LES «CONFIDENCES» DES ACCORDS DU MCA BÉNIN
Interview exclusive de l’ambassadeur Omar Arouna.
Le 22 juin 2017, Cotonou, la capitale économique béninoise, accueillait, l’entrée en vigueur (EEV) officielle de l’accord du deuxième compartiment du Millenium Challenge Account (MCA-Bénin II). En présence d’officiels américains d’une part, Monsieur Christopher Broughton et l’Ambassadrice Lucy Tamlyn, respectivement, Directeur résident du Millenium Challenge Corporation (MCC) et Ambassadrice des Etats-Unis d’Amérique (USA) près le Bénin, et d’officiels béninois d’autre part, dont le Vice-président de l’Assemblée nationale, l’ Honorable Eric Houndété, ainsi qu’une délégation de membres du Gouvernement Talon, conduite par le ministre d’Etat en charge du Développement, Abdoulaye Bio Tchané, les Etats Unis est le Bénin ont officialisé le lancement du programme MCA Bénin II dédié exclusivement au développement de l’énergie électrique au Bénin.
Négocié et signé sous la présidence du Feu Mathieu Kérékou, le premier programme MCA Bénin I avait porté sur l'amélioration du cadre institutionnel des affaires notamment l'accès à des débouchés sur les marchés, l’amélioration du secteur financier, du secteur judiciaire et de la réforme foncière.
C’est au cours de l'été 2015 que l'ancien président du Bénin, le Dr Boni Yayi, a signé le deuxième programme du Millenium Challenge Account (Power Compact) à la Maison Blanche, peu de temps avant de quitter son poste au terme de son deuxième quinquennat.
En effet, ce nouvel accord a gratifié le Bénin de 407 millions de dollars (407 000 000 $) pour renforcer la capacité énergétique nationale, attirer des investissements du secteur privé et financer des investissements dans les infrastructures de production et de distribution d'électricité et l'électrification hors réseau pour les ménages pauvres et non desservis.
Seul le tiers (1/3) de la population du Bénin a accès à l'électricité et la consommation totale est faible en raison de son accès limité et de son indisponibilité. La consommation d'électricité au Bénin est inférieure à celle de la moyenne des pays à faible revenu en Afrique c’est à dir, à 110 kilowatts par heure par habitant chaque année, soit 0,01 pour cent de la moyenne des économies à revenu moyen. Maintenant, grâce à la générosité du peuple américain, il est certain que le Bénin pourrait voir la lumière au bout du tunnel.
Ce don du gouvernement américain a été le fruit de moultes pérégrinations pour les 10 millions de bénéficiaires. Acteur majeur de ces accords depuis leur genèse, l’ex ambassadeur du Bénin près des Etats-Unis Omar Arouna s’est confié à la rédaction du magazine américain « Visions Panafricaine » pour en savoir plus sur le MCA-Bénin
Monsieur l’Ambassadeur Arouna, ce serait un euphémisme de ne pas associer votre leadership aux différents compartiments du MCA. Quand avez-vous entendu parle du Millenium Challenge Account?
Au fait c’est de façon inattendue, un soir au début du printemps de l’année 2004, lorsque ma femme a répondu à la question anodine que je lui pose chaque soir « comment était ta journée » ? Il s’est révélé que le point culminant de sa journée était une réunion à la Maison-Blanche au cours de laquelle, le président George W. Bush a annoncé une liste de 17 pays choisis pour soumettre une proposition de nouvelle agence d'assistance par son administration. Neuf de ces pays étaient en Afrique et le Bénin était sur la liste. C'était la première fois que j'avais entendu parler du Compte du Défi du Millénaire, un programme lancé par le Président Bush lors du Sommet de Monterrey en 2002 afin de fournir une assistance accrue aux pays qui eux-mêmes prennent une plus grande responsabilité pour leur propre développement en mettant en place de bonnes politiques- Promouvoir la réduction de la pauvreté et promouvoir la croissance – les pays qui gouvernent avec parcimonie, investissent dans leur population et encouragent la liberté économique.
Les jours et semaines suivants ma conversation avec mon épouse, je suis passé en mode recherche pour faire des appels téléphoniques, rencontrer des personnes ressources et visiter le département d'Etat ainsi que les bureaux de l'USAID (Ndlr, l’agence des Etats-Unis pour le Développement international). Je me suis documenté pour apprendre davantage sur cette nouvelle agence d'aide et son programme.
