"CE QUI M'A FAIT QUITTER LE PDS, JE NE L'ACCEPTERAI PAS À L'APR"
Abdoulaye Sow, responsable de l'APR à Kaffrine
Le néo apériste de Kaffrine, Abdoulaye Sow étale les frustrations qui l’ont fait quitter le Parti démocratique sénégalais (Pds). Dans cet entretien accordé à «L’As», l’ex cadre libéral prévient ses nouveaux compagnons de l’Alliance pour la République qu’il n’acceptera pas d’avoir une majorité brimée. L’ex membre du groupe des réformateurs du Pds pense également que Modou Diagne Fada a emprunté une fausse piste en voulant créer son parti. Abdoulaye Sow prédit un avenir sombre pour son ancien parti qui refuse d’accepter le changement. Malgré le respect qu’il voue à Me Wade, le néo apériste pense que le pape du Sopi n’est pas un prophète
L’As : pourquoi avez-vous quitté le parti démocratique sénégalais (pds) ?
Abdoulaye Sow : Nous (ndlr, cadres libéraux) avions mené la bataille de la réforme du Pds parce que le fonctionnement ne répondait pas aux urgences d’un parti moderne. Après avoir perdu le pouvoir, nous avions cette crainte de disparition du parti parce que celui qui incarne la constante avait perdu le pouvoir. Les cadres du parti pensent qu’il fallait tenir la baraque du Pds et être une opposition crédible. Aussi, nous avions pensé que ceux qui jouaient le premier rôle au Pds n’étaient plus crédibles à pouvoir conduire le destin du parti. Nous avions tenu un séminaire afin que le parti soit en phase avec les exigences de l’heure. Donc, il nous fallait revoir les statuts et l’organisation du parti. Cela a été compilé dans un document et transmis au secrétaire général national du parti. En ce moment, lorsque beaucoup de responsables rasaient les murs, nous avions tenu le débat pour faire face au régime en place. Et pourtant, le parti avait apprécié le document et promis de le traduire en actes. Cela n’a pas été fait. Il y a eu toutefois quelques réserves émises par Me Wade et le comité directeur. Ces documents dorment dans les tiroirs. Mais nous avions pensé qu’il fallait se battre pour réorganiser le parti et lui donner une nouvelle direction. Parce que ceux qui ont incarné le parti pendant 12 ans devaient laisser la place à la jeune génération.
L’As : c’est le combat pour la réforme du pds que mène Fada ?
Abdoulaye Sow : La bataille de la réforme n’a pas été, d’ailleurs, engagée par Modou Diagne Fada. Nous (Ndlr, cadres libéraux) étions allés le voir pour lui dire que nous devions changer le parti si nous voulons rester dans le paysage politique et reconquérir le pouvoir. Donc, il faut changer l’orientation et son offre politique. Fada était réticent au débat parce qu’il était acteur du système quand même. Car son problème, c’était la position à tenir par rapport à Me Wade. Mais nous avions estimé que Me Abdoulaye Wade a fait son temps et qu’il fallait prendre la relève. Ainsi le groupe des réformateurs est mis sur pied. Lorsque nous avons fini le mémorandum, nous avons tenu un point de presse et remis une copie à Me Wade. Tout le monde était avec nous. Me Wade pensait qu’il ne fallait pas étaler cela sur la place publique. Nous étions d’accord avec lui, mais il avait promis de nous rencontrer. Il y a eu des manoeuvres lors du comité directeur. Les gens ont manoeuvré au point que le secrétaire général national est resté sourd à notre demande. Cela veut dire que tout ce que nous avions dit depuis 2012, personne ne nous a écoutés. Car les 10 premiers responsables sur la liste du secrétariat national étaient au coeur du système.
