LA MAJORITE PARLEMENTAIRE IMPOSE SA LOI
Appelés à statuer sur le projet de loi N°13/2018 portant révision de la Constitution, les députés de la treizième législature ont donné leur aval à l’instauration du parrainage citoyen pour tous les candidats à la présidentielle
Appelés à statuer sur le projet de loi N°13/2018 portant révision de la Constitution, les députés de la treizième législature ont donné leur aval à l’instauration du parrainage citoyen pour tous les candidats à la présidentielle. Face à la majorité parlementaire, les députés de l’opposition ont tant soit peu tenté de retarder le vote de la loi en question. De fil en aiguille, après quelque 9h 30 mn de bisbilles avec une majorité qui a rejeté sans fortiori toutes les questions préalables soulevées pour chercher à ajourner la séance, les députés de l’opposition et les non-inscrits ont boudé la séance. La majorité parlementaire a alors adopté, sans débat, la loi sur le parrainage.
Des députés qui se bousculent. Yaya Sow, député-maire de la commune de Ribot Escale et Seydina Fall Bougazelly qui se débattent pour chercher à déloger du parloir central le député du Parti démocratique sénégalais (Pds), Toussaint Manga qui a fini d’y installer ses quartiers, le député non-inscrit de Pastef, Ousmane Sonko qui se débarrasse de sa veste pour venir rejoindre son collègue député Toussaint Manga au niveau du pupitre central, un brouhaha indescriptible dans la séance de plénière de l’Assemblée nationale, avec des parlementaires qui se chamaillent. Tel était le décor qui a prévalu hier, lors du vote de loi portant modification de la Constitution, dans le but d’introduire le parrainage pour tous. En effet, après avoir senti la pesanteur de la majorité parlementaire qui a fini de rejeter les questions préalables posées par les députés de l’opposition, notamment Aïssatou Tabara de la diaspora et Me Madické Niang, président du groupe parlementaire de l’opposition «Liberté et démocratie», visant à ajourner la séance, le député et ancien leader des Jeunesses libérales Toussaint Manga a pris d’assaut le parloir.
Ce dernier désirait prendre la parole sans l’accord du président de l’Assemblée nationale qui voulait passer au débat sur la loi. Ce qui n’a pas plu aux députés de la majorité, notamment Yaya Sow, qui a quitté aussi son siège pour essayer de lui faire quitter le pupitre. C’était sans compte avec la détermination du jeune libéral, jouant ainsi sur sa force physique, pour se maintenir au niveau de la tribune. S’en suivit alors une bousculade et un désordre indescriptible dans la salle. Pour prêter main forte à leur collègue, certains députés de l’opposition, à l’image d’Ousmane Sonko, non-inscrit, l’ont rejoint. Mieux, Ousmane Sonko s’est même dévêtu de sa veste pour venir bloquer ceux qui voulaient faire déloger Toussaint Manga. La salle était sens dessus dessous et il était impossible d’entendre ce que disaient les uns et les autres. Il a fallu l’intervention de bonnes volontés, tels le Vice-président, Abdou Mbow, son collègue parlementaire de l’Apr, Moustapha Cissé Lo, le Grand Sérigne de Dakar, Abdoulaye Makhtar Diop et bien d’autres députés, pour calmer les parlementaires de la mouvance présidentielle. De leur côté, Me Madické Niang et compagnie ont aussi demandé à leurs camarades de rejoindre leur siège et de se calmer. Advient enfin le calme qui a permis au président Moustapha Niasse de reprendre la parole pour inviter les présidents des différents groupes parlementaires, ainsi que le représentant des non-inscrits, à le rejoindre dans le salon des présidents pour des concertations, avant de suspendre la séance.
