VIT-ON UN MOMENT FASCISTE EN OCCIDENT?
EXCLUSIF SENEPLUS - Où va l'Europe… s'effondre-t-elle ? Le Musulman est-il devenu l'ennemi ? Trump, une réponse à la crise identitaire ? De Mandela à Obama, quel espoir pour l'Homme Noir ? ÉDITO-INTERVIEW
SenePlus.Com - La droite extrême pour ne pas dire l’extrême-droite tout court, semble avoir le vent en poupe actuellement dans les démocraties occidentales. Après le Brexit, on a assisté aux Etats-Unis à la victoire de Donald Trump, ensuite nous eu la victoire de Fillon aux primaires de droite en France, puis le triomphe du "non" au référendum italien, et l'extrême droite a failli arriver au pouvoir en Hollande. Le Front National de Marine Le Pen est devenu le premier parti politique de France. Selon toi Ousmane, que se passe-t-il en Occident?
Ousmane Blondin Diop - Vaste question ! Mais tentons une explication. Au sortir de la seconde guerre mondiale , les Etats –Unis et les pays européens , grands vainqueurs du conflit décident de ne plus se faire la guerre entre démocraties européennes et décident, pour ce faire , d’ordonner le monde en deux grands blocs : le monde libre et le bloc communiste. La cohabitation entre ces deux blocs ouvre la période de la guerre froide durant laquelle s’opposeront à l’échelle de la planète deux idéologies majeures. Les deux camps vont se livrer une rude concurrence pour faire régner leurs idéaux respectifs.
Ces deux stratégies visaient, pour l’une, l’établissement du système capitaliste par l’entreprise privée et dans un cadre démocratique et pour l’autre la révolution socialiste et le contrôle des moyens de production par les peuples eux-mêmes.
Le conflit idéologique était non seulement clair mais surtout profond. Les Etats-Unis, à eux seuls, détenaient les moyens économiques et militaires pour assurer la défense du monde non-communiste.
Tandis que l’Urss était une superpuissance militaire mais très faible économiquement. Mais son influence idéologique était inversement proportionnelle à son poids économique. . La pensée marxiste–léniniste et le maoïsme avaient conquis depuis le 19è siècle des générations successives de penseurs, de militants syndicaux et d’ouvriers qui continuaient à œuvrer à l’avènement du "grand soir" révolutionnaire qui abattrait définitivement le capitalisme et l’impérialisme.
L’Occident (notion discutable au demeurant) se complaira dans cet équilibre de la terreur, sûr de sa suprématie économique et de l’attractivité de son modèle de société démocratique qui permettait jusqu’à la révolte de sa propre jeunesse contre le système capitaliste et le système communiste à la fois.
SenePlus.Com - Oui Ousmane, au point d'entendre en 1968 cette jeunesse en Occident s'exclamer : "Il est interdit d'interdire", ou considérer que le jet de pierres sur les forces de l'ordre était approprié pour se révolter et crier : "Sous les pavés la plage". Tu sembles dire que cette période est charnière...
Ousmane Blondin Diop - Oui tout à fait. Mai 68 provoquera une secousse dont l’ampleur affectera les fondements des sociétés et des idéologies prônées par les deux blocs.
La fin de la guerre froide annonce le déclin du monde communiste, en particulier celui de l'Union soviétique qui va se traduire par la disparition d’une opposition à la domination capitaliste. Un nouvel ordre mondial est annoncé et se présente comme une promesse de bonheur pour tous dans une communauté de destin aux accents démocratiques et de liberté. Il est désormais admis presque partout dans le monde que les valeurs démocratiques et de libertés sont le seul moteur du futur et non plus celles du Manifeste du Parti Communiste…
C’est dans ce contexte qu’est publié en 1996 l’ouvrage de Samuel Huntington sur "Le choc des civilisations" qui décrit un monde inévitablement compartimenté en huit aires civilisationnelles et que le moteur des conflits est désormais culturel et religieux et non plus idéologique. Ce scénario oppose ainsi l’Occident, qui serait en déclin moral après la fin de la guerre froide et les autres. Ce faisant, l’auteur pose le choc des civilisations comme l’ enjeu propre de la mondialisation. D’aucuns diront que Huntington adressait surtout un avertissement aux dirigeants du monde plutôt qu’une prédiction !