Pourquoi vous étiez tellement intéressé par le programme ?
En tant que consultant, j'essayais de comprendre comment je pourrais offrir mes services aux pays sélectionnés. Au cours de ce processus, j'ai acquis une compréhension globale du programme et j'ai produit une analyse détaillée du programme dans le but d'aider les gouvernements, en particulier les gouvernements africains, à profiter de cette opportunité.
Pendant que je me documentais sur le programme, je me suis rendu compte que la plupart des pays sélectionnés n'étaient pas officiellement informés. J'ai téléphoné au ministre de la Fonction Publique, de la Réforme du travail et de l'administration du Bénin, qui était mon frère aîné. Je lui ai longuement parlé de l'opportunité qu'un tel programme représente pour le peuple Béninois et je l'ai exhorté à informer son « patron » le président Mathieu Kérékou ainsi que le ministre d'Etat du Développement et de la Planification qui, également, était aussi un membre de la famille.
J'étais déterminé à faire comprendre au gouvernement du président Mathieu Kérékou le bien fondé du programme. J'ai vu le MCA comme une opportunité pour le pays d'améliorer sa gouvernance, d’enrayer la corruption et de renforcer la démocratie. Je savais alors que si le Bénin accepte de conclure un accord avec la Millennium Challenge Corporation, le pays manifesterait un leadership dans l’amélioration de la bonne gouvernance, ce qui susciterait un regard plus empathique du gouvernement américain et de la communauté internationale. Cette dynamique engagerait, par conséquent, le Bénin dans des normes universelles de bonnes pratiques démocratiques, à savoir, la primauté de l’état de droit, la protection des libertés individuelles et la promotion de l'investissement social afin de prétendre au financement du MCA. Les Béninois profiteraient non seulement financièrement, mais aussi d’autres retombées démocratiques. Des années plus tard, mes intuitions se sont révélées exactes et ont même été qualifiées par beaucoup de partenaires, « d’effet MCC » dans certains cercles privés de Washington DC.
Une semaine après notre conversation téléphonique, le ministre de la Fonction publique de la réforme du travail et de l'administration du Bénin, a pris un vol pour les États-Unis. Au cours d'un dîner dans un restaurant indien (maintenant fermé) à K Street, à Washington, DC, j'ai fait un long exposé sur le programme, aidé par la vaste expertise en développement de mon épouse. À son retour au Bénin, le ministre a officiellement rendu compte du programme lors d’une réunion du Conseil des ministres et le gouvernement a décidé de faire un suivi par l'intermédiaire du Ministère d’Etat en charge de la Planification et du Développement.
À la suite du compte-rendu du ministre de la Fonction publique, de la réforme du travail et de l'administration au Conseil des ministres, j'ai rencontré le ministre d’Etat en charge de la Planification et du Développement du Bénin de l'époque [Bruno Amoussou]. Au cours de cette réunion à l'Hôtel Lombardy sur la Pennsylvania Avenue, à quelques encablures de la Maison Blanche, le ministre d'Etat a demandé que je lui fournisse un mémoire écrit détaillé sur le programme. J’ai acquiescé et lui ai remis un rapport quelques jours plus tard, à l'aéroport international Washington Dulles, lors de son retour à Cotonou.
Au moment où le Gouvernement américain informait officiellement le Gouvernement du Bénin de l’éligibilité du pays au programme MCA, certains fonctionnaires béninois avaient déjà la primeur de l’information grâce à mon activisme. Le ministre d'État chargé du développement et de l'aménagement du territoire a nommé un coordonnateur intérimaire qui a ensuite été confirmé comme coordinateur du programme MCA I.
Plusieurs vastes consultations publiques s’en sont suivis- dont l’une d’entre elles s’est déroulée au siège du cabinet de conseils GoodWorks International, où j'ai travaillé pendant 8 ans en qualité de directeur général, avec une sélection des membres de la diaspora du Bénin aux Etats-Unis ainsi que plusieurs hauts responsables du Gouvernement du Bénin.
En février 2006, la Millennium Challenge Corporation a signé un accord quinquennal de trois cents sept millions de dollars (307 000 000 $) avec le Gouvernement du Bénin vers la fin du mandat du régime de Kérékou .
