«Ce serait une catastrophe si Macky Sall recevait Marie Le Pen»
Mamoudou Ibra Kane sur Rfi
Le premier tour de la présidentielle française, c’est dimanche. On a pu entendre les onze candidats sur RFI. Leur programme pour l’Afrique reste consultable sur notre site. Tous promettent d’en finir avec la Françafrique. Mais comment leur promesse est-elle perçue sur le continent ? Mamoudou Ibra Kane, directeur général du Groupe Futur Médias, répond aux questions de Christophe Boisbouvier de RFI.
RFI : Tous les candidats français promettent d’en finir avec la Françafrique. Est-ce que ça vous rassure ?
Mamoudou Ibra Kane : Moi, je n’y crois pas. Je pense que c’est une opération de charme en direction de l’Afrique, mais le continent africain ne doit pas être naïf. Le président Alpha Condé de la Guinée a, dit il y a quelques jours à l’Elysée, devant François Hollande, qu’il faut couper le cordon ombilical entre la France et l’Afrique.
Et sur la fin de la Françafrique, est-ce qu’il y a des candidats qui vous paraissent plus crédibles que d’autres parmi les onze actuels ?
Tous, justement, rejettent la Françafrique, mais il y a ce qu’on appelle la realpolitik. Entre le discours et la réalité de l’exercice du pouvoir, il y a un hiatus, il y a même l’Himalaya. Bockel, sous le gouvernement Sarkozy, a été proprement viré quand il a tenu ce discours contre la Françafrique. Je pense que tous seront rattrapés par la realpolitik.
Et pour en finir avec la Françafrique est-ce que vous faites plus confiance à la gauche ou à la droite française ?
Moi je reprends un peu le ni ni d’Emmanuel Macron : ni de gauche, ni de droite. Il a dit, avant de ravaler son propos, que la colonisation était un crime contre l’humanité. Il a évolué un peu en disant que c’est un crime contre l’humain. Je ne sais pas s’il y a une grosse différence. Macron, Fillon, Mélenchon ou Hamon – au passage Hamon a fait une partie de son enfance à Dakar – je ne crois pas que l’un soit plus africain que l’autre.
On l’avait dit de Jacques Chirac, de Sarkozy, aujourd’hui de François Hollande. Non, je pense que l’Afrique doit se départir de ces naïvetés, de ce paternalisme français, parce que pour moi c’est moins ce que le président français va faire comme dirigeant africain, que les populations africaines vont faire de cette relation entre l’Afrique et la France.
Vous parlez de la mémoire coloniale. C’est justement un sujet sur lequel il y a un grand écart. François Fillon refuse toute repentance, alors qu’Emmanuel Macron – vous l’avez dit – parle de crime contre l’humanité. Vu de Dakar, quel est le candidat qui rencontre le plus d’échos ?
Aucun. Dakar suit forcément avec intérêt ce qui se passe en France, mais je dois quand même le dire, beaucoup de Dakarois ont applaudi les propos d’Emmanuel Macron contre la colonisation. Il dit ce que beaucoup d’Africains, au fond, pensent. Mais ça n’en fait pas forcément le candidat de Dakar. D’autant plus que les Français eux-mêmes sont très indécis.
Après la visite de Marine Le Pen au Tchad – c’était le mois dernier – est-ce qu’il y a une banalisation des thèses du Front national même en Afrique ?
Banalisation, surtout pas. S’il y a une candidate qui n’est pas du tout la candidate de l’Afrique c’est quand même madame Marine Le Pen. Maintenant, tout cela participe d’un jeu politicien. Elle s’est rendue au Tchad et elle a été reçue par le président Déby, mais c’est la seule audience qu’elle a eu dans un palais présidentiel africain. Madame Marine Le Pen a une politique, a des idées qui sont totalement rejetées par l’Afrique.