifié cette transition vers l'excellence. Il n'en est rien.
Les heureux aboutissements qui se sont succédé depuis mars dernier, avec la finale de la Can U20 atteinte par les "Lionceaux", suivie d'une demi-finale au Mondial, sont le fruit d'une impulsion interne. L'accompagnement politique n'est pas sorti de la débrouille et de l'ordinaire des bouts de ficelles. On n'a rien senti venir qui n'existait alors. Aucun choix politique révolutionnaire dans la gestion du sport ne s'est installé.
Jusqu'à la victoire des "Lionnes" à l'Afrobasket, c'est une force motrice endogène qui a tiré le sport sénégalais. Le miracle s'est construit à la force des bras et des poignets, impulsé par des connaissances que d'aucuns résument dans le "génie sénégalais", qui n'est autre chose que le travail technique que génère des neurones encore vivaces et alertes.
Cette belle mécanique aurait pu se casser quelque part et renvoyer les conquérants d'aujourd'hui dans les désillusions des chemins de traverse. On aurait remballé les espoirs et refoulé les déceptions, pour retourner à la gestion des banalités, comme il a été longtemps de coutume dans le sport sénégalais.
Mais "il y a quelque chose qui bouge"… Le constat est là, sans qu'on se soucie d'où cela vient. C'est le propre du politique d'être amnésique de ses promesses qui n'engagent que ceux qui y croient. La récupération finale trouve toujours une place dans l'agenda de qui gouverne. Oui, les hommes du bonheur final savent toujours retomber sur leurs pieds au bon moment, pour se mettre dans la direction du vent.
"Quelque chose bouge", mais les sportifs attendent toujours le 1 % du budget national promis par Macky Sall, alors candidat à la présidentielle de 2012. "Quelque chose bouge", mais c'est un miracle qui se construit avec des finances distribuées à la petite cuiller.
"Quelque chose bouge"… Ce triomphe aurait relevé autant de la volonté politique que de l'engagement des sportifs, si la relation avait été établie et soutenue.
Oui, "quelque chose bouge"… et on regarde l'avenir. Les arrières sont, en effet, quasiment vides. Le chef de l'Etat a promis d'inscrire la construction d'un stade de basket dans le prochain budget. A un an de la fin supposée de son mandat en 2017, cela constitue une belle promesse. Mais il y a mieux. C'est le 1 % du budget national promis au sport, dont plus personne ne parle au sommet de l'Etat.
Les cœurs ont vibré parce que les honneurs sont au foot et au basket. Mais on aurait dû avoir une pensée plus inclusive à l'endroit de ces "petites disciplines" dont les médailles sont du même or et le défi sportif tout aussi grand que pour les autres.
"Quelque chose bouge". On n'a pas senti l'impulsion d'origine. On espère cependant que la machine ne tournera pas dans le vide pour s'arrêter au prochain tour, parce qu'il manque "l'huile de coude". Le sport a besoin d'un engagement fort, pas d'un cosmétisme politique.
Blatter suspendu de toute activité de la Fifa, Platini mis au ban de l'Uefa, la Commission éthique de la Fifa tente de sauver les meubles de l'incendie qui fait rage. Mais où étaient ces messieurs quand l'instance faîtière du football mondial amassait des centaines de milliards et que son fonctionnement puait la corruption et l'arrogance à plein nez ? Les dénonciateurs ne manquaient pas.
Aujourd'hui, on a ouvert le sac à nœuds. Vous tirez sur un bout et tout suit. Blatter, c'est comme une bombe à fragmentation et les dégâts qui découleront de sa mise en accusation sont encore mal identifiés. Platini n'avait rien compris, il n'a peut-être encore rien vu.
Hayatou se retrouve au perchoir de manière intérimaire, en tant que vice-président de la Fifa. C'est le moment où l'Afrique aurait pu afficher une candidature de rupture. Mais le président de la Caf lui-même traine ses boules puantes.