Quel a été votre implication après l’obtention et la signature par le Bénin de cet accord ?
En avril 2006, le nouveau président élu Boni Yayi a pris fonction en tant que nouveau chef de l'Etat. Il présida l'entrée en vigueur du contrat MCA-Bénin I (EEV) en octobre 2006, initiant formellement le calendrier quinquennal pour la mise en œuvre du projet pour ce que l'on appellera le premier compact MCA du Bénin (MCA-Bénin I).
Tout au long de la mise en œuvre du projet, j’étais occasionnellement en contact avec le coordonnateur du programme [Simon-Pierre Adovélandé] et son équipe pour me renseigner sur les progrès du projet et offrir des conseils non sollicités en fonction des informations recueillies auprès de divers collègues de Washington DC.
Le projet a été achevé avec succès au 6 octobre 2011, avec une reconnaissance internationale grâce à la mise en œuvre exemplaire et du leadership du président Boni Yayi à la tête de l’état, qui a très tôt saisi l’opportunité du premier compact MCA pour le développement du Bénin.
À quoi a servi le premier compact ?
Le Bénin et le MCC ont conçu le compact pour (i) faire face aux obstacles à l'investissement et à la croissance économique en modernisant et en élargissant le Port Autonome de Cotonou, souvent appelé « poumon économique » du Bénin, (ii) promouvoir la sécurité foncière, (iii) améliorer l'accès au capital pour les petites et moyennes entreprises, et (iv) créer un système judiciaire plus efficace.
En octobre 2011, le Président du Millenium Challenge Corporation (MCC), Daniel W. Yohannes, a noté que l’aide américaine au titre du MCA Bénin I a contribué à l’amélioration des performances économiques du Port Autonome de Cotonou (PAC) et par ricochet à la croissance économique du Bénin.
Le PAC modernisé devrait attirer plus de 200 millions de dollars de financement du secteur privé, ce qui augmentera les revenus et créera plus d'emplois à terme.
Le partenariat entre MCC et le Gouvernement du Bénin a déjà une incidence sur la vie des Béninois. Outre les progrès réalisés au Port Autonome de Cotonou, les retombées du MCA Bénin I incluent : le renforcement des droits fonciers, l'amélioration de l'accès à la justice, le renforcement du secteur de la microfinance, l'amélioration de l'enregistrement des entreprises.
Le Bénin se qualifie pour un Second Compact ? À quel prix ?
Oui ! Le 9 novembre 2011, le Millenium Challenge Corporation (MCC) du Gouvernement des États-Unis a publié ses tableaux de bord des pays au titre de l'exercice 2012. Les tableaux de bord, produits chaque année pour chaque pays à faible revenu et à revenu intermédiaire inférieur, mesurent l’efficacité des politiques publiques des pays et servent de base au conseil d'administration de MCC pour sélectionner les pays éligibles au financement du compact du MCC. À la suite de cette publication, le Conseil d’administration du Millenium Challenge Corporation en décembre 2011 a également autorisé le Bénin à soumettre une proposition pour l’éligibilité à un second programme du MCA. Bien que la souscription à un nouveau programme de financement du MCC n’emporte sur son attribution, le Bénin a tout de même obtenu son éligibilité à un second contrat.
C’est ainsi qu’en décembre 2011, MCC écrivait dans son rapport au congrès : « En tant que pays candidat, le Bénin est l'un des pays les plus pauvres du monde, mais maintient une performance politique relativement forte. Il est particulièrement fort dans la catégorie « Bonne Gouvernance démocratique », où le pays a réussi le test des six indicateurs et est reconnue comme un pays stable et démocratique en Afrique de l'Ouest.
Cette seconde éligibilité du Bénin a connu un inopiné frein. Pourquoi ?
Certains indicateurs d’éligibilité du Bénin au second compartiment du MCA, préalablement au vert, se sont rapidement transformés en rouge, en raison d'une campagne de lobbying organisée avec astuce à Washington DC. Et pour cause !