En tout état de cause, à la faveur des conflits du Proche Orient et de l’intervention en Afghanistan va apparaître un courant de pensée issu de divers milieux, y compris d’ex-maoistes, qui se transforme en un vaste mouvement de contre-révolution conservatrice fondé sur le rejet symptomatique de Mai 68 et la défense d’un Occident chrétien et juif que menaceraient le péril islamiste et ses supposés complices progressistes héritiers du tiers-mondisme des années 70.
L’événement majeur du 11 Septembre viendra légitimer cette approche civilisationnelle du nouvel ordre mondial avec une parole libérée de tout frein, ou barrière pour dire tout à haute voix, en particulier sur Internet qui servira de déversoir à un mouvement de déchainement collectif sans précédent. Tout cela articulé sur les conflits du monde arabo-musulman, (Irak, Pakistan, conflit israélo-palestinien, etc. Un nouvel antisémitisme va surgir à son tour et exploiter leur impact réel sur les minorités musulmanes vivant en Europe , en particulier en France.
SenePlus.Com - L'attaque du 11 Septembre elle aussi marque un tournant historique. Irais-tu jusqu'à dire que l'Occident fait face à un nouvel ennemi?
Ousmane Blondin Diop - N’ayant plus d’opposant extérieur à combattre , l’Occident va se construire et désigner des ennemis intérieurs, en l’occurrence les musulmans, les maghrébins , les africains , les jeunes des banlieues.
Ce phénomène n’est pas sans rappeler les méthodes employées par des mouvements populistes et/ou de droite durant les années 1930 pour secrètement stigmatiser les juifs d’Europe rendus coupables de la misère des plus pauvres et les réprimer publiquement ensuite.
L’extrême droite européenne s’est ainsi construite depuis une bonne vingtaine d’années sur l’hostilité par rapport aux musulmans, ou à ce qu’elle nomme l’islamisme.
Le problème réside dans cette attitude contradictoire de l’Occident qui invite à une civilisation universelle autour de valeurs de libertés et de communauté de destin mais la refuse à d’autres citoyens du monde qui ne seraient pas ses doubles ontogénétiques.
En vérité , l’Occident se trompe d’ennemi et se contente de trouver un bouc émissaire aux crises qui secouent ses sociétés de l’intérieur.
SenePlus.Com - La crise identitaire dans le monde occidental trouverait ainsi ses racines dans les fissures profondes de son modèle capitaliste globalisé parce que, entre autres, celui-ci a produit une fulgurante poussée de l'automatisation qui a complètement bouleverser les rapports au marché du travail et de ce fait, les rapports au sein même des sociétés industrialisées...
Ousmane Blondin Diop - L’Occident fait face au défi du capitalisme mondialisé qui est devenu anthropophage et produit des effets nocifs et inattendus. De même que les ingénieurs ont inventé des machines pour faire la guerre avec le moins de pertes possibles en vies humaines, aujourd’hui le capitalisme informatique, en passe de devenir le plus puissant du monde, est sur le point, grâce à l’intelligence artificielle, de créer des marchandises avec le moins de main-d’œuvre possible. Comment dans ces conditions prôner le principe de libre circulation des marchandises sans libre circulation de ceux qui les produisent ?
L’enjeu est de taille pour l’Occident qui ne pourra plus longtemps esquiver le débat sur le libéralisme en tant qu’art de gouverner le monde, pour reprendre la formule de Michel Foucault. Tous ceux qui ont soutenu les discours civilisationnels de suprématie européenne ou blanche pourraient mettre leurs talents au service de l’invention d’un nouvel ordre mondial en s’attaquant à une réforme du capitalisme actuel qui conduit à une prolétarisation générale du monde au-delà des continents américain et européen.
Les dirigeants politiques occidentaux devraient, eux aussi, emprunter le chemin de la défense des classes populaires en refusant de passer pour "les fondés de pouvoir du capital" et s’ils veulent éviter le retour déjà perceptible de l’idée communiste.
SenePlus.Com - Et l'Autre devient l'ennemi... La "peur de l'autre" n'est-elle pas à la base de tous les conflits? En ce début de siècle, c'est qui l'Autre ? Le siècle dernier c'était le juif, le communiste, en Europe, et aujourd'hui est-ce le musulman, l'Arabe ou même le noir ou aux USA, le latino?
