LE FONDS D'AIDE A LA PRESSE N'A JAMAIS ETE SUPPRIME
Mbagnick Ndiaye, ministre de la culture
Le ministre de la Culture et de la Communication tire un bilan « très » positif de la 9ème édition du Festival national des arts et cultures (Fesnac) tenue à Kolda. Mbagnick Ndiaye, qui croit fortement à la place de la culture dans le développement durable et la promotion du tourisme, se félicite de la mobilisation des populations du Fouladou durant toute la durée du Festival. Dans cet entretien, le ministre est largement revenu sur les grands axes de sa politique culturelle en 2017, l’appui aux médias publics, le projet du Code de la presse... Il s’est aussi prononcé sur le Fonds d’aide à la presse qui, à l’en croire, n’a jamais été suspendu. Selon lui, seules les entreprises de presse qui vont remplir les conditions d’éligibilité bénéficieront de ce fonds.
Quel bilan peut-on tirer de cette 9ème édition du Festival national des arts et cultures (Fesnac) qui vient de s’achever à Kolda ?
Je pense que le bilan est très positif, car c’est toute la population de Kolda qui est sortie pour accueillir cette édition 2016. Après la relance à Kaolack en 2015 du Festival national des arts et cultures, Kolda et Louga s’étaient manifestés pour l’organisation de ce Fesnac. En venant ouvrir le Festi-Kolda, l’année dernière, les populations du Fouladou, y compris le maire et le gouverneur, se sont mobilisées pour solliciter de l’Etat d’accueillir la 9ème édition.
Cette année, le Fesnac s’est bien déroulé avec une forte participation de la population à la tête de laquelle le maire et les autorités locales. Ce fut une participation populaire et extrêmement riche. Le colloque sur le thème « Patrimoine culturel, tourisme et développement durable » a été une occasion pour les panelistes de revenir largement sur l’apport de la culture dans le développement local, la protection de l’environnement mais également la promotion du tourisme. Ce riche débat a permis aux uns et autres de s’exprimer et au ministre de l’Environnement, qui est le maire de Kolda, de faire une exposition sur les sites qui sont classés au Patrimoine mondial de l’Unesco, notamment le Parc national de Niokolo Koba, le Delta du Saloum ou le parc de Djoudj. Je pense véritablement qu’avec une certaine stratégie, nous pouvons développer le tourisme environnemental.
Nous avons aussi procédé à la restitution du recensement de 375 éléments du patrimoine national immatériel. Lesquels peuvent constituer un élément du tourisme culturel. Nous sommes en train d’affiner ces éléments du patrimoine afin que nous arrivions à stabiliser une liste du patrimoine qui sera codifié. Enfin, un arrêté sera pris pour faire en sorte que ce patrimoine puisse être préservé.
Les compétitions artistiques de cette édition ont été extrêmement serrées. Elles nous ont tout de même permis d’avoir les expressions culturelles des terroirs. Par exemple, la région de Diourbel est venue avec l’expression mouride. Louga a montré sa traditionnelle prestation. Bref, ce sont des moments extrêmement forts que nous avons vécus… Plus de 800 festivaliers sont venus des différentes régions.
Cette édition vous donne-t-elle raison après la volonté d’organiser tous les ans le Fesnac ?
A mon avis, ce fut vraiment une réussite. Kolda a relevé le défi. Nous avions raison de dire qu’il faut annualiser le Festival. En tant qu’acteur culturel, je pense que l’annualisation de cet événement permettra de relancer un peu la place du Sénégal dans le cadre de ces grandes manifestations. Nous organiserons mieux lors de la prochaine édition. Les régions limitrophes seront invitées. Cette année, on a voulu inviter la Gambie et la Guinée-Bissau mais compte tenu des problèmes de sécurité, les délégations de ces pays n’ont pas pu faire le déplacement.