M. Patrice Talon, un magnat du coton qui avait financé les deux campagnes présidentielles du Président Boni Yayi, engageait un bras de fer avec ce dernier. Dans une campagne de dénigrement auprès de l’opinion politique américaine, l'orientation démocratique du Bénin sous la direction de Boni Yayi était remise en cause. En effet, au printemps 2013, Monsieur Talon a recruté le cabinet de lobbying Arent Fox, l'une des plus importantes sociétés de relations publiques et gouvernementales américaines, pour faire pression sur le Congrès des États-Unis, dans le but d'arrêter toute aide au développement des Etats-Unis au profit Bénin et jetait par la même occasion des doutes sur l'engagement réel du pays dans les valeurs démocratique sous la présidence de Boni Yayi
Dans les déclarations règlementaires d’honoraires versés souscrites et déposées par le cabinet de lobbying Arent Fox au titre de son client, le 18 juillet 2013, le 18 novembre 2013 et le 20 janvier 2015 figuraient les mentions :
« Promotion du respect de la règle de droit au Bénin, y compris respect des obligations contractuelles, application d'équité et des procédures judiciaires transparentes au Bénin. Effort des droits de l'homme pour assurer la libération d’un citoyen béninois emprisonné sans mise en liberté sous caution au Bénin. Financement de la subvention Millenium Challenge Corporation»
Ce nouvel incident inopiné compromettait toute l'aide étrangère au Bénin avait comme conséquence avec une forte probabilité, l’inéligibilité du Bénin au deuxième compact du MCC.
Vous exerciez sur K Street comme lobbyiste comment avez-vous réagi ?
Le mercredi 24 juillet 2013, le conseiller principal de GoodWorks International, un ancien directeur pour l'Afrique au Trésor des États-Unis, s'est rendu dans mon bureau vers 11 heures avec un rapport consécutif à la campagne de dénigrement du Bénin. Son rapport d’analyse se fendait d’une conclusion négative sur l’éligibilité du Bénin au second compact du MCA. L’image du Bénin était écornée rapidement dans la capitale américaine, Washington DC. Jadis connu comme un havre de paix démocratique, le Bénin perdait à partir de cet instant sa réputation de démocratie apaisée avec comme conséquence une réduction voire une exemption à l’aide américaine au développement.
J'ai pensé aux 10 millions de Béninois qui seraient affligés par cette campagne de dénigrement. Je ne pouvais pas supporter le fardeau d’une perte d’éligibilité à l'aide américaine pour les plus pauvres du Bénin, principaux bénéficiaires de la subvention du MCA Bénin I et futurs bénéficiaires du second contrat.
À cet instant-là, je ne pouvais pas rester indifférent à cette « altération de l’image du Bénin » à Washington DC. Cela fait longtemps que j’étais sur la K Street comme lobbyiste (Ndlr K Street est une des principales avenues de Washington, la capitale fédérale des États-Unis, connue comme le centre de nombreux think tanks, lobbyistes). Assez longtemps pour savoir comment cela se passe. Je savais aussi que j'étais pratiquement l'un des rares à Washington DC qui comprenait la situation et je ne pouvais pas accepter de voir le Bénin perdre son éligibilité au second compact sans réagir. J’anticipais sur l’éventualité d’une suspension de l’aide publique des États-Unis au Bénin : « l’effet domino » se propagerait rapidement aux autres pays donateurs qui seraient amenés à emboîter les pas des Etats-Unis. Il fallait réagir à changer le narratif et je m’y suis employé.
Avez-vous aidé à résoudre le problème ?
J'ai conçu un plan de lobbying et j'ai informé le président directeur général de mon cabinet (Ndlr GoodWorks International), de mon intention de fournir une « aide pro-bono » pour relever le profil pays du Bénin aux États-Unis. À la fin de juillet 2013, j'étais en mode de lobbying tout azimut. J’ai fait immatriculer une entité nommée « Friends of Benin in the U.S. » en français, « Les Amis du Bénin aux États-Unis » pour capitaliser sur les initiatives de promotion du Bénin, j’ai rencontré la plupart des parties prenantes aux Etats-Unis pour leur fournir des informations factuelles sur le Bénin en vue d’aider à clarifier la situation politique préalablement à la rencontre des membres clés du Congrès Américain. Tous les législateurs et fonctionnaires que j'ai rencontrés étaient très empathiques à mon argumentaire, à la seule exception du député Alan Grayson du 8ème district électoral de Floride.
