«JE REGRETTE D’AVOIR DEMISSIONNE»
YOUSSOU TOURE, SECRETAIRE D’ETAT CHARGE DE L’ALPHABETISATION ET DE LA PROMOTON DES LANGUES NATIONALES
Homme politique réputé pour son franc-parler, le secrétaire d’Etat Youssou Touré est un pion essentiel dans le dispositif du président Macky Sall. il revient avec «L’as» dans cette interview sur son action dans le domaine de la promotion des langues nationales, sur la crise qui a secoué le réseau des enseignants de l’apr et sur plusieurs questions d’actualité
M. le secrétaire d’Etat, pouvez-vous dresser votre bilan dans le domaine de l’alphabétisation ?
Nous avons pris en charge correctement l’attente des populations et résolu leurs besoins fondamentaux, ce qui est une première depuis les indépendances.
Nous avons remporté le prix Confucius de l’Alphabétisation et de la Promotion des langues nationales de l’Unesco. Un travail colossal a été abattu pour arriver à ce résultat. Aujourd’hui, nous avons ouvert partout à travers le pays des classes d’alphabétisation et les populations ont massivement adhéré. Et la demande est très forte en terme de prise en charge des préoccupations des populations. Je crois que cela a été une révolution. Nous sommes submergés par les demandes d’ouverture de classes d’alphabétisation. Comme Cheikh Anta Diop l’avait bien dit, aucun pays ne peut se développer sans les langues nationales. Elles doivent être un outil de développement économique et social. Si on prend correctement en charge les besoins des populations en alphabétisation, le Sénégal connaitra des avancées significatives dans la prise en charge de certaines questions.
Quels sont vos rapports avec le ministre de l’Education nationale Serigne Mbaye Thiam ?
Il est notre ministre tutelle. Il est un très bon ministre de l’Education nationale. Le ministre Serigne Mbaye Thiam nous appuie et son aide ne nous a jamais fait défaut. C’est une collaboration franche, c’est une complémentarité. Il ne peut y avoir de divergences entre le ministre de l’Education et le ministre Secrétaire d’Etat chargé de l’Alphabétisation.
il se dit que vous ne vous parlez même pas…
Oh. Dans ce pays, il y a trop de commérages. Ce n’est pas intelligent de croire que je peux ne pas travailler avec le ministre de l’Education nationale. D’ailleurs, c’est lui qui est la vraie tutelle. C’est le ministère qui nous donne ce dont nous avons besoin. Les gens qui pensent qu’on a des problèmes se trompent lourdement. Si nous étions en conflit, nous n’allions pas gagner le prix de l’Unesco.
Pourtant, vous vous êtes plaint à plusieurs reprises de la modicité de votre budget
Ce n’est pas un budget. Il est insuffisant. Nous vivons des difficultés majeures pour prendre en charge les nombreuses demandes d’ouverture de classes d’alphabétisation. Il va falloir renforcer le budget du Secrétariat d’Etat à l’Alphabétisation. C’est un secteur assez important qu’il fautsoutenir. Le ministre de l’Education nationale et le président de la République l’ont bien compris. On va rectifier. Ce n’est pas facile de faire des arbitrages parce que tous les secteurs sont prioritaires.
Comment se porte le réseau dans enseignants de l’Apr ?
Le réseau se porte très bien. Le Président Macky Sall m’en a confié la coordination depuis 2009. C’est la structure la plus dynamique du parti. Maintenant, il y a des difficultés comme dans toutes les structures ; c’est normal. En politique, il y a beaucoup d’agitation et de propagande. Dans ce pays, on confond pouvoir et argent. Et il est très facile d’accuser gratuitement quelqu’un. Mais qui connaît Youssou Touré sait que je ne suis pas obnubilé par l’argent.
A un certain moment, le premier ministre avait tenté de vous réconcilier avec Amat Suzanne Camara. Est ce que vous avez fumé le calumet de la paix ?
Mais comment nous réconcilier alors qu’il n’y a jamais eu deux parties dans le réseau des enseignants de l’Apr. Il y a eu quelques camarades qui se sont retrouvés pour dénoncer notre gestion. Cela est normal. On est en démocratie. L’essentiel est de savoir raison garder. En faisant certaines accusations (détournement d’argent, Ndlr), on fait mal au président de la République et à son équipe. Il faut faire preuve de retenue. Mais cette attitude, c’est pour les intellectuels. Lorsqu’on arrive par effraction dans le système éducatif, on ne peut avoir que cette mentalité de destructeur.
Comment gérez-vous la dotation des 5 millions du réseau ?
Non, non. On ne m’a jamais doté de 5 millions. Il faut mettre cela dans le registre des contes et légendes.
Il se dit, pourtant, que les structures de l’Apr reçoivent une subvention.
Je vous dis encore que c’est une vue de l’esprit. Nous ne gérons rien du tout. A mon niveau, je n’ai pas connaissance d’un quelconque fonds destiné au réseau des enseignants de l’Apr. On les laisse épiloguer. D’autant plus que je suis devenu une cible très facile. C’est vrai qu’il y a la dictature de l’argent dans ce pays. Sinon comment comprendre qu’un journaliste, Directeur d’une radio, parle de mon profil parce que j’avais démissionné de la coordination du réseau ?
Justement est-ce qu’il n’y a pas un problème de profil avec vous ?
