Khalifa Sall, une campagne en prison
Le maire de Dakar, poursuivi pour "détournement de deniers publics" et détenu depuis mars, est l’absent le plus présent des législatives du 30 juillet
Les protestations des avocats de la défense n’ont alors pas tardé. « La Cour suprême du Sénégal a rendu compte de son arrêt dans des termes choisis qui tendent insidieusement à faire croire que M. Khalifa Sall a reconnu le détournement et la commission de faux en écritures, dénoncent-ils dans un communiqué. (…) Ce procédé de la Cour suprême démontre enfin que le procès initié par l’Etat du Sénégal contre M. Khalifa Sall n’est ni juste ni équitable et que la justice sénégalaise instrumentalisée contre sa personne n’est pas indépendante dans les faits. »
Outre la bataille devant les tribunaux, les soutiens du maire Khalifa Sall entendent faire du quartier Grand-Yoff, son fief, « un bastion rebelle ». Le 14 juillet, la caravane de Benno Bokk Yaakaar, la coalition au pouvoir, où se trouvaient l’artiste Youssou Ndour et le ministre de la jeunesse, y a essuyé des jets de pierres. « Qui se frotte à Grand-Yoff s’y pique, ce quartier restera toujours fidèle à Khalifa Sall », criait entre deux lancers un jeune qui se réclame de Taxawu Ndakaru.
Le retour de Wade risque de changer la donne
Khalifa Sall est l’absent omniprésent de cette campagne, mais les préparatifs de cette bataille électorale sont complexes pour les lieutenants du chef emprisonné. « La tâche n’est pas facile du point de vue affectif, car Khalifa n’est pas avec nous pour porter le message. A ce niveau, nous avons des difficultés mais nous sommes tous des Khalifa », martèle Moussa Taye.
Le maire de Dakar s’est constitué un capital de sympathie chez les Sénégalais, mais le retour de l’ancien président Abdoulaye Wade, le 10 juillet, a cependant changé la donne. Le « Vieux », 91 ans, a été accueilli par ses partisans en liesse et a pris la tête d’une autre coalition de l’opposition, Wattu Senegaal. « Khalifa Sall et sa coalition sont de plus en plus noyés par Abdoulaye Wade qui draine les foules partout où il passe. Cet engouement autour de Wade se traduira-t-il dans les urnes ? Il est difficile de le dire mais, aujourd’hui, la seule certitude est que, du fond de sa cellule, il sera difficile pour Khalifa Sall de faire de l’ombre à la coalition au pouvoir et à Abdoulaye Wade », analyse le journaliste Mademba Ramata Dia.
Sachant le risque que son absence publique fait courir à la campagne de sa coalition, Khalifa Sall a pris la plume depuis sa cellule le 13 juillet, pour présenter aux Sénégalais son projet de société. Dans ce courrier, simplement intitulé « Khalifa Ababacar Sall vous écrit », il dénonce l’acharnement dont la justice fait preuve contre sa personne. « Les autorités n’ont pas apprécié sa diffusion qui révèle des failles dans notre système pénitencier », commente sous couvert d’anonymat un cadre de la coalition au pouvoir.
Avec le retour du président Wade sur la scène politique et la colère suscitée par l’emprisonnement de Khalifa Sall, challenger putatif de Macky Sall lors de la présidentielle de 2019, ces législatives prennent les contours d’une primaire avant l’heure. Khalifa Sall se présentera-t-il à l’élection présidentielle si sa coalition perd les législatives ? « Khalifa Sall est dans le même état d’esprit que nous et quels que soient les résultats du 30 juillet, nous allons continuer à faire de la politique, lance Moussa Taye. Nous avions promis aux Sénégalais une liste pour ces législatives et un candidat pour la présidentielle de 2019… Ce sera Khalifa Sall, naturellement ! »
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