LES NUANCES D’UNE CAMPAGNE ELECTORALE
Dimanche 30 juillet prochain, on connaîtra le verdict des législatives. On saura quelles perles, sur le long chapelet de coalitions politiques qui se disputent notre attention et notre bienveillance, pèsent plus lourd que les autres. On soupçonne, au déroulé de la campagne, que l’affaire va se jouer entre a coalition Benno Bokk Yaakaar(Bby) au pouvoir, la coalition gagnante Wattu Senegaal et la coalition Manko Taxawu Senegaal. L’oracle n’a pas encore indiqué le nom du vainqueur, mais ces trois grandes coalitions sont les plus visibles, les mieux organisées. Le dire n’est pas une forfaiture, mais Bennoo Bokk Yaakaar, la coalition au pouvoir, mieux implantée sur le territoire national en plus de bénéficier de la prime au sortant est bien partie pour sortir largement vainqueur de ces joutes si disputées. L’enjeu, le sel de cette élection, devrait se situer au niveau de ces départements où l’opposition est fortement implantée : Dakar, Guédiawaye, Thiès, Mbacké et Ziguinchor. Dans ces citadelles de l’opposition, le beffroi du pouvoir parviendra-t-il à faire tomber les murs ? Rien n’est moinssûr, d’autant plus que nombre de ténors de l’opposition comme Khalifa Sall, Idrissa Seck ou encore Malick Gakou y jouent leur avenir politique. La bataille s’y annonce très rude.
Dans les perles du chapelet de partis qui s’affrontent lors de cette élection, il y a aussi des pépites. Ousmane Sonko qui dirige la coalition Ndawi Askan wi/Alternative du peuple en est une. Ses allures guerrières, son refus du compromis et son obsession du renouvellement politique montrent, à suffisance, que la pépite Sonko est encore à polir. Mais la réalité, dans le monde, est au discours antisystème. Et, sous ce registre, Ousmane Sonko pourrait surprendre en se retrouvant juste derrière les trois grandes coalitions. Sonko a un ancrage dans la jeunesse scolarisée et déçue par les politiques. Et il mène une bonne campagne, responsable. Vendredi dernier, tout en s’insurgeant contre la très mauvaise distribution des cartes d’électeur, il a dit niet à l’appel à la marche lancé par l’ancien Président Abdoulaye Wade, tête de liste de Mankoo Wattu Senegaal, devenu pyromane rien que pour faire de son fils Karim, candidat à la présidentielle de 2019.
Rien de surprenant à cette tonalité de la campagne de Sonko, quand on voit que l’inspecteur des Impôts est bien encadré par les anciens maoïstes et expérimentés Madièye Mbodji et Buuba Diop, ancien directeur de campagne du candidat Ibrahima Fall à la présidentielle de 2012. Si Mahammad Boun Abdallah Dionne mène une bonne campagne à l’intérieur du pays tout comme Amadou Bâ à Dakar, Talla Sylla, Modou Diagne Fada, le PUR, Abdourahmane Sarr, etc., il n’en est pas de même pour certains. La plus grande déception est venue de Cheikh Tidiane Gadio de «Senegal Day Dem». Habituellement mesuré, le grand rhéteur se révèle à nous sous un visage extrémiste et répète à l’envi que «Senegal raamul sakh» (le Sénégal marche à pas de tortue). Que dire du prolongement de l’autoroute Diamniadio-Aibd, du Pudc, de la Cmu, des Bourses familiales, du taux de croissance de 6,7% btenu en 2015 et en constante progression depuis 2012 ? Ce discours nihiliste d’un diplomate chevronné, ancien maoïste, rappelle les vieilles diatribes de And-Jëf/Mrdn des années 80 très hostile au pouvoir d’Abdou Diouf et aux institutions de Bretton Woods. Le temps aidant, on comprend que dans la vie, tout n’est pas noir ou blanc. Le gris est aussi une couleur. La vie est construite sur des nuances de la réalité. L’adversité, voire la rivalité politique, justifie-t-elle certains emportements. La retenue est une sagesse en politique, fût-ce en campagne électorale ?