Pendant le colloque du Festival, il a beaucoup été question de la place de la culture dans le développement du tourisme…
Le chef de l’Etat le dit : Ce n’est plus le tourisme balnéaire qui intéresse les gens. Il nous faut une autre mentalité, une autre vision du tourisme. A Paris, c’est par exemple le patrimoine qui intéresse les touristes avec le château de Versailles, la Tour Eiffel. Au Sénégal, nous avons des parcs naturels, des sites du patrimoine culturel et religieux avec Touba, Tivaoune, Ndiassane… qui peuvent intéresser les touristes. A travers la culture, on peut développer le tourisme. Je pense que c’est vers cette orientation qu’il faut tendre.
Je suis sûr que le Fesnac sera connu d’ici deux ou trois ans par les touristes. Il en est de même pour le Festival des minorités de Badafassi, le Fespop de Louga. Le Festival des ondes de Bakel mobilise tous les Soninké de la Diaspora qui, en revenant au Sénégal, viennent avec leurs amis français. Les activités culturelles doivent être des éléments pour booster le tourisme. D’ailleurs, c’est pourquoi dans l’agenda culturel et touristique, on a ciblé de très grandes manifestations qu’on va essayer de « vendre » au niveau des ambassades et des tour-operators.
Le budget de votre département a été récemment adopté par les parlementaires. Quels seront les grands axes sur lesquels vous allez travailler cette année ?
Cette année, nous allons mettre l’accent sur le patrimoine. Notre budget est passé de 12 à 27 milliards de FCfa, soit une augmentation de plus de 83%. Dans ce budget, l’édition est passée du simple au double. Le chef de l’Etat accorde une importance capitale aux livres et à la lecture. Il a donné des instructions afin que la rubrique consacrée à l’édition puisse être augmentée. Il s’agit également d’une requête des éditeurs et des écrivains comme le doyen Alioune Badara Bèye à qui nous rendons un hommage particulier.
Le nouveau Fonds dédié aux cultures urbaines a été inscrit dans le budget de cette année. A cela, s’ajoute le projet du Mémorial du bateau « Le Joola », dont le naufrage constitue l’une des plus grandes catastrophes maritimes au monde. Le processus a été entamé et nous avons discuté avec les associations et parents des victimes du bateau « Le Joola », l’autorité locale, en l’occurrence le gouverneur. Un terrain a été trouvé pour la construction de ce mémorial dont le coût s’élève à 1,2 milliard de FCfa. Dans le budget de 2017, 700 millions de FCfa ont été déjà dégagés.
L’autre grand projet concerne le Mémorial de Gorée. Il s’agit d’un vieux projet qui date de l’époque du président Senghor. Cette année, le président de la République a décidé de mettre dans ce projet, au moins, 5 milliards de FCfa.
La réhabilitation des sites du patrimoine culturel et religieux constitue aussi un des axes sur lesquels nous allons travailler. Sur le patrimoine religieux, un certain nombre de sites ont été identifiés. Nous allons construire le Musée de la Tarikha tidiane et celui du Mouridisme. C’est une manière pour nous de s’intéresser sur tout ce qui tourne autour de la culture religieuse. Le patrimoine matériel disséminé un peu partout à travers le pays ne sera pas aussi en reste. En dehors de cela, nous avons les rubriques traditionnelles budgétaires que nous essayerons d’améliorer, notamment le fonctionnement des services régionaux et centraux.
Où en êtes-vous avec l’adoption du Code de la presse ?
Nous avons envoyé le projet au gouvernement. Pour rappel, ce Code a été d’abord envoyé à l’Assemblée nationale qui a fait des observations. Ensuite, il y a eu des discussions avec les Associations de la presse, les parlementaires. Un séminaire auquel ont pris part les parties prenantes, les anciens ministres en charge de la Communication, des présidents de groupes parlementaires, des experts, des juristes, et qui a eu lieu en septembre 2016, à Saly. Une petite commission a été mise en place, par la suite, pour remettre tout cela en ordre. Ce document sera envoyé au gouvernement avant son adoption. Au niveau technique, tout a été fait. Maintenant, il reste le niveau politique et l’adoption du Code.
Le président de la République a récemment fait part de sa sensibilité par rapport à l’appui aux médias publics de l’information…
Le chef de l’Etat s’intéresse au fonctionnement des médias publics parce que ce sont des médias qui ont été mis en place par des structures étatiques. Que ce soit l’Aps, la Rts ou « le Soleil », il est normal que nous prêtions une attention particulièrement aux fonctionnements et aux conditions de travail et d’équipements de ces structures. Le président de la République est en train de prendre des dispositions nécessaires afin que la situation que vivent ces structures puisse changer.
