"SCK", UNE COALITION QUI POURRAIT FAIRE TRÈS MAL AUX LÉGISLATIVES
L'ancien ministre de l'Intérieur Ousmane Ngom a investi une Dream Team pour aller à l'assaut des urnes
On peut choisir l'expression, tirée de la célèbre fable de La Fontaine, du troisième larron qui vient s'emparer de Maître Aliboron. Ou encore évoquer le panneau de signalisation routière indiquant à certains passages à niveau qu' "un train peut en cacher un autre". Pour dire que la liste "Sénégal Ca Kanam" (SCK) de Me Ousmane Ngom peut créer la surprise lors des législatives du 30 juillet prochain. Non pas qu'elle devancerait celle de la majorité présidentielle sous la bannière de "Benno Bokk Yaakaar", qui semble largement favorite, mais en tout cas elle est bien placée pour figurer dans le tiercé de tête. Avec "Maankò Taxawu Sénégal" ou la coalition gagnante "Maankò" ? Difficile d'interpréter le message des cauris… Mais une chose est sûre, du moins au vu de sa composition, la coalition "SCK" pourrait faire mal, très mal.
C'est que l'ancien ministre de l'Intérieur, qui détient le record de longévité à ce poste ultra sensible — sept ans en deux passages —, qui connaît donc la carte électorale de ce pays comme sa poche et comme un certain… Macky Sall, a appris comment mailler le territoire national et l'a fait sans tambour ni trompettes. Et très loin des projecteurs des médias. Surtout, ayant choisi de faire la politique autrement, en mettant notamment l'accent sur l'autonomisation économique des militants — comme il aime à le dire "s'occuper du petit matin en attendant le Grand Soir —, Me Ousmane Ngom a misé à fond sur des porteurs de voix jusque-là ignorés par les leaders politiques. Pas seulement sur eux, bien sûr, mais en tout cas essentiellement sur ces porteurs de voix que sont les dirigeants de groupements économiques, de mouvements associatifs, ces figures de la société civile etc. Pour avoir une idée du profil — et du poids — de ces futurs députés atypiques, qu'il suffise juste de jeter un coup d'œil sur le "top ten" de la liste de "Sénégal Ca Kanam", une coalition dont son leader a dit qu'elle constitue "un Sénégal en miniature", un condensé de notre pays en ce qu'elle reflète la diversité de ses composantes ethniques, régionales, religieuses, socioprofessionnelles, classes d'âges etc.
Immédiatement après la tête de liste qu'il n'est plus besoin de présenter, et parité oblige, on trouve le Dr Maïmouna Cissé, directrice de recherches à l'Isra (Institut sénégalais de recherches agricoles), doyenne des vétérinaires du Sénégal et scientifique de haut vol, en tout cas chercheure émérite. Elle est aussi la présidente nationale des femmes de "LCK". A la troisième place pointe Djiby Ndiaye dit "Général", tout-puissant président de la Fédération nationale des mareyeurs du Sénégal forte de 8.000 membres, sans compter leurs familles. Autrement dit, un très important pourvoyeur de voix électorales. Quatrième sur la liste, la très populaire elle aussi, Yaye Bayam Diouf, élue jeudi dernier, le jour même où "LCK" présentait ses listes dans un hôtel de Dakar, à la présidence de la Fédération nationale des transformatrices de poissons du Sénégal. Une fédération regroupant des milliers de femmes à travers le Sénégal et qui contrôle pratiquement tous les centres de débarquement de notre pays. Mais Mme Yaye Bayam Diouf, c'est aussi la présidente du Collectif national des femmes pour la lutte contre l'émigration clandestine. A ce titre, elle est une icône reconnue internationalement où elle est invitée à prendre la parole dans diverses tribunes. On peut dire qu'Ousmane Ngom a eu la main heureuse en l'enrôlant dans sa liste.
Vient en cinquième position, Mbaye Amar qui n'est autre que le secrétaire exécutif de l'AFTU, une association qui contrôle 70% du transport urbain dans la région de Dakar à travers notamment les fameux bus Tata, et qui a une masse salariale mensuelle de 500 millions de francs. Une association qui comprend également en son sein des transporteurs routiers ainsi que des propriétaires de camions gros-porteurs. Mbaye Amar est suivi sur la liste par Mme Seynabou Cissé, responsable "LCK" à Mbao où elle est bien connue. Lamine Dia, l'ancien député-maire de Biscuiterie, à Dakar, et "sopiste" des années de braise — il est le fils du vieux Mass Dia, défunt patron de la très combative troisième fédération du PDS —, occupe la sixième place sur la liste de la coalition "Sénégal Ca Kanam". Il est aussi l'administrateur du mouvement en même temps que le directeur de campagne de "SCK". La suivante sur la liste, c'est Mme Khady Cissé, une amazone libérale qui a été de toutes les luttes politiques à Saint-Louis et qui n'est autre que la belle-mère de l'imprimeur Baba Tandian dont on sait tout ce qui le lie à Me Ousmane Ngom.
