«LE PRESIDENT MACKY SALL S’EST BARRICADE»
HAMADY DIENG, MEMBRE DU DIRECTOIRE NATIONAL DE L’APR :
Hamady Dieng est de ceux qui disent très haut ce que beaucoup de gens pensent tout bas. Membre de l’Alliance pour la république (Apr) et proche du chef de l’Etat, Hamady Dieng, par ailleurs, Directeur des constructions au ministère de l’Intérieur et non moins coordonnateur de la rampe (rencontre des acteurs et mouvements pour l’émergence), est d’avis que la démarche adoptée pour les investitures à Benno Bok Yakaar pour les investitures n’était pas la meilleure. Aussi, conseille-t-il à Macky Sall de prendre au sérieux les menaces de votes-sanctions et de boycott des nombreux frustrés. Entretien.
L’As : Quelles sont les réelles causes des troubles constatés dans Benno Bokk Yakaar depuis la publication des listes ?
HAMADY DIENG : Les situations post-investitures sont toujours des moments troubles. Il y a trois phases dans des investitures. La phase avant, la phase investitures et celle post investitures. En son temps, j’avais interpellé le Président Macky Sall pour lui demander de beaucoup communiquer en amont. Il fallait parler aux responsables et aux militants, mais aussi parler avec les alliés des formats qu’on aura choisis. Il fallait surtout être ouvert, ne pas s’enfermer. Et le constat que j’ai fait, c’est que les responsables ne sont pas restés ouverts par rapport aux autres et aux militants. Je veux parler du Président Macky Sall et tous ceux qui l’entourent. L’option qui a été prise par Macky Sall, c’est de dire aux gens d’aller se retrouver dans leurs départements et communes respectifs et de choisir. Et ensuite, Macky Sall s’est barricadé, ça a posé un problème. Je pense que ce n’était pas la meilleure formule. Il fallait être ouvert, recevoir les gens et discuter avec eux, parce qu’on savait quelles étaient les poches de résistances et où se trouveraient les difficultés.
Quelle était la bonne démarche ?
Je ne suis pas non plus de ceuxlà qui pensent qu’il fallait tout laisser au Président Macky Sall. En politique, il faut refuser d’être le chef et le fusible en même temps. Il fallait faire des choix. Et qui choisit élimine. Aujourd’hui, on peut rejeter ce qui a été fait, mais quelque part il y avait une unanimité derrière le Président et qui était d’accord avec tout choix qu’il aura fait. C’était facile à dire, mais pas facile à accepter. Maintenant, il ne faut pas s’affoler, il faut rester serein. Au Sénégal, on dramatise des choses qui sont très loin de constituer des drames. Il n’y a pas péril en la demeure. Le malheur de Macky Sall c’est que son parti n’est pas organisé. Et quand on est dans un parti inorganisé, et qu’on fait des investitures dans des conditions d’un parti inorganisé, les résultats ne peuvent être que celles qu’on est en train de vivre. Il faut que Macky Sall pense à organiser l’Apr. Je n’ai jamais été d’accord que Macky Sall assume seul ces investitures et je le lui ai dit. C’est vrai qu’il a choisi une autre formule en se rabattant sur le collège des leaders de Benno Bokk Yakaar, mais cela n’a pas été suffisant parce que la contestation est venue de là. Il y a un problème d’organisation aussi bien à l’Apr qu’au sein de la coalition Benno Bokk Yakaar.
Le divorce semble inévitable entre l’Apr et certains de ses alliés mécontents de ces investitures. Qu’en pensezvous ?
Je pense qu’il n’est écrit nulle part qu’il va y avoir de divorce entre l’Alliance pour la République et ses alliés. Maintenant, il est vrai qu’il existe des divergences et des contestations un peu partout. C’est ce que nous appelons des contradictions au niveau de notre coalition. Il ne s’agit pas non plus de contradictions antagoniques. C’est lorsqu’une contradiction devient antagonique qu’elle peut entraîner une rupture. Mais là, il s’agit de difficultés que nous rencontrons et que le Président Macky Sall et les responsables des formations politiques alliées de Benno Bokk Yakaar sont en train de solutionner. Donc parler de rupture c’est aller trop vite en besogne. Que ce soit l’Afp, le Ps ou encore l’Urd, les gens reviendront forcément à la raison.
Pensez-vous que l’Apr peut triompher sans ses alliés?
Je vous répondrai que même si l’Apr peut triompher sans ses alliés, ce n’est pas notre option, ce n’est pas celle du Président Macky Sall. Je suis un mathématicien, par conséquent je ne connais que la science exacte. Je ne peux pas extrapoler. On peut gagner sans eux, ou on ne peut pas gagner sans nos alliés, c’est très relatif. Nous n’avons pas des statistiques qui peuvent nous permettre de savoir le poids électoral de l’Apr ni celui de ses alliés. C’est dans le sens de gagner avec nos alliés que nous travaillons depuis cinq ans. Je vous rappelle que Benno Bokk Yakaar reste la coalition qui a la plus longue durée de vie de toute l’histoire politique du Sénégal. Ces contradictions existent au sein même de l’Apr, donc c’est normal qu’elles soient aussi constatées au niveau de la coalition Benno Bokk Yakaar.
Que pensez-vous des nombreuses menaces de votes sanctions et de boycott ?
Macky Sall doit prendre très au sérieux ces menaces. D’ailleurs, je m’étais ouvert au Président Macky Sall, par rapport à cela pour lui dire qu’il fallait faire très attention. J’ai posé une question qui est restée sans réponse jusqu’à présent. C’était de savoir quel est le rapport entre listes parallèles et votes sanctions ? J’ai fait une analyse personnelle. J’ignore si elle est valable ou scientifiquement acceptable. Une liste parallèle comprend des gens engagés à ne pas voter pour nous, mais pas pour l’opposition non plus. Alors que celui ou ceux qui font un vote sanction votent contre nous, donc pour nos adversaires. Là, dans le premier schéma, pour l’option de la liste parallèle c’est ‘’moins-moins’’, tandis pour le vote sanction, c’est moins pour nous et plus pour nos adversaires. Le vote sanction est un danger pour Macky Sall et sa coalition. Je préfère les listes parallèles pour que nos frustrés aillent recueillir quelque chose pour nous pour nous le reverser, que leurs votes en faveur de l’opposition.