Ousmane Blondin Diop - C'est sûr que se pose la délicate question du "vivre ensemble" au sein des sociétés occidentales contemporaines. Le marqueur principal de l’Occident est sans conteste l’hétérophobie, le rejet de l’Autre et de l’Etranger. Or, la machine capitaliste qui n’est jamais stable va de crise en crise et a toujours besoin d’une main d’œuvre soumise, donc de préférence sans droit. Les migrants illégaux répondent à merveille à ces deux conditions.
Comment dès lors, laisser prospérer un discours d’exclusion envers des communautés de travailleurs qui contribuent de manière significative à l’enrichissement du pays qui les accueille. Le débat sur la diversité est devenu légitime et les sociétés occidentales de type marchand vont se trouver à court terme confrontées à l’enjeu communautariste au sens où il leur faudra admettre que jamais "on ne les forcera à être des occidentaux comme nous" et à organiser, en conséquence, en démocratie représentative.
Dans un contexte de métissage biologique bien avancé au sein des jeunes générations, il devient urgent de sous-tendre les évolutions en cours par un discours et un dispositif intellectuels de disqualification de toute perspective "de nation pure" et de prôner que les gens peuvent vivre ensemble plutôt que de considérer qu’ils ne le peuvent pas.
Aujourd’hui, l’Occident souffre d’un déficit de voix fortes porteuses d’une parole et d’une démarche non plus de fermeture à l’Autre mais de reconnaissance d’une nécessaire cohabitation d’identités multiples avec droit de cité, ici et ailleurs. Faute de quoi, il ne sera pas possible de faire baisser les tensions extrêmes qui traversent les sociétés occidentales en ce moment.
SenePlus.Com - Sommes-nous en présence de ce que l'on pourrait appeler "un moment fasciste" qui menace l'Amérique mais aussi l'Europe? Penses-tu que Donald Trump pourrait être un facteur de déstabilisation de l'Amérique et du reste du monde?
Ousmane Blondin Diop - Fasciste serait trop dire, mais populiste, sans aucun doute. Et tu peux observer que le courant populiste n’est pas le monopole de la droite traditionnelle de l’Europe de l’Ouest mais a gagné la majorité des pays de l’Ex –bloc communiste. Et, ironie de l’histoire, après avoir tout mis en oeuvre pour intégrer l’Union Européenne , ils sont aujourd’hui les premiers à la critiquer avec les mêmes arguments que la vieille droite des pays libéraux ! Non seulement ils manient les thématiques anti- commission européenne mais ils n’hésitent pas à tenir des propos ouvertement xénophobes ou antisémites. Ce sont des populistes décomplexés.
Cette montée de formations populistes dans les pays d’Europe centrale et orientale a pris une telle importance qu’elle est parvenue à déstabiliser les pouvoirs en place.
Ces partis politiques ont des points communs avec les thèses soutenues par Trump, en particulier un nationalisme étroit, la défense des intérêts nationaux face aux accords commerciaux mondiaux ou régionaux, les mesures protectionnistes en faveur des petits exploitants, etc .
Donald Trump est déroutant, imprévisible et donc inquiétant parce que tout le monde s’attendait à ce qu’il tempère ses excès de pensée et de comportement mais on assiste à tout le contraire, comme récemment avec ce manque de civilité choquant à l’endroit de la Chancelière allemande, Madame Angela Merkel.
Il faut espérer que les institutions américaines parviendront à corriger et ajuster les prises de position de Monsieur Trump avant qu’il ne détériore de façon irréparable les rapports de l’Amérique avec le reste du monde. Mais si Trump persiste dans cette ligne, il va affaiblir l’Amérique au lieu de la renforcer. Et, plus grave encore, il va dégrader le pouvoir d’attraction de l’Amérique, son "soft power" qui a inspiré tant de peuples, de générations et de dirigeants dans le monde entier.
SenePlus.Com - "America First" dit Trump. Le reste du monde ne semble pas être sa préoccupation première...