Porteurs de voix ancrés localement
Notre doyen et confrère Ahmed Bachir Kounta, journaliste au grand talent et intellectuel respecté, érudit et grand dignitaire religieux, ancien sénateur aussi, est le neuvième sur la liste. Enfin, Mme Coumba Bâ, responsable régionale des mareyeuses de Dakar, ferme le "top ten" de la liste de la coalition "Sénégal Ca Kanam". On serait tenté de mentionner celui qui vient immédiatement après elle et qui pointe à la 11ème place, qui n'est autre que M. Khourraïchi Thiam, l'ancien ministre de la Pêche du président Abdoulaye Wade et poids lourd politique de la région de Tambacounda. Cette présence de M. Thiam sur les listes est d'autant plus importante qu'elle vient renforcer l'investiture de deux porteurs de voix du département de Koupentoum. Il s'agit d'abord du Dr Pape Sémou Niang, qui fut enseignant au Canada, directeur de cabinet du ministre de la Recherche scientifique, chercheur respecté — il fut un des pères de l'insémination artificielle. En tant que fils de Bouna Sémou Niang, qui fut chef de canton dans la contrée, le Dr Pape Sémou Niang bénéficie d'un solide ancrage local. L'autre locomotive électorale de Koupentoum, c'est le Dr Tamiya Sylla, ingénieur des télécommunications, ancien directeur marketing à Texas Instruments, firme américaine bien connue dans le domaine de l'électronique et de l'informatique. A ce titre, Sylla aurait travaillé dans la conception du fameux "blue tooth" des téléphones portables. C'est cette tête d'œuf qui a décidé d'apporter son soutien au "Général" Ousmane Ngom. La performance de "SCK" sera d'autant plus à surveiller dans le département de Tambacounda que, à côté du Dr Tamiya Sylla, c'est la présidente nationale des femmes éleveurs qui a été investie.
En parcourant les listes départementales ou nationale de cette coalition avançant à pas de loup mais qui pourrait bien surprendre son monde, on tombe sur les noms de Serigne Modou Lô Ngabou, tête de liste à Mbacké, une figure très connue non seulement dans le Baol mais aussi à Diender, de Demba Mame Ndiaye, président national des mutuelles de santé communautaire et personnalité de la société civile, notamment du milieu des navétanes. Dans la région de Dakar, c'est l'ancien ministre conseiller du président Abdoulaye Wade, le banquier et financier Habib Mbaye qui aura le redoutable honneur de conduire la liste "kanamiste". A Kaolack, c'est le marabout Mohamadou Kabir Dème, un fidèle de Me Ousmane Ngom, qui est à la manœuvre. Jeudi dernier, il a débarqué à l'aéroport Léopold Sédar Senghor en provenance du Gabon pour foncer directement à l'hôtel où se tenait la présentation de listes. Mohamed Kabir Dème est très introduit dans la famille niassène de la capitale du Bassin arachidier. A Kaffrine, la liste est dirigée par le porteur de voix Mountakha Ndao, deuxième adjoint au maire et ancienne tête de liste socialiste lors des élections locales et qui aurait dû normalement diriger la mairie mais s'était effacé au profit de Abdoulaye Wilane. Cette personnalité très populaire dans le Ndoucoumane pourrait y bousculer la hiérarchie, en tout cas faire un très bon score.Dans le département de Sédhiou, l'ancien sénateur Mamadou Gomis de Marsassoum, a la lourde tâche de faire triompher les listes de la coalition conduite par l'ancien ministre de l'Intérieur. Il bénéficiera du renfort du secrétaire général de la chambre de commerce. Enfin, à Bignona, c'est Alimatou Souaré, une femme de développement s'activant dans la transformation de produits alimentaires et très impliquée dans les opérations de déminage des zones rebelles ainsi que d'assistance aux blessés, qui a été investie. Elle aura comme colistier, l'inspecteur d'académie Abdou Aziz Fall qui a créé un réseau de 250 enseignants pour le compte de "SCK".
