FAISONS NOTRE MEA CULPA… SPORTIVEMENT !
«Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude, de sa propre immoralité», disait aux étudiants en 2ème année de droit des obligations, Isaac Yacoumba Ndiaye, professeur agrégé et ancien vice-président du Conseil Constitutionnel. «Jacob» comme l’appelaient ses étudiants, aimait aussi répéter un autre principe général de droit selon lequel : «nul n’est censé ignorer la loi».
La disqualification des «Lionnes» de handball de la 22ème édition de la coupe d’Afrique des nations 2016 dont elles étaient finalistes et l’exclusion du Sénégal de toutes compétitions pendant quatre ans, ont été douloureusement ressenties par l’ensemble des Sénégalais.
Toutefois, gardons nos émotions et analysons froidement les choses. Le principe de base de la Fédération internationale de handball dispose d’emblée que «chaque joueur de handball doit respecter le Code d’admission pour joueurs de la Fédération Internationale de Handball (IHF). Chaque Fédération membre établit les dispositions relatives a` l’admission de ses joueurs, qui toutefois ne doivent pas être en contradiction avec celles de l’IHF».
Le cas de la joueuse Doungou Camara est réglé par l’article VI relatif aux joueurs d’équipe nationale, En effet, l’article 6.1 stipule clairement que «Les joueurs engagés dans une équipe nationale doivent remplir les conditions suivantes :
a)-ils doivent avoir la nationalité du pays pour lequel ils jouent.
b)-trois ans avant leur convocation pour l'équipe nationale en question, ils ne doivent avoir joue´ dans aucune équipe nationale d'un autre pays lors d’un match officiel. Sont considérés comme matchs officiels les matchs de qualification pour un Championnat continental, les matchs d’un Championnat continental, les matchs de qualification pour un Championnat du monde et des Jeux Olympiques, les matchs d’un Championnat du monde et de Jeux Olympiques».
Au vu de ce qui précède, il ne fait l’ombre d’aucun doute que la néo-Lionne n’était pas qualifiée pour évoluer sous les couleurs du Sénégal, pour avoir disputé les championnats d’Europe avec la France en décembre 2014. Elle ne serait éligible qu’après décembre 2017. Cette disposition de l’IHF ne fait pas de distinction entre les différentes catégories (minime, cadette, junior ou senior). Elle ne peut donc aucunement faire l’objet d’une interprétation. Il ne sert absolument à rien de ruer dans les brancards ou de laisser entendre qu’il y a un complot ourdi contre le Sénégal. Nous avons tous fauté. Reste à savoir si c’est par ignorance, par négligence ou par pur amateurisme. N’ayons pas peur des mots. Nous sommes tous passés à côté de la plaque. Aucun journaliste sportif sénégalais, à commencer par votre propre serviteur, n’a eu le flair de regarder les dispositions de l’IHF sur la naturalisation de nos Handballeuses dont la plupart évoluaient en France.
Ce qui démontre encore une fois que notre vigilance est plus portée sur le football, le basketball et l’athlétisme que sur les autres disciplines sportives.
Mais la presse sportive n’est pas la seule fautive. La Direction de la Haute Compétition (DHC) n’est pas non plus exempte de reproche. Elle doit veiller sur la carrière des internationaux Sénégalais. Elle doit maîtriser les lois et règlements qui régissent le sport mondial. Hélas, ce rôle de veille et d’avant-gardiste n’a pas été assuré convenablement.
Quid de la Fédération sénégalaise de handball ? Personne ne remettra en cause l’engagement et surtout la façon dont Seydou Diouf et son équipe ont remis cette discipline sur les rails. Un travail extraordinaire a été abattu et qui nous a valu un résultat. Depuis 1974, le Sénégal n’a plus connu un tel parcours. Chapeau !
Toutefois, son équipe ne peut pas se dédouaner aussi facilement en se défaussant sur la Confédération africaine de handball qui aurait, selon les Fédéraux, validé la qualification de Doungou Camara et l’avoir permis de disputer quatre compétitions internationales. Mieux, l’équipe de Seydou Diouf soutient que l’instance continentale a clairement indiqué que les trois ans d’attente pour le changement de nationalité ne concerneraient que les joueurs seniors. Soit ! Mais où est la disposition règlementaire qui le stipule ? Les Fédéraux auraient dû réclamer la base juridique. Mieux, ils ne peuvent pas se permettre d’ignorer le Code d’admission pour joueurs de handball, qui est établi par la Fédération internationale, organisation faîtière qui gère le handball mondial. Comme c’est le cas avec le football (Fifa), l’athlétisme (IAAF). Aucune confédération continentale ne peut ou ne doit disposer des textes qui seraient en porte à faux avec leur Fédération internationale.
Par ailleurs, les Fédéraux doivent aussi comprendre que le fait que Doungou Camara ait pris part à quatre compétitions internationales ne signifie pas que le Sénégal n’est pas fautif. Tant que cette «infraction» n’est pas dénoncée, comme c’est le cas avec la Tunisie qui a porté l’affaire devant la CAHB (intérêt à agir et qualité à agir), le Sénégal pouvait penser qu’il était dans un bon droit.
Par conséquent, nous estimons que l’attitude à adopter serait de faire profil bas. On peut se tromper de bonne foi et le reconnaître au niveau du Tribunal arbitral des Sports (TAS) qui pourrait rendre le verdict plus clément. Au moins, la suspension de quatre ans pourrait être revue à la baisse, à défaut d’être annulée. Parce que ce cas de figure est différent de la honteuse triche des joueuses de basketball (U-18). En 2012, cette Fédération sénégalaise avait savamment orchestré une fraude pour trôner sur le toit continental. Ce qui est loin d’être le cas de l’équipe de Seydou Diouf qui n’a rien prémédité. Alors gardons notre calme. Soyons moins émotionnels et essayons d’accompagner «psychologiquement» cette brillante athlète qu’est Doungou Camara face à cette mauvaise publicité dont elle fait l’objet sans le chercher, ni le vouloir.
Bref, faisons notre mea culpa… Sportivement. C’est ça qui nous grandit.