Peut-être me Wade avait toujours confiance en eux…
Mais c’est l’équipe qui a perdu ! On peut contester Oumar Sarr, peut-être, mais on ne doute pas de sa représentativité réelle. Mais il y a d’autres responsables qui ne pèsent rien et qui sont laminés à chaque élection chez eux. Des gens qui n’ont pas de base politique et n’apportent rien au parti sont promus. Nous avons du respect et de la considération pour Wade, mais il n’est pas un prophète. La dévolution du pouvoir au Pds pose problème, parce que nous ne sommes pas une dahira. On a cherché à nous humilier. J’ai dit à Fada que la démarche du parti est claire et, donc, il nous fallait prendre nos responsabilités. En tant qu’acteur politique, je ne peux pas attendre que les gens me fassent mon destin politique. Fada, lui, me disait qu’il reste dans le Pds, je lui ai dit que le Pds n’a plus d’avenir. Parce que les règles ne font pas l’unanimité. Le référendum a précipité les choses. En tant qu’administrateur civil, je suis quand même imprégné des questions d’Etat. Lorsque j’ai regardé les 15 points de la réforme, je n’ai pas vu de raison pour voter NON, même si la réforme n’est pas substantielle. Voter NON, c’est voter pour le statu quo. Lorsque Modou Diagne Fada a appelé à voter NON, je me suis dit que nous ne sommes plus du même camp et il fallait tirer les conséquences. J’ai tiré les conséquences vis-à-vis du groupe des réformateurs et du Pds. J’ai démissionné alors du Pds et par ricochet du groupe des réformateurs. Je suis logique.
N’ est ce pas un prétexte pour rejoindre l’Apr….
Non. Le Président Macky Sall m’a tendu la main parce qu’il connaît mes compétences et ma représentativité, parce qu’on m’a toujours brimé à Kaffrine. Babacar Gaye n’a jamais gagné un renouvellement des instances à Kaffrine. Lors des législatives dernières, Babacar Gaye, qui était pressenti pour diriger la liste départementale du Pds, a décliné. Oumar Sarr m’a appelé à la rescousse parce que nous étions à trois heures de la clôture du dépôt des listes. J’ai fait la campagne seule et M. Gaye a refusé de battre campagne. Il cherchait à figurer sur la liste nationale. Pourtant, je n’avais reçu que 60 litres de carburant. J’ai assumé pour que le parti ne soit pas forclos. J’avais un score honorable. J’attendais que le parti tire les conséquences, mais cela n’a pas été fait. Aux locales, on m’avait privé de tout, pourtant, j’étais désigné mandataire dans la commune de Kaffrine et Babacar Gaye dans le département. Mais, il a remué ciel et terre pour être aussi bien le mandataire dans la commune que le département. Il disait que c’était une instruction du président Wade. Je lui ai dit que le président Wade ne pouvait pas donner des instructions pour des locales. Alors le parti Arc en ciel conduit par Abdoul Aziz Guèye qui était en coalition avec le Pds a dirigé la liste dans la commune et Babacar Gaye le département. Il a accepté ce compromis en voulant me mettre derrière ce dernier, un inconnu. Il me dit que j’ai dix investis. J’ai pris mes responsabilités et mes militants m’ont dit qu’il en est hors de question. J’ai emprunté à Ousmane Guèye de Kahone son parti pour faire ma liste. Et lors que Me Wade devait venir à Kaffrine, on m’a informé tard dans la nuit. Au départ, je ne voulais pas, mais on m’a appelé le matin pour me dire que Me Wade risque de ne pas être accueilli, parce que Babacar Gaye est malade ; alors qu’il était la veille dans un meeting. Je suis allé accueillir Me Wade qui a été surpris par la mobilisation et il a dit toute sa fierté de ses nouveaux cadres et de la relève et qu’il prendrait ses responsabilités après les élections. Aux élections, je me suis retrouvé avec plus 1700 voix, alors que Babacar Gaye peinait à avoir 600 voix. Les urnes ont arbitré. Donc, je me suis dit que je n’avais plus ma place dans ce parti.
D’aucuns disent que vous saviez que Fada allait quitter le pds, ce qui a précipité votre départ. Que répondez-vous ?
Oui, je savais que Fada n’avait plus sa place dans le Pds. Fada a dit publiquement qu’il avait plusieurs possibilités, à savoir rester au Pds, créer son parti ou rejoindre l’Apr. Il estime qu’il ne peut pas aller à l’Apr et qu’il est exclu du Pds, mais il lui reste de créer un parti. J’estime qu’il avait une quatrième possibilité, notamment trouver un consensus avec un autre parti. J’ai d’excellents rapports avec lui ainsi que Oumar Sarr qui est un grand-frère.
Pourquoi avez vous préféré rejoindre l’Apr?