Ousmane Blondin Diop - L’establishment doit lui ouvrir les yeux sur les nouveaux rapports de force dans le monde d’aujourd’hui marqué par l’apparition de nouvelles puissances telles que la Chine, l’Inde, l’Iran,la Corée du Nord, la Russie et l’Europe qui sont autant de contrepoids au leadership américain largement basé depuis 1945 sur sa surpuissance militaire. Par exemple, la Chine détient à elle seule plus de 700 milliards de bons du trésor américains. On imagine mal qu’un tel pays puisse être traité sans égard, ou ignoré d’un simple revers de main. La mondialisation a profondément modifié l’ordre mondial économique et fait émerger de nouveaux acteurs devenus de sérieux concurrents.
On a du mal à comprendre la stratégie de Trump qui se retire des grands arrangements mondiaux au moment où les puissances intermédiaires comme la Chine consolident leur présence en créant la Banque pour l’investissement et les infrastructures en Asie, ou relance la nouvelle Route de la Soie pour renforcer les liens commerciaux entre la Chine, l’Europe et le Moyen Orient.
Oui ! De ce point de vue Donald Trump déstabilise l’Amérique par une vision particulièrement étroite des enjeux internationaux. Sa récente décision d’augmenter substantiellement le budget de la défense semble constituer une nouvelle donne dans un flux de décisions souvent difficiles à interpréter. Il faut espérer que cette mesure s’inscrit dans une logique autre que la seule lutte contre le terrorisme islamiste qui ne se combat pas avec des moyens conventionnels.
SenePlus.Com - Et pourtant nombreux sont ceux qui pensaient que les institutions politiques américaines étaient suffisamment fortes pour ne pas permettre l'apparition d'aventuriers du genre Trump. Quel est ton sentiment?
Ousmane Blondin Diop - Mon opinion est que tout le monde a sous-estimé le sentiment de frustration de l’américain moyen blanc face au déclin ou du moins à l’image d’une Amérique diminuée , notamment suite à son échec en Irak.
A ce "mal vécu" , il faut ajouter une dimension sociétale marquée par une tendance libertaire prononcée dont le symbole a été l’octroi de droits aux fameux LGBT (lesbiennes, gay, bi and transsexuels). Cela a produit dans les milieux populaires un sentiment de "dévirilisation" et la résurgence de réactions d’hostilité épidermique contre les élites, notamment démocrates, dont la Californie et la Côte Est sont les régions symboles. Le chômage, la baisse des revenus et les crises sociales s’y sont ajoutés et installé un climat de morosité sourde qui n’attendait que les prochains scrutins pour s’exprimer.
SenePlus.Com - Comment expliques-tu que la fameuse "coalition des minorités", celle qui a élu Obama (femmes, noirs, latinos, asiatiques, gays, etc) ne se soit pas mobilisée pour barrer la route à Trump?
Ousmane Blondin Diop - Mon hypothèse est que l’Amérique est sortie de sa vieille division raciale opposant Blancs et Noirs pour intégrer de nouvelles minorités (hispanique et asiatique). La mondialisation aidant, les contours de toutes ces minorités sont devenues beaucoup plus flous et donc moins perceptibles en termes électoraux et d’influence. C’est ce qui fait que nombre d’analystes ont surestimé le poids des minorités traditionnelles au détriment de la nouvelle mosaïque de peuplements américaine dont ils n’ont pas su ou pu évaluer ni la dynamique ni le poids électoral.
SenePlus.Com - Ne penses-tu pas qu'aux Etats-Unis comme dans pratiquement tous les pays de la planète, la dernière frontière des discriminations soit celle liée aux femmes? Hillary Clinton n'a-t-elle pas perdu parce qu'elle était tout simplement une femme dans un pays où la religion a une forte emprise?
Ousmane Blondin Diop - Selon moi, cela a certainement joué auprès de l’électorat républicain plutôt "macho" de la classe moyenne mais ce n’est pas suffisant. Elle a surtout servi d’exutoire, à son corps défendant, à toutes les frustrations des victimes de la crise et du sentiment de déclassement de l’Amérique. De surcroît, elle a été perçue comme la candidate des milieux d’affaires, contrairement à son rival démocrate Bernie Sanders. Pour toutes ces raisons, elle n’a pas pu rassembler tout l’électorat démocrate ni gagner des parts suffisantes de l’électorat flottant .
SenePlus.Com - Plusieurs mois après le départ d'Obama de la Maison blanche, quelle est sa plus grande marque sur l'histoire?