Malgré mon franc plaidoyer, le député Grayson a présenté au Congrès Américain la résolution H. R. 3827
(https://www.congress.gov/bill/113th-congress/house-bill/3827/subjects?r=...) visant les États-Unis à surseoir à toute aide financière au Bénin. Grâce au plaidoyer collectif de ceux des « Amis du Bénin aux Etats-Unis » qui voulions protéger les intérêts et le bien-être des personnes au Bénin, nous nous sommes assurés que cette résolution ne soit jamais transmise au comité en charge des affaires étrangères du Congrès américain. La résolution H.R 3827 était dès lors vouée à un échec.
Le Bénin perd son éligibilité pour un deuxième contrat au cours de l'exercice 2014, vos efforts n'ont-ils donc pas porté la promesse des fleurs ?
Les indicateurs de performance pays sont difficiles à corriger au moment de la publication en novembre 2013, des tableaux de bord du MCC au titre de l'exercice 2014. Le Bénin échouait aux indicateurs relatifs à la lutte contre la corruption dans la catégorie « Promotion de la Bonne Gouvernance ». Ce mauvais tableau a conduit le conseil d'administration de MCC á prononcer l’inéligibilité du Bénin.
Cette décision ne concourrait pas aux éventualités de succès que j’envisageais. J’en étais déçu. Nous avons vaillamment lutté, mais nous ne pouvions pas sauver l'éligibilité du Bénin au programme au titre de l’exercice 2014.
Votre Nomination comme Ambassadeur a coïncidé avec le retour du MCA-Bénin, les deux événements étaient-ils liés ?
Le Bénin a perdu son éligibilité pour postuler pour un second compact. Cependant, le président Boni Yayi était déterminé à le récupérer. Il l'a inscrit dans ses priorités avec leadership et volontarisme, en consultant, sur une base quasi hebdomadaire, l'unité de formulation de MCA au Bénin, le Conseil de l'investissement présidentiel et les agences sectorielles pour aider à améliorer les indicateurs de performances pays.
À la faveur du départ à la retraite de l'ambassadeur du Bénin aux États-Unis [Cyrille S.OGUIN], il a décidé de me nommer comme successeur avec comme charge singulière l'éligibilité du Bénin à recevoir un deuxième compact du MCA. Pour accepter ma nomination, j'ai dû renoncer à ma citoyenneté américaine.
Avez-vous vraiment abandonné votre citoyenneté américaine ?
C'était une grande responsabilité. Comment puis-je être sûr du résultat de l'objectif fixé par le président Boni Yayi? L'acquisition de ma citoyenneté américaine n'était pas une tâche facile, et pourquoi parviendrais-je dans cette situation à y renoncer? Pourrais-je récupérer ma citoyenneté américaine à la fin de ma charge comme Ambassadeur ? Ce sont quelques questions auxquelles j'ai eu des difficultés à y répondre pendant des semaines avant d'accepter cette nomination. Je craignais que, si je n'acceptais pas cette nomination, je perdrais l'opportunité de servir mon pays et j'aurais renoncé à avoir le droit de redorer l’image de mon pays aux États-Unis. J'aurais par la même occasion renoncé au MCA-Bénin II. J'aurais laissé tomber 10 millions de personnes, qui pourraient bénéficier d'un second compact.
Quel était votre agenda en tant qu'ambassadeur du Bénin aux Etats-Unis ?
J'ai présenté mes lettres de créance au président Barack Obama en avril 2014 après avoir renoncé à la citoyenneté américaine un mois plus tôt et je suis devenu l'ambassadeur du Bénin aux États-Unis d'Amérique, au Mexique, aux Bahamas et à la Barbade. J'étais également observateur permanent du pays à l'Organisation des États Américains et son représentant auprès des institutions de Breton Woods.
Comme Ambassadeur, mon équation était simple : « Comment puis-je réussir ma mission dans la plus courte période possible ?» La célérité et les résultats étaient essentiels, si je voulais atteindre l'objectif fixé par le Président Boni Yayi.
Je rencontrais tous les organismes indépendants chargés de compiler des données pour les indicateurs de MCC et leur fournissais des données actualisées sur les performances réalisées par le Bénin. Je parlais aux membres du conseil d'administration du MCC en leur fournissant régulièrement des renseignements factuels pour dissiper d’éventuelles réserves sur la perception négative du Bénin aux États-Unis. Je faisais des entretiens avec la presse et les médias, j’envoyais des correspondances aux parties prenantes et je rencontrais constamment des fonctionnaires clés du gouvernement.
