LA GUINÉE SOUS TENSION
APPELS AU CALME A DEUX JOURS DE LA PRÉSIDENTIELLE
Conakry, 9 oct 2015 (AFP) - Les appels au calme se multipliaient vendredi en Guinée après deux jours de violences électorales, à 48 heures d'une présidentielle dont l'opposition menace de contester les résultats, alors que le camp du sortant Alpha Condé le donne vainqueur dès le premier tour.
Les violences qui ont éclaté jeudi à Conakry entre partisans du chef de l'opposition, Cellou Dalein Diallo, et d'Alpha Condé - faisant au moins deux morts et de nombreux dégâts d'après des sources de sécurité - se sont poursuivies vendredi, dernier jour de campagne, à l'initiative des deux camps, avec de nombreux actes de vandalisme.
Après une campagne relativement apaisée, la tension est montée ces derniers jours autour du report du scrutin exigé par l'opposition et rejeté par le président, avec les ultimes meetings des principaux candidats, de retour dans la capitale, au terme de leur tournée dans l'intérieur du pays.
"On a vu depuis hier (jeudi) une dégradation de la situation sécuritaire", s'est alarmé le représentant spécial du secrétaire général de l'ONU pour l'Afrique de l'Ouest, Mohamed Ibn Chambas, lors d'une conférence de presse.
"C'est inquiétant, parce que nous avons tous travaillé, la communauté internationale a accompagné ce processus électoral, pour qu'on puisse avoir des élections apaisées, dans la sérénité, des élections crédibles et inclusives", a souligné M. Ibn Chambas
Au nom de la communauté internationale, il a exhorté les autorités à "assurer que les Guinéens puissent sortir le dimanche 11 octobre et aller exprimer leur voix librement sans intimidation, sans violence, sans menace", ainsi que les leaders politiques à "prendre leurs responsabilités".
Auparavant, il avait rendu visite à M. Diallo, qui a de nouveau exigé jeudi soir un report, pour permettre à des experts électoraux désignés par la communauté internationale de réviser les listes électorales qu'il estime truquées en faveur du pouvoir, notamment par l'inscription de mineurs.
"On ne participera pas à une mascarade électorale. Sinon, on n'acceptera pas les résultats et je mobiliserai avec tous les autres candidats la population pour refuser", a déclaré M. Diallo, battu sur le fil par Alpha Condé en 2010.
- Observateurs européens et africains -
Le président Condé s'est rendu vendredi matin au marché de Madina, le plus grand du pays, où des jeunes vendeurs de pièces détachées malinkés, son ethnie d'origine, ont vu leurs conteneurs incendiés la veille lors du passage du cortège de M. Diallo, appelant à ne pas céder aux "provocations".
Il a annoncé l'annulation de son dernier meeting de campagne prévu dans l'après-midi et appelé chacun à se préparer à aller voter dimanche. Six de ses sept adversaires ont réclamé un report du scrutin, notamment en raison de doutes sur la fiabilité des listes électorales et de problèmes de distribution des cartes d'électeur.
M. Condé fait campagne sur son bilan: réforme de l'armée et de la justice, achèvement du barrage hydro-électrique de Kaléta, pour pallier enfin la pénurie criante d'électricité, transparence sur les contrats miniers ...
"Malgré Ebola (l'épidémie qui s'est déclarée dans le pays en décembre 2013, NDLR) il n'y a qu'à voir ce que nous avons fait en cinq ans.
Demandez au peuple de Guinée, ce que nous avons fait en cinq ans, si les autres l'ont fait en cinquante ans", a-t-il déclaré dans une interview à plusieurs journalistes, dont un de l'AFP.
Face à lui, sept candidats, dont les anciens Premiers ministres Cellou Dalein Diallo, Sidya Touré et Lansana Kouyaté, déjà présents en 2010, mais aussi une femme, Marie Madeleine Dioubaté, du Parti des Ecologistes de Guinée (PEG).
Ses adversaires l'accusent de mauvaise gestion, y compris de la crise Ebola, d'exercice solitaire du pouvoir et d'attiser les tensions ethniques, notamment envers les Peuls, largement favorables à M. Diallo, des reproches qu'il récuse.
Plusieurs missions - de l'Union européenne (UE), qui compte 72 observateurs sur tout le pays, de l'Union africaine (UA), de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) - sont venues observer l'élection.
Près de 19.000 policiers, gendarmes et agents de la protection civile sont déployés pour veiller à la sécurisation du scrutin, avant pendant et après le vote.
La Commission électorale nationale indépendante (Céni) s'est dite prête pour dimanche, tout en reconnaissant d'importantes disparités entre régions quant à l'avancement de la distribution des cartes d'électeur, de 45 à 90 % à quelques jours du vote.
Les deux précédents scrutins en Guinée, la présidentielle de 2010 et les législatives de 2013, ont été émaillés de violences et d'accusations de fraude. Alpha Condé, ancien opposant qui a connu la prison, est le premier président démocratiquement élu de cette ex-colonie française, dirigée jusqu'alors par des pouvoirs autoritaires ou dictatoriaux.