CONTRIBUTION A LA PROBLEMATIQUE DU CHEMIN DE FER
L’expérience de plus de 15 ans de concessions ferroviaires en Afrique subsaharienne montre que les faibles volumes de trafic et sa densité réduite ne permettent pas de générer des recettes suffisantes pour à la fois s’acquitter des impôts et redevances de concession, dégager un profit et couvrir les couts d’exploitation des services de transports, de renouvellement du matériel roulant vétuste, et les gros investissements nécessaires à la réhabilitation des infrastructures en mauvais état.
*Les faibles résultats financiers des concessions menacent le développement du secteur en Afrique subsaharienne ; la fragilité des concessions et que leurs faiblesses bien connues (vétusté des infrastructures manque de matériel et faible volumes de trafic) perdurent après des décennies d’exploitation sous concession montrent que la formule actuelle ne permettra de réaliser que les objectifs à court terme de survie des entreprises, sans résoudre les problèmes systémiques.
L’analyse confirme les conclusions d’études de la banque mondiale qui font ressortir les erreurs souvent commises lors de la préparation d’un accord de concession telles que la surestimation de l’évolution du trafic prise comme base de prévision des recettes et de redevances de concession sans tenir compte du nombre limité de matériel roulant et du mauvais état des infrastructures qui affectent la qualité des services et la compétitivité ; la sous estimation des besoins d’investissement en ignorant l’état réel des infrastructures et du matériel roulant ; ou encore la sous capitalisation des concessions en raison de prévisions trop optimistes de croissance du marché et de la sous estimation des couts de modernisation des actifs.
Toutes les concessions existantes en Afrique subsaharienne ont été mises en place en suivant le même modèle. Le concessionnaire a accepté de verser des redevances et taxes bien trop élevées et partant de l’illusion de l’accroissement rapide des recettes. Les résultats étaient plus proches des attentes durant les trois à cinq premières années d’activité, grâce à l’aide financière internationale. A l’extinction du prêt, le concessionnaire découvrait que le trafic existant ne générait pas suffisamment de recettes et de ce fait, qu’il devait verser une part substantielle de ses revenus à l’état sous forme de redevances de concession et de taxes, ne laissant aucune marge pour l’investissement. Dans bien des cas, les Etats n’ont pas respecté leurs obligations de financement des infrastructures ou des services aux voyageurs, et la situation des concessions à commencé à se détériorer de manières irréversibles. Des frustrations sont apparues de part et d’autres , l’Etat devant acquitter la majeure partie des couts de financement des infrastructures initialement cédées aux concessionnaires , tout en acceptant de contracter des prêts supplémentaires auprès des institutions financières internationales pour financer les travaux de réhabilitation à moyens et à long terme . On ne peut sortir du cercle vicieux actuel en répétant le même scénario .Penser qu’il suffirait de confier l’administration d’un chemin de fer à un privé pour générer des flux miraculeux de recettes et résoudre tous les problèmes du secteur est illusoire Les concessions deviennent un instrument utile quand un pays cherche à encourager des activités que le marché libre ne fournit pas à lui tout seul. Autrement dit, le gouvernement à l’obligation financière et réglementaire de créer le cadre et les conditions nécessaires pour accompagner cette stratégie.
La formule actuelle de concession a pour principale faiblesse d’avoir une vision de court terme et des objectifs limités. Une concession n’est pas un simple moyen d’atteindre un but, comme mobiliser l’aide financière internationale et amener un investisseur privé à maintenir des services de transport sur une ligne qui, autrement seraient interrompus. Cette formule ignore deux aspects essentiels. D’abord, elle néglige les objectifs à long terme de développement du réseau de transport et ne conçoit pas le rôle des concessions dans cette perspective (viabilité financière) ; ensuite, elle oublie l’importance de créer un cadre propice à tous les modes de transports, qui encourage une concurrence loyale dans un marché sans distorsion (régulation). Dans ce contexte une concession doit être définie dans le cadre d’une stratégie globale de développement d’un système de transport ou l’Etat doit exercer son rôle de décideur, de régulateur, de détenteur des infrastructures et de clients des services de transport. Changer l’écartement des voies une fausse solution aux problèmes d’efficacité du rail Certes, nombre de pays discutent de la nécessité de passer à un écartement standard, mais leurs propositions n’ont pas de base financière solide et tiennent pas compte, pour la plus part, des conséquences économiques de tels investissements. Le passage à une nouvelle norme d’écartement suppose le remplacement de toute l’infrastructure existante (voies, ponts, tunnels, magasins entrepôts, voie d’évitement de gares, les embranchements particuliers, etc.).
Enfin, et à moins d’adapter une démarche globale ou régionale, le changement de l’écartement d’une voie l’isolera de ses voisins, lui faisant perdre le levier économique d’un marché régional. Bien qu’attrayant d’un point de vu technique, l’écartement standard peut difficilement justifier une charge supplémentaire sur les budgets publics. Cette option devrait donc être écartée et ainsi éviter le risque de dérouter les bailleurs de fonds et investisseurs potentiels et de retarder d’importantes décisions concernant la réhabilitation de l’infrastructure ferroviaire. Certains pensent qu’en introduisant un écartement standard (1435 mm) aiderait à renforcer le rôle du rail. Pourtant, l’écartement n’est certes pas un élément fondamental dans l’amélioration des résultats opérationnels et financiers .Les chemins de fer sud-africains sont un exemple parfait de voies étroites qui offrent les mêmes conditions d’exploitation du fret. Par ailleurs, nul ne contestera que le Japon soit le pays qui a développé un impressionnant réseau de trains à grande vitesse circulant sur de voies à écartement standard, mais qui a gardé son système ferroviaire en voie étroite en lui donnant pour vocation le transport de marchandises. Les chemins de fer subsahariens connaissent déjà de sérieuses difficultés pour financer les couts d’entretien et d’investissements pour amener les infrastructures existantes aux normes de fonctionnement en cours. Le passage à un nouvel écartement aurait un impact massif sur les couts d’investissement associés au remplacement de l’ensemble des équipements et ouvrages existants (voies, ponts, magasins, voies d’évitements, embranchement).
Par exemple changer la voie métrique entre Dakar- Thiès en voie standard imposera à toutes les entreprises exploitantes (SEFICS, GCO, DBF, PTB) de ce tronçon à changer tout leurs leurs dispositifs d’exploitation (wagons, locomotives …) pour s’adapter. Ce qui sera quasiment impossible. Le cout supplémentaire considérable de changement de l’écartement des voies est sans avantages mesurables pour le système de transport de la plus part des pays Africains et serait un fardeau injustifié qui pèsera sur les budgets publics pendant de nombreuses années . Aucun argument technique, économique ne prouve que le changement de l’écartement des voies en Afrique subsaharienne soit viable ou apportera plus d’efficacité dans l’exploitation.
Mbene SENE NGUEBANE
Ingénieur en Management Des Transports et de la Logistique