Un fait d’actualité qui a suscité beaucoup de polémiques, c’est la suspension du Fonds d’aide à la presse. Pourquoi une telle décision ?
Les gens interprètent mal, très mal mes propos. Et je pense que c’est fait à dessein. Personnellement, j’ai dit tant que je n’avais pas des orientations de la Cour des comptes, je ne pouvais pas distribuer l’aide à la presse comme cela se faisait. Mais dans la mesure où j’ai des directives et des orientations de la Cour des comptes, je vais les appliquer.
Ces orientations indiquent clairement un certain nombre de critères à respecter pour pouvoir bénéficier de ce fonds. Tous les organes de presse qui vont respecter ces critères seront éligibles. Maintenant, tous ceux qui ne respecteront pas cela, je ne prendrai pas la responsabilité de leur donner quoi que ce soit parce que c’est moi qui vais être inquiété après s’il y a inspection.
Cela veut dire que l’aide à la presse est bien maintenue ?
L’aide à la presse n’a jamais été supprimée. C’est 700 millions de FCfa. Quand on va lancer cette aide, les gens vont postuler. Ceux qui remplissent toutes les conditions vont en bénéficier.
A quand l’inauguration du Musée des civilisations noires ?
Les travaux sont terminés. C’est l’une des plus belles infrastructures du Sénégal. Le chef de l’Etat nous a instruit de faire en sorte qu’il soit opérationnel. Nous avons discuté avec des Musées en Egypte qui vont nous prêter des objets. Nous avons été au Quai Branly récemment où nous avons signé un protocole de partenariat et d’assistance. Une conférence de préfiguration a eu lieu, il y a quelques mois, pour faire le point sur l’orientation qu’on va donner au Musée. L’inauguration aura lieu vers le mois de mai 2017.
Monument de la Renaissance africaine, Musée des civilisations, Maison de la presse… Où en êtes-vous par rapport au statut de ces établissements construits par l’Etat du Sénégal ?
Les statuts sont en phase de finalisation. Pour le Musée des civilisations, le statut est apparu. Nous avons déjà nommé le directeur général, en l’occurrence Hamady Bocoum ainsi que le président du conseil d’administration, Ousmane Huchard Sow, un secrétaire général, Mor Seck. Le ministre de l’Economique et des Finances a nommé aussi un agent comptable. Donc les structures se mettent vraiment en place. Par rapport à la Maison de la presse, le dossier est en phase de finalisation. Il sera adopté dans les premiers conseils des ministres de 2017.
Toutefois, le statut du Théâtre national Daniel Sorano sera révisé parce que c’était un établissement à caractère industriel et administratif. Nous allons en faire un établissement public à caractère industriel et commercial. Maintenant, pour la Place du souvenir, le Monument de la renaissance, je pense qu’ils peuvent être encore des services rattachés. Il ne faut pas démultiplier les établissements publics qui ne peuvent se prendre en charge.
Votre ministère a fait preuve d’une grande sensibilité par rapport à la situation sociale des artistes, en les aidant à mettre en place une mutuelle de santé. Quel a été la suite ?
Notre rôle au niveau du ministère, c’était d’inciter les artistes à avoir une mutuelle de santé. Nous les avons aidés et appuyés à travers la mise en place des structures qui ont sillonné le pays pour sensibiliser les acteurs. Les structures ont été mises en place, il y a un conseil d’administration, des commissions.
D’ailleurs, nous avons débloqué 35 millions de FCfa pour les accompagner. Maintenant, c’est à eux de faire fonctionner la structure. Cette mutuelle est encadrée par l’agence de la Couverture maladie universelle. Les acteurs culturels finissent souvent difficilement leur vie. Ils ont des problèmes pour payer leurs ordonnances. Pourtant ce sont de grandes vedettes qui drainent beaucoup de monde lors de leur prestation. Je pense qu’avec la mutuelle, on pourra enfin trouver une solution.