Que fut le résultat de ces démarches ?
Lorsque les tableaux de bord du MCC 2015 ont été publiés en novembre 2014, le Bénin était de nouveau éligible et a ensuite été invité par le Conseil d'administration de MCC à soumettre une proposition de subvention. L’enveloppe financière de ce second compact s’élève à trois cent soixante quinze millions de dollars (375 000 000 $), auquel s’ajoute une contribution du Bénin de vingt huit millions de dollars (28 000 000 $).
Le Bénin a signé le second compact énergétique (Power Compact), une exception dans les anales du Bénin. Le mercredi 9 septembre 2015 à la Maison Blanche à Washington, le ministre d’Etat en charge des Finances du Bénin, Komi Koutché, et le président directeur général du MCC, Dana J. Hyde, signèrent le Protocole du MCA Bénin II (Benin Power) d’un montant de $375 000 000 en présence du président Boni Yayi et du vice-président américain Joe Biden.
À quoi servira la subvention ?
Le Benin Power Compact vise à encourager l'investissement privé en soutenant les réformes politiques et en investissant dans la production, la distribution et l'électrification hors réseau. Le second compact du Bénin s’inscrit dans la contribution de MCC au plus vaste projet « Power Africa », dont les finalités concourent à l'avancement des objectifs d'augmentation de la production, d'accès de l'électricité en Afrique subsaharienne et de la lutte contre le changement climatique grâce à 175 000 000 $ pour les travaux et les politiques d'énergie renouvelables.
Le chemin a été long pour le MCA- Bénin Quel est votre regard rétrospectif ?
Le 9 septembre 2015, six mois après, avoir présenté mes lettres de créance en tant qu'ambassadeur de mon pays à Washington, j'étais témoin de la signature du deuxième Compact du Bénin. Quand je fais le bilan de ma propre contribution, je me souviens de cette soirée-là au printemps de l’année 2004 lorsque j'ai demandé à mon épouse "Comment était ta journée ?" Cette question m'a amené à ce jour à une décennie d'implication avec le MCA-Bénin, la plupart dans l'ombre.
Quelques mois plus tard, le deuxième mandat du président Boni Yayi arriva à son terme et il déposa le tablier. Son successeur, le président Patrice Talon, détient désormais la responsabilité de la réussite du Benin MCA Power Compact.
L'administration Trump prévoit une réduction de l'aide étrangère, en êtes-vous sensible?
Malgré tous ses défis, ce petit pays d'Afrique de l'Ouest qu’est le Bénin maintient dans cette région des valeurs démocratiques fondamentales qui témoignent d’une résilience aux principes démocratiques et constitutionnels d'une société libre. Ce sont les mêmes valeurs qui sont exprimées dans la Déclaration d'indépendance et dans la Constitution des États-Unis.
Le partenariat avec les États-Unis dans le cadre du Millenium Challenge Account réaffirme ces valeurs partagées et soutient une longue tradition de coopération et de soutien mutuel. La générosité du peuple américain est une caution morale pour le Bénin comme berceau de la démocratie subsaharienne.
Bill Gates le dit mieux, « ces programmes donnent aux contribuables américains un retour d'investissement phénoménal, l'un des meilleurs au gouvernement. Ils le font en rendant les Américains plus sûrs et le monde plus stable, en créant des emplois au Etats-Unis et en promouvant des partenaires commerciaux qui achèteront des produits américains, sauveront des vies et créeront des systèmes de santé afin que d'autres pays puissent mieux prendre soin de leur peuple . »
Cependant, avec les nouvelles des coupures à venir de l'aide étrangère dans le cadre de l'administration Trump, de nombreux autres pays africains peuvent ne pas être aussi chanceux que le Bénin pour obtenir le soutien du Gouvernement des États-Unis.
Merci Monsieur l’Ambassadeur d’avoir répondu à nos questions
C’est moi qui vous remercie Monsieur le journaliste ! Happy 4th of July.
Cet article est une traduction de l’interview réalisé en anglais et paru dans le magazine américain « Visions Panafricaines »