Est-ce que j’ai besoin d’exposer publiquement mon Curriculum vitae ? J’ai la qualité d’instituteur, j’ai été formé un peu partout dans le monde (France, Etats- Unis). Mes formations ont été sanctionnées par des diplômes.
L’opposition accuse le président de la république d’avoir rompu le consensus, notamment sur la question des députés de la diaspora…
Ce sont des prérogatives du chef de l’Etat. Dialoguer ne veut pas dire avoir un consensus sur tout. On ne peut pas non plus dépouiller le président de la République de toutes ses prérogatives. Il faut qu’il y ait des plages de convergences parce que le pays appartient à tout le monde. Nous lançons n appel à l’opposition pour que nous puissions discuter autour de la date des législatives et aboutir à un consensus. C’est mieux que de faire dans des agitations et des discours pernicieux.
Etes-vous pour que Moustapha Niasse dirige encore la liste de la coalition bennoo bokk yakaar aux prochaines législatives ?
Moustapha Niasse a le profil pour diriger la liste de Bennoo aux législatives. Niasse a un excellent parcours politique et académique. Donc, si le Président Macky Sall l’a choisi c’est grâce aux compétences qu’il fait valoir. Le Président Niasse présente tous les atouts pour reconduire la coalition Bennoo aux prochaines législatives.
Et ceux qui pensent à l’alternance générationnelle…
Attendez. Est-ce qu’on ressent la vieillesse de Niasse dans ses discours? Il dirige l’Assemblée nationale d’une main de maître. C’est de la fixation. Le président Niasse a apporté beaucoup de changements à l’Assemblée nationale. Il a la lucidité et la pertinence pour faire en sorte qu’on se retrouve dans le travail du Parlement.
Le train express régional (ter) suscite beaucoup de controverse. L’opposition pense que le président Macky Sall est en train de servir les intérêts des Français. Quel est votre avis ?
Le Sénégal est un pays en voie de développement. Franchement l’opposition devient ridicule en dénonçant l’acquisition d’un train à grande vitesse (sic). Depuis les indépendances, nous n’avons pas eu un TER. La France est une puissance économique. Nous ne pouvons pas encore nous passer de l’aide extérieure. C’est un débat stérile. Nous sommes en retard en matière de voies de communication. C’est une avancée significative qu’il faut saluer. C’est comme si nous refusions d’entrer dans e troisième millénaire. Il faut que nous apprenions à nous approprier des nouvelles technologies pour avancer. L’opposition est ridicule, elle devrait plutôt applaudir.
L’opposition est renforcée avec la déclaration de Khalifa sall d’aller aux législatives avec sa propre liste. Qu’en pensez-vous ?
Comme disait Mao : «Que cent fleurs s’épanouissent, que cent écoles rivalisent». Mais où est le problème? Ceux qui estiment être meilleurs que le régime en place n’ont qu’à se présenter.
Pourquoi utilisez-vous la justice contre les proches de Khalifa Sall ?
C’est un débat futile. Il y a eu saccage de la Maison du Parti socialiste et une enquête a été ouverte. Il faut qu’on respecte la justice qui a fait son travail. Si demain le maire Khalifa Sall se présente à la présidentielle, nous allons applaudir. Macky Sall n’a jamais eu peur de Me Wade qui, à l’époque, était très puissant. Pourquoi avoir peur de Khalifa Sall ? Qu’il se présente et sa candidature sera acceptée et les Sénégalais vont trancher. La démocratie en sortira renforcée. Il faut qu’on arrête de distraire les Sénégalais avec ces candidatures. La présidentielle, c’est en 2019.
Vous parlez de distraire alors que le président vous demande de descendre sur le terrain
Descendre sur le terrain ne signifie pas faire de la politique, mais demander aux Sénégalais d’aller s’inscrire massivement pour obtenir les cartes d’identité et d’électeur. C’est un acte citoyen. C’est cela l’instruction du Président Sall.
En dehors du réseau des enseignants de l’APR, où se trouve votre base politique ?
Il y a une base politique et une base affective. La base politique, c’est un peu partout. Je suis devenu un citoyen de Pikine, mais je suis partout à travers le pays. Nous voulons faire du Réseau des enseignants le fer de lance du parti. D’ailleurs, je lance un appel aux camarades parce que le réseau n’appartient pas à Youssou Touré, ais au parti et au président de la République. Qu’on se donne la main et qu’on travaille à renforcer le réseau quelles que soient nos divergences. Ce qui est important, c’est de renforcer le Président Macky Sall. Que ceux qui sont frustrés reviennent.
Quand est-ce que vous allez passer le témoin ?
Le réseau est une structure politique. Il appartient au Président de renouveler les structures. Cela dépasse mes prérogatives. C’est le Président qui apprécie. Je rappelle que ce n’est pas facile d’être à la tête d’une structure d’enseignants. Combien de syndicats ont éclaté ?
Vous avez été le seul ministre qui a démissionné. Regrettez-vous d’avoir posé cet acte ?
Ecoutez, Youssou Touré ne représente rien, mais j’ai ma dignité à préserver. Lorsque ce chroniquer s’est permis de s’attaquer à ma dignité, c’est parce qu’il est le bras armé de quelqu’un. Ecoutez, j’ai regretté cet acte. Je ne triche pas. J’ai regretté cette petite séquence.