L’opposition revient à la charge pour l’ajournement du vote
A la reprise de la pause demandée par Moustapha Niasse pour consulter les présidents des deux groupes et Aïda Mbodj, représentante des non-inscrits du mois d’avril, les parlementaires opposés à cette loi de parrainage sont revenus à la charge. Tour à tour, les députés Toussaint Manga du Pds, Cheikh Bamba Dièye du Fsd/Bj, Oulimatou Guiro, Moustapha Guirassy, Aïssata Tall Sall, El Hadji Issa Sall du Pur etc. ont tenté de faire ajourner la séance. Entre autres arguments brandis par les pourfendeurs de la loi, le viol du secret du vote, l’impossibilité pour les militaires et paramilitaires de parrainer un candidat, à cause de la crainte de représailles de la hiérarchie. Il a été aussi fait cas du «forcing» du régime qui n’aurait pas dialogué sur la question, ou encore la «ruine des valeurs démocratiques» en adoptant ledit système. Dans cette diatribe contre la loi en examen, l’opposition a soulevé l’inégalité financière des partis politiques qui pourrait favoriser la corruption. Il y a aussi l’inapplicabilité de la mesure du parrainage qui été soulevée, notamment sur le plan technique, sans oublier les nombreux appels à l’apaisement et à la suspension de la loi sur le parrainage par les chefs coutumiers et religieux. Le retrait de la loi pour des discussions ente acteurs a été proposé par la mairesse de Podor, Aïssata Tall Sall, qui a précisé toutefois ne pas réclamer son annulation.
Toute chose qui, naturellement, ne trouvera pas l’assentiment des députés de la majorité. Pour répondre aux différentes questions préalables, le président Moustapha Niasse a donné la parole au président de la Commission des lois, de la décentralisation, du travail et des droits humains, Seydou Diouf. Ce dernier, qui a aussi cité les dispositions du règlement intérieur, a fait savoir qu’après la question préalable posée par Aïssatou Tabara, qui voulait l’ajournement de la séance, il n’était plus possible à un autre député de chercher le même objectif en posant des questions préalables. Ainsi donc, il a estimé que la question du député Me Madické Niang ne visait rien d’autre qu’à appuyer la demande de sa collègue. La rapporteuse, Yéya Sow, tout comme le ministre de la Justice, Ismaïla Madior Fall, se sont tous conformés à la position du président de la Commission des lois. Pour Seydou Diouf, tout le débat soulevé par l’opposition montre qu’il faut aller dans le fond des débats sur la loi, pour expliquer aux populations la teneur et le bien-fondé du parrainage. Ainsi donc, il estimera que leurs adversaires cherchent à retarder le vote, mais que dans les débats, lui et son camp exposeront le bien-fondé dudit système.
Des questions préalables pour ajourner le vote de la loi
Auparavant, les députés de l’opposition avaient tenté, à leur manière, de retarder le vote de la loi. Cela, en posant des questions préalables, afin d’obtenir des députés l’ajournement de la séance plénière. C’est en fait le député Aïssata Tabara de la diaspora qui a été la première à poser sa question. Elle invitera ses collègues à se lever et à quitter la salle, car estimant que la loi en questionest «discriminatoire». Elle s’est dit d’avis que les députés doivent écouter le peuple qui est dans la rue. Lui emboitant le pas, le président du groupe parlementaire “Liberté et démocratie“, Me Madické Niang, posera 4 arguments pour tenter d’obtenir l’ajournement. Tout d’abord, il a soutenu que le changement de la Constitution ne peut être opéré que par le peuple, selon les textes. Puis, selon lui, il faut au préalable procéder au changement de l’article 4 de la Constitution, qui ne met pas au même pied les partis politiques et les indépendants, avant d’introduire le parrainage. Autre argument soutenu par l’ancien ministre libéral, l’analphabétisme d’au moins 60% des Sénégalais. Pour lui, «comment peut-on demander à des Sénégalais qui ne savent ni lire ni écrire, de signer pour parrainer un candidat ?» Dans le même sillage, il fait noter que sur la numérotation des projets de loi, le président de la République a d’abord adopté la loi électorale, avant d’en faire de la loi constitutionnelle. Ce qui serait une erreur, dans la mesure où il fallait procéder d’abord au vote de la modification de la Constitution, avant de toucher la loi électorale. Autant de faits qui lui ont fait dire que «s’il y a injustice, il y a la main de Dieu pour la réparer», avant de réclamer l’’ajournement de la séance.