MACRON PRESIDENT !
De l’audace, de la modernité, une créativité capable de se frotter au réel, de le bousculer et non d’être soumis à des recettes clés en main - Quoi attendre maintenant pour le Sénégal et l’Afrique de cette élection?
Avec 65,8 % des voix contre 34,2 % à Marine Le Pen, Emmanuel Macron est désormais à 39 ans, le 8e et plus jeune président de la République française. Les électrices et électeurs français ont ainsi mené à terme le mouvement de recomposition politique qu’ils avaient amorcé lors du premier tour de l’élection présidentielle avec la mise hors compétition des grands partis institutionnels, ceux de droite et de gauche, qui ont rythmé alternativement la vie politique de l’hexagone. Si une nouvelle page s’ouvre, ce serait toutefois aller vite en besogne que de conclure à la mort des Partis institutionnels, pour la simple raison que la cumulation des voix de gauche au premier tour (Mélenchon et Hamon) les classaient au premier rang.
Sans compter que Fillon qui avait un grand boulevard devant lui n’a pas eu la lucidité, voire l’humilité, de domestiquer son ego et de passer la main alors que ça commençait à sentir le roussi autour des affaires d’emplois fictifs dans lesquelles, lui et sa famille, étaient impliqués. Il s’y ajoute aussi que même défaite, le taux obtenu par Marine Le Pen pose problème quand à la posture morale de la Patrie des droits de l’Homme, même si elle vient en troisième position après l’abstention et le vote blanc. Il y a là trois équations qui ne sont pas faites pour fêter on ne sait quelle victoire.
C’est plutôt un coup de semonce qui doit être ressenti avec gravité. Macron a intérêt à en prendre toute la mesure et à comprendre qu’il ne bénéficiera d’aucun état de grâce ni d’aucune complaisance venant de la droite et de l’extrême droite encore moins de l’extrême gauche mélenchoniste, ni des sceptiques. Comme qui dirait, les choses sérieuses commencent avec cette nouvelle élection. Il reviendra à Macron de se saisir de son positionnement inédit pour aller au plus vite aux réformes contenues dans son programme. Il lui appartient aussi de réconcilier la France avec ses valeurs de liberté, d’ouverture et d’humanisme en rompant avec tous ces faux débats sur une identité française introuvable parce que figée dans un phantasme qui tourne le dos à la réalité complexe, mouvante et plurielle du monde. Il lui appartient aussi de réconcilier ses compatriotes en refusant tout communautarisme et toute stigmatisation au nom de la religion. Il lui appartient tout simplement d’apporter des réponses aux peurs et aux angoisses qui travaillent une société française confrontée au chômage et au terrorisme.
De l’audace, de la modernité, une créativité capable de se frotter au réel, de le bousculer et non d’être soumis à des recettes clés en main, il faudra certainement. Pour dire que les temps qui s’annoncent ne seront pas un diner de gala.
Alors quoi attendre maintenant pour le Sénégal et l’Afrique de l’élection de ce tout jeune président français ? Lui qui n’a connu ni le colonialisme ni les officines de la Françafrique va-t-il chambouler les relations iniques que la France a entretenu avec son « pré carré » du continent ? Pour l’heure, il convient de se résoudre à l’évidence qui voudrait que les Etats n’aient pas d’amis mais des intérêts. Et c’est autour de cela que se nouent et se dénouent les amitiés. Il reste un terrible désir d’amour de soi qui taraude les Sénégalais mais cela ne peut pas prospérer sans un grand dessein rendu nécessaire par le déficit de leadership comme semble indiquer cet engouement empreint de nostalgie autour de figures charismatiques qui entre autres, ont pour noms Cheikh Anta Diop, Sankara, Nkrumah, Lumumba, etc. Ces noms encore scandés par une jeunesse africaine qui leur prête d’avoir porté ses parts de rêves, à savoir un amour sans compromissions pour le continent, un engagement résolu dans la lutte contre la pauvreté, pour la dignité de l’homme noir.
Rien à attendre des autres donc, puisque tout est à attendre de nous. Même s’il nous revient de composer avec les autres. Parce que c’est nous qui imprimeront les marques de nos relations avec nous-mêmes et avec les autres. Comme du reste l’a exprimé la France avec ce pari audacieux porté sur un jeune président, non élu, inconnu du landerneau mais qui a fait preuve de courage en refusant de succomber aux discours qui prospèrent sur les peurs et les colères.