Ousmane Blondin Diop - Ce serait présomptueux de dire, quelques mois à peine après son départ de la Maison Blanche, quelle est l’empreinte principale d'Obama sur l’Histoire, avec un grand "H".
Au regard de la place de l’Amérique dans les relations internationales, Obama a opéré un virage historique, précisément, en renonçant volontairement d’assurer seul la sécurité mondiale. Il a pris l’option d’associer les alliés de l’Amérique dans toutes les interventions militaires. Cela a été mal compris par le peuple américain qui s’était habitué à faire la guerre au nom de la liberté pour sauver d’autres peuples du communisme ou de régimes non démocratiques.
Après le 11 septembre, il était devenu évident qu’une redistribution des cartes à l’échelle planétaire s’imposait au plan sécuritaire comme aux plans économique, financier ,commercial, et diplomatique. C’est ainsi qu’à la faveur de ce changement spectaculaire de stratégie, d’anciens rivaux de l’Amérique sont devenus des partenaires, comme la Chine, et cela a contribué à réaffirmer le leadership américain dans le traitement des crises internationales. Comme l’a résumé Noam Chomsky par une image parlante : "Obama en avait marre d’une Amérique qui passait son temps à casser la gueule à tous ceux qui étaient contre elle". Obama aura ainsi incontestablement contribué à réconcilier l'Amérique avec le reste du monde.
La seconde marque que je vois concerne la gestion des communautés et minorités qui composent la nation américaine. Obama a déplacé le curseur du niveau racial pour le placer sur le terrain des inégalités économiques et sociales. Du coup, la nature du débat et la recherche de solutions en ont été profondément transformées. L’Ambassadeur d'Obama auprès de l’Unesco me faisait remarquer que depuis son arrivée à la Maison Blanche, les jeunes Noirs ont repris le chemin de l’école et des universités, convaincus désormais que c’est une meilleure voie de salut que la rue ou la délinquance .
Une troisième avancée, historique celle là aussi, concerne l’adoption sous l’administration Obama d’une politique en faveur des énergies de substitution pour reprendre l’expression des officiels américains. Quand l’on sait la place stratégique du pétrole pas cher dans l’économie et le niveau excessivement élevé de consommation d’énergie des Américains, on peut mesurer la portée d’une telle réorientation politique.
SenePlus.Com - Et l'Afrique dans tout ça ? Selon toi, quel aura été l'impact d'Obama sur l'Afrique et les Africains? Et puis, Obama a-t-il redonné un espoir à l'Homme noir?
Ousmane Blondin Diop - L'impact est à appréhender à la mesure de l'espérance suscitée par l'élection du premier président Noir des Etas-unis que beaucoup d'Africains, dirigeants et populations, ont voulu percevoir comme un frère africain. Alors qu'il est d'abord et vant tout un américain noir formaté par les meilleures universités américaines. Ce malentendu a conduit à un sentiment de déception en Afrique surtout durant son premier mandat. L'Afrique n'était pas une sur-priorité pour lui comme l'auraient voulu les leaders africains.
Par la suite Obama s 'investissera davantage en lançant son initiative Power Africa et surtout Trade Africa destinée à développer des partenariats entre entreprises africaines et américaines. De ce point de vue, il a innové en privilégiant un renouvellement générationnel grâce à son programme Young African Leaders.
Le second impact, plus politique, est d'avoir œuvré au renforcement du pro-américanisme des leaders et dirigeants africains, traditionnellement tournés vers l'Europe et les anciennes puissances coloniales. Les résultats sont encore difficiles à évaluer, là encore.
Et, en retour, Obama aura tenté d'améliorer l'image de l'Afrique aux yeux des investisseurs et des hommes d'affaires américains. Cette contribution n'est pas non plus négligeable pour la suite.
Une fois le malentendu dissipé, on doit reconnaître que l'empreinte de ce premier Président noir américain sera significative parce qu'il aura largement contribué à la réhabilitation de l'homme noir dans l'histoire et surtout aux yeux des jeunes générations qui, marquées par son talent, sa puissance intellectuelle et son charisme, le hisseront certainement au même niveau symbolique que Mandela.. Ce qui n'est pas rien au regard de la grande histoire!