SAUVER LE SOLDAT JAMMEH
La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) sauvera-t-elle Yahya Jammeh et la Gambie du chaos ? Ce mardi 13 décembre, une mission de chefs d’Etat de l’organisation régionale conduite par la Présidente libérienne Ellen Johnson Sirleaf et comprenant Mouhamadou Buhari du Nigéria, Ernest Bai Koroma de Sierra Leone et John Dramani du Ghana, se rend auprès du despote gambien. Ils ont tous en commun d’être arrivés démocratiquement au pouvoir et d’être anglophones.
Après vingt-deux ans de pouvoir autocratique à la tête de la Gambie,Yahya Jammeh a intérêt à entendre raison, à suivre les pas du chevaleresque Président ghanéen, perdant après seulement quatre ans d’exercice du pouvoir. Les pressions sont si fortes et si insistantes que la seule issue qui s’offre au dictateur gambien est de ravaler son funeste dessein de rétropédalage, de volonté de confiscation du suffrage des Gambiens.
Comme subitement pris d’une positive illumination, il avait reconnu, vendredi 2 décembre, sa défaite devant Adama Barrow, son inattendu challenger à la place de Ousseinou Dabo. Ce jour-là, la pression de la rue gambienne était si forte, sa jeunesse si euphorique et si déterminée, et l’armée si divisée que le dictateur ne pouvait qu’accepter sa défaite à la présidentielle organisée la veille.
Le naturel revenant toujours au galop, il a encore surpris son monde en se rétractant vendredi dernier et en demandant le recomptage des voix. Inacceptable, a dit fermement Mankeur Ndiaye, le chef de la diplomatie sénégalaise, suivi par le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies.
Selon Mankeur Ndiaye, Yahya Jammeh doit se borner à respecter la parole donnée, organiser la transition et assurer la sécurité de Adama Barrow, candidat vainqueur de la présidentielle du jeudi 1er décembre. La Gambie, si peu important sur la carte mondiale, si peu lourd au plan économique et qui ne compte que pour notre pays, ne pourra que se plier à la volonté de la communauté internationale, gardienne vigilante et intransigeante de la démocratie.
Loin d’être un aliéné, le chef de l’Etat gambien, ne tente-t-il pas par cette rebuffade de sauver sa peau, de s’assurer un avenir d’impunité ? Ses mains, il le sait, sont tachées du sang d’opposants, de journalistes et d’innocents citoyens. Mais à quoi servira-t-il de le traduire devant la Cour pénale internationale(Cpi) comme le réclame fortement la société civile gambienne ? Ne faudrait-il pas, par réalisme, l’amnistier en faisant table rase de ses vingt-deux ans passés au pouvoir, en instituant au besoin une commission vérité et réconciliation à l’instar de l’Afrique du sud pour sauver la Gambie ? En fin, au lieu de suivre la clameur vengeresque des foules, il faut l’accompagner à cultiver ses champs de Kanilaï. Ce serait une formidable opportunité pour ce petit pays de semer la démocratie et d’assurer la stabilité dans cet Etat stratégique pour le Sénégal.
Aussi lourd de danger qu’une nuit d’apocalypse, ce mardi sera donc un jour décisif pour l’autocrate gambien, son pays, le Sénégal et l’Afrique. Aujourd’hui donc sera un jour de vérité pour Yahya J.J. Jammeh au nom aussi long que sa diabolique imagination est fertile.