LE TEMPS PRESSE !
Le dictateur de Banjul pour sauver sa peau et celles des siens a été contraint, malgré le refus de toute amnistie qui lui a été opposé, de négocier et de saisir ce qui s´avérait être la dernière balle offerte avant l’assaut final
La Gambie vit aujourd’hui son deuxième jour sans son ancien président Yaya Jammeh, délogé de son palais, signant ainsi l’épilogue d’une longue, éprouvante et épuisante attente faite de tergiversations et de rebondissements multiples. Toutefois, faut-il le souligner, si les négociations de dernière minute menées par les présidents de Guinée Conakry Alpha Condé et de Mauritanie Mouhamed Ould Abdel Aziz, se sont concrétisées par l’acception de jammeh à s’exiler hors de son pays, c’est parce que ce dernier se trouvait pris en tenailles entre l’option diplomatique privilégiée par la Cedeao et son option ferme pour une intervention armée qui ne faisait plus guère de doute en cas d’échec , au regard des détachements militaires massés le long des frontières, prêts à faire le boulot.
«Téméraire mais pas fou » comme dit l’adage, le dictateur de Banjul pour sauver sa peau et celles des siens a été contraint, malgré le refus de toute amnistie qui lui a été opposé, de négocier et de saisir ce qui s´avérait être la dernière balle offerte avant l’assaut final. A ce titre, le processus ayant abouti à ce résultat apparait par conséquent comme gros de promesses dans la mesure où il a été conduit de main de maître par les organisations continentale et sous régionale, l’Union africaine (Ua) et la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest «(Cedeao). Ayant pris la direction des opérations elles ont forcé Jammeh à se rendre à l’évidence.
Elles ont en effet très tôt dénoncé sa volteface et ont affiché une fermeté et une détermination sans faille quant à la nécessité de voir le nouveau président élu Adama Barrow installé à la tête de la Gambie, conformément aux résultats issus des urnes. Dans ce cadre, il est à saluer l’intelligence diplomatique du président Macky Sall et de son gouvernement qui, tout au long du bras de fer, se sont judicieusement rangés derrière les résolutions des organisations africaines, refusant à juste titre de se mettre en première ligne au risque de froisser quelques susceptibilités nationalistes promptes à dénoncer l’ogre sénégalais.
La posture de l’Ua, de la Cedeao et en arrière-plan celle du Sénégal ont eu pour conséquence d’isoler Jammeh et de rendre possible la défection de plusieurs membres de son gouvernement et le ralliement de franges importantes de l’armée gambienne.
De par sa démarche faite de promptitude, de souplesse diplomatique et d’intransigeance militaire et principielle, la Cedeao a ainsi adressé un signal fort à tous les dictateurs en puissance de l’espace sous régionale voire continentale puisqu’il leur signifie que désormais seul importait le respect de l’expression de la souveraineté populaire et que nulle forfaiture ne serait tolérée. Il reste par conséquent à espérer que les dirigeants soient sensibles à l’intérêt et l’urgence qu’il y a à booster une telle dynamique susceptible de fédérer autour de thèmes et de valeurs communs, notamment l’instauration et le respect de l’Etat de droit.
En affichant avec constance une posture commune, la Cedeao a par ailleurs mis à nu l’incongruité qu’il y avait à charger la carte du continent d’Etats lilliputiens qui finissent par approfondir et consolider la balkanisation du continent, quitte à continuer de le fragiliser. Aussi est-il souhaitable que la Gambie et le Sénégal puissent prendre la mesure de toutes leurs responsabilités individuelles et collectives en engageant immédiatement et sans tarder des initiatives allant dans le sens d’un partenariat engagé au service exclusif de leurs populations respectives, qui finalement constituent un même peuple comme cela a été du reste magnifié par l’accueil réservé aux exodés fuyant la catastrophe annoncée en Gambie. Cela passe par une véritable intégration, notamment par une libre circulation entre les deux pays avec l’érection d’un pont dont nous dit-on, les financements ont été bouclés. Il s’y ajoute que la situation en Casamance, au-delà de l’accalmie observée se présente sous de meilleurs auspices, en rendant désormais possible des négociations sincères pouvant déboucher sur une paix définitive, sans qu’il n’y ait en arrière-plan une instrumentalisation de certaines forces rebelles comme s’y employait avec perversité et délectation l’ancien président gambien.
Il est donc souhaiter que nos dirigeants comprennent que les cimetières sont remplis de gens indispensables, ce qui les poussera peut-être à saisir que le pouvoir porte la marque de notre humanité en ce sens qu’il s’inscrit dans une temporalité actée par une finitude incontournable. Ce qui devrait aider à embrasser une humilité qui fait prendre conscience de la nécessité de s’inscrire par ses actions au service des populations et de l’Afrique pour espérer s’incruster dans les plis d’une éternité célébrée par plusieurs générations. A l’image de Lumumba et Sankara, ces figures lumineuses qui continuent de fasciner les consciences africaines. Ces deux figures, pour ne citer qu’elles, disent quelque part l’envie de justice, d’égalité, de solidarité des populations africaines et leur irrépressible besoin de dirigeants qui ont à cœur de se mettre à leurs services.
Aussi Adama Barrow doit-il rapidement être mis en situation de rentrer dans un pays sécurisé par les forces militaires de la Cedeao, former un gouvernement immédiatement opérationnel, éviter de s’engager dans une chasse aux sorcières. Il urge de remettre le pays au travail, de libérer les énergies en insufflant de nouvelles espérances. Le temps presse.