LA VOIE DE LA SAGESSE
L’euphorie du grand soir suscitée par la victoire de l’opposant gambien, Adama Barrow sur Jammeh, a titillé notre naïveté de croire à la mort du monstre froid. Nous n’avons pas su regarder au-delà des apparences, pour se rendre à l’évidence que l’autocrate jouait la montre. Il a appris dans L’Art de guerre de Sun Tzu, qu’avancer masqué est gage de longévité pour un général qui conduit ses troupes. Puisque «tout art de guerre est basé sur la duperie».Jammeh ne connaît que le jeu et cette volte-face remettant en cause les résultats de la présidentielle sous prétexte que le scrutin est entaché d’irrégularités, n’est que le vrai visage d’un «Président anormal».
Celui qui a vendu à son peuple l’idée qu’il guérit le Sida ; qu’il est doté de pouvoirs mystiques (symbolisés par le grand boubou, la canne et selon toute vraisemblance, le coran). Un «Président anormal» qui se signale aussi par un franc-parler, traduisant son incapacité à faire dans la nuance, à l’opposé de l’individu normal.
Le revirement à cent degrés de Jammeh, est-il le baroud d’honneur d’un combattant qui ne s’autorise le moindre doute sur sa fin, mais qui veut embarquer son pays dans une folie meurtrière pour faire payer au peuple, dont la «fidélité» au Prince a toujours été imposée par le glaive, sa «trahison» ? Ou cherche-t-il une sortie honorable pour avoir une garantie de la communauté internationale quant à sa sécurité, celle de sa famille et de ses proches ? On ne connaîtra pas la psychologie du joueur de poker…
C’est pourquoi la communauté internationale doit être très prudente, puisque l’enjeu est de préserver la vie des innocents. Il faut alors privilégier la voie pacifique de sortie de crise et n’envisager le recours à la force comme dernière carte à jouer face à l’entêtement d’un autocrate qui ne connait que le langage de la violence. Nous apprécions à sa juste valeur le ton de fermeté de notre diplomatie (sans céder à l’émotion), après s’être saisie, avec une diligence exemplaire, du dossier en invitant la communauté internationale à prendre ses responsabilités.
La situation est délicate, et toute démarche tendant à préserver les vies des gambiens, tout en rétablissant l’ordre constitutionnel, serait la voie de la sagesse. Le Sénégal et la communauté internationale doivent alors empêcher Jammeh de réaliser son rêve funeste de plonger la Gambie dans le chaos après sa défaite retentissante.