Je me disais que le réceptacle politique que je dois avoir, le parti de Macky Sall n’était pas loin. J’ai de bons rapports avec le Président et les responsables de l’Apr à Kaffrine. Donc, j’ai pensé que je pouvais assumer ma carrière politique à l’Apr. Mais qu’on comprenne que ce qui m’a fait quitter le Pds, je ne l’accepterai pas à l’Apr. Je n’aurais pas une majorité opprimée. J’ai d’ailleurs perdu beaucoup de temps dans le Pds. J’ai eu un meilleur accueil à l’Apr.
Donc, Modou Diagne Fada n’a pas pris la bonne voie…
Fada a décidé de prendre une autre trajectoire différente de la mienne en allant créer un parti. Je pense que ce n’est pas le bon chemin. Il y a beaucoup de partis politiques au Sénégal, il faut que les gens qui convergent vers les mêmes idées se retrouvent ensemble. Pour moi la création d’un parti ne fait que rendre flou le jeu politique. Si on veut se battre en politique, je pense qu’on peut le faire au sein d’un autre parti. Si Fada m’avait écouté, il n’aurait pas créé un parti. Il y a des partis proches du libéralisme, du wadisme avec lesquelles des affinités pouvaient être créées et renforcées.
Vous avez préféré transhumer que de créer un parti ?
Non, je ne parle pas de transhumance, qui est un mot galvaudé au Sénégal. En tout cas, moi, je n’ai pas migré, parce que je n’étais pas au coeur du système, mais aux alentours. Le mot transhumance ne me colle pas. Le jeu de la démocratie, c’est quitter un parti pour rejoindre un autre. Sinon, il n’y aurait jamais une alternance. Je me considère comme quelqu’un qui a changé de parti, mais pas un transhumant.
Vous êtes connu pour être un grand «wadiste» et défenseur de karim Wade. n’êtes-vous pas mal à l’aise à l’apr ?
Je me bats pour des principes. Je continue de croire que la traque des biens mal acquis est une erreur. Personne ne peut être contre la reddition des comptes. Mais nous avons des instruments pour contrôler la gestion de tout Sénégalais. On n’a pas besoin d’une cour spéciale. Une cour spéciale qui n’a pas sa place dans une démocratie moderne. La Cour des comptes et l’Inspection générale d’Etat (Ige) doivent servir à cela. Mon point de vue ne change pas.
Quels sont vos rapports avec le président Wade ?
Je n’ai pas des rapports particuliers avec lui. Nous avons que des relations de responsable et de militant. Je partais le voir pour discuter de la politique.
Quid du président macky sall ?
Nous avons de bons rapports. Lors de la campagne présidentielle, le président Macky Sall était passé me voir à Kaffrine pour me demander de rejoindre son parti. Mais j’avais refusé de le rejoindre parce que je ne pouvais pas laisser Me Wade en plein combat. Il m’avait compris.
Paraît-il que vous êtes nommé conseiller du chef de l’Etat ?
Les gens parlent de tout. Parfois, ils le font à des desseins machiavéliques. Si c’était pour un poste, je peux l’avoir avec mon profil.
Quel est l’avenir du pds à votre avis ?
C’est l’avenir sombre du Pds qui m’a fait quitter le parti. Ce n‘est pas le point de vue de Oumar Sarr. Le parti a un problème de fonctionnement. La tendance, c’est que les partis qui ont des problèmes, ce sont ceux qui refusent de bouger. Le fonctionnement de nos partis doit être revu.
Avec votre arrivée à l’Apr, n’y a-t-il pas de craintes d’une querelle de leadership dans la commune de kaffrine dirigée par le socialiste Abdoulaye Wilane ?
Nous avons battu campagne ensemble lors du référendum, comme les autres partis. Je pense que Bennoo est une excellente coalition. Le mérite politique de Macky Sall, c’est d’avoir maintenu la coalition trois ans après. Mais le maintien de cette coalition ne doit pas se faire au détriment du parti. Nous continuerons à renforcer le parti dans le Kaffrine où l’Apr dirige six communes contre deux pour le Parti socialiste. Donc, nous sommes majoritaires. Nous ne cherchons pas à écraser nos alliés, mais on va marcher séparément et frapper ensemble. Mais que chacun sache ce qu’il représente.