Amazones, religieux et piliers de la diaspora bien représentés
Mais en réalité, Alimatou Souaré ne sera pas la seule femme à conduire une liste départementale de cette coalition dont une des particularités est que, justement, elle a mis en avant un peu partout des femmes au lieu de leur faire jouer un rôle d'appoint pour se conformer à l'obligation légale de parité. Il en est ainsi de Mme Yacine Bougouma Diallo, épouse du propriétaire de la fameuse agence "Mboup Voyages", une femme d'affaires dynamique et disposant d'un important réseau de dahiras. Elle conduira la liste de Pikine. Dans le département voisin de Guédiawaye, c'est Mme Ndack Mayoro Diop, très connue dans la jet-set et ayant ses entrées aussi bien à Tivaouane qu'à Thiénaba, car fille d'un défunt grand "Moukhadam", qui a été investie. A Tambacounda, on l'a dit, c'est la présidente nationale des femmes éleveurs qui mènera la bataille électorale pour le compte de la "SCK". N'oublions pas de mentionner Mme Antoinette Metta Ndiaye, bru du défunt Doudou Ndiaye Rose, qui est venue spécialement de Toulouse pour battre campagne à Dakar où elle compte mobiliser dans la zone des Hlm.
L'autre particularité, à côté de cette présence massive des femmes, c'est aussi la représentation de toutes les familles religieuses du pays dans le bataillon électoral du "Général" Ousmane Ngom. Aussi bien Touba, Tivaouane que Kaolack avec les Niassènes, mais aussi la famille omarienne, des Layènes etc. ont des candidats sur les listes. Sans compter l'Eglise. En effet, le pasteur François Kama, curé de Gandiaye, a été investi dans cette localité de la région de Kaolack où l'ingénieur de l'Ageroute Wally Ndiaye a préféré s'effacer à son profit.
Enfin, si la "SCK" présente des candidats dans les 45 départements du Sénégal, elle est également sur la ligne de départ pour ce qui est de la compétition pour le choix des représentants de la diaspora à la Place Soweto. En Afrique du Nord, sa bannière sera portée par Mme Aïssa Malick Gaye, femme d'affaires célèbre en Mauritanie et fille du Dr Malick Gaye, personnalité politique du Fouta dont le centre de Bopp porte le nom, ainsi que par Daouda Sène, une jeune cadre sénégalais établi à Dakhla au Maroc.
Mady Gassama, qui a créé l'une des toutes premières associations de soutien aux sans-papiers de France, fondateur du Mouvement démocratique sénégalais (MDS) qui s'est sabordé dans "Libéral Ci Kanam" et interlocuteur reconnu du ministère français de l'Intérieur, va diriger la liste en Europe de l'Ouest et du Nord. Il aura comme colistières Mmes Mame Solly de France et Ndèye Atta Mar Thiam, une grande restauratrice de Genève où elle gère plusieurs autres affaires. En Europe du Sud, la liste "SCK" sera composée du commerçant Ndiaga Kane, de Ndèye Fatou Niang et Serigne Thioune, ce dernier étant de Palma de Mayorque. En AmériqueOcéanie, les couleurs de la coalition dirigée par Me Ousmane Ngom seront défendues Pape Ibra Seck de Kentucky, un industriel par ailleurs très actif dans le réseau associatif, Ndella Mar, une commerçante, Cheikh Gaye du Canada, qui est l'ancien responsable des jeunes du défunt PLS (Parti Libéral sénégalais, ancêtre de Libéral Ca Kanam).
On pourrait aussi citer parmi les porteurs de voix de "SCK", Souleymane Cissé de France qui, à partir de l'Hexagone, a créé des sections à Ouakam, Bambilor, Tambacounda etc.
Bref, comme on le voit, et comme l'a déclaré Me Ousmane Ngom en présentant ses listes jeudi dernier, sa coalition, c'est "un SENEGAL en Miniature car Sénégal Ça Kanam est le condensé de notre Nation puisque y sont représentées toutes les couches sociales, toutes les ethnies, toutes les familles religieuses et confessionnelles, toutes les familles et sensibilités politiques, toutes les tranches d'âge et tous les genres, enfin tous les secteurs économiques et professionnels". D'après l'ancien ministre de l'Intérieur, "tous ces segments de notre nation se sont regroupés autour d'une Nouvelle Vision fondée sur notre volonté commune de passer de la Démocratie Politique à la Démocratie Economique''.
Au vu d'une telle liste, ce serait bien le diable si la coalition "SCK" n'envoyait pas un maximum de députés à la prochaine Assemblée nationale !