LA LIGUE DES OULEMAS OPPOSE LEUR FATWA
INTERRUPTION VOLONTAIRE DE LA GROSSESSE POUR VIOL OU INCESTE
Le débat portant sur la question de l'avortement volontaire n'a pas laissé indifférents les oulémas du Sénégal. La commission des fatwas, chargée spécialement d'étudier cette question qui concerne également les islamologues, à travers un communiqué parvenu à la rédaction de « L’As », condamne avec fermeté cet acte qu'elle qualifie de «pêché impardonnable».
Les Oulémas du Sénégal ont apporté des éclaircissements par rapport à la question de l'interruption volontaire de la grossesse que bon nombre de personnes qualifient d’acte normal voire logique. Ainsi à travers deux points essentiels, la Ligue des Oulémas invoque les enseignements coraniques qui bannissent l’avortement médicalisé dès le début de la fécondation jusqu'à la grossesse. D'après le communiqué, le premier point avancé c'est l'interdiction formelle par la Charia (loi islamique) de l’avis de la majorité des juristes et savants musulmans. L’école de Imam Malick dénommée (Malikite) enseigne que «quelle que soit l’origine de la grossesse, elle ne doit pas être interrompue, sauf pour des raisons de santé avérées, évoquées par les médecins spécialistes dignes de confiance».
La commission des Fatwas rejette l'idée d'éventuels prétextes et préjudices sociaux que pourraient engendrer une grossesse découlant «du viol ou de l’inceste». Les raisons de ce rejet sont puisées dans le Coran. Selon la commission en charge de cette question, Dieu a interdit d'ôter la vie humaine et que le foetus a droit de jouir de la vie. «L’avortement est une opération qui consiste à interrompre l’évolution du foetus, ce qui est une atteinte à la vie humaine. Alors que Dieu a interdit d’ôter la vie humaine à quiconque, en ces termes : « ne tuez point une âme que Dieu a rendue sacrée sauf à bon droit», selon les religieux. S'y ajoute que dans ces cas de figures, le foetus est «victime d’injustice de la même façon que sa mère». Et le communiqué de poursuivre, «le foetus a le droit de jouir de la vie, car aucune âme ne portera les péchés d’une autre. Nous en voulons pour preuve, l’attitude du prophète (Psl) à l’égard de la grande ghamidite et celle juhanite comme rapporté par le recueil (Sahih) de Mouslim sous les numéros allant de 1696 à 1698. Ces Hadiths mentionnent que le prophète (Psl) leur demanda de garder leurs foetus jusqu’à l’accouchement. Puis il leur ordonna de les allaiter jusqu’au sevrage et après cette étape, leur appliqua la sentence légale», défendent les oulémas du Sénégal. «Si l’avortement était permis, le prophète (Psl) aurait ordonné l’application de la sentence aux femmes pendant leur grossesse », explique la commission.
Les propos des oulémas et juristes musulmans sur la question n'ont laissé aucune étape de la grossesse, de la fécondation à la gestation. Ainsi, ils se justifient par des paroles du prophète Mouhamed traitées par les différentes écoles de la loi islamique. Abou Bakrlyad Ibn Al Arabî, un des savants de l’école Malékite, trouve que : trois étapes doivent être prises en compte pour chaque enfant. Avec cette référence, l'interruption volontaire, au premier stade du coït est possible. «A ce stade, il est encore permis de faire obstacle à une naissance par le coït interrompu, comme le montrent ces propos d’un compagnon du prophète (Psl), rapportés dans le recueil (Sahih) de Boukhari : «Nous procédions au coït interrompu à l’époque même où le Coran descendait».
La seconde étape est celle du «captage du sperme par l’utérus » mais à partir de ce niveau du processus, l’interruption n’est plus permise. Pour la troisième phase qui consiste à la gestation, les Oulémas disent que «précédant l’insufflation de l’âme, l’interdiction d’interrompre la grossesse est beaucoup plus formelle que pour les autres phases». Toujours pour asseoir leurs thèses, ils puisent dans l'ouvrage de Ahmad Charbassi intitulé «Yas Alounaka fiddi walhayat (ils t’interrogent au sujet de la religion et de la vie)». A la question, «Quelle est la position de l’école Malikite au sujet d’une femme qui interrompt sa grossesse de quatre mois ? », sa réponse fut la suivante : « L’interruption de la grossesse est souvent désignée chez les juristes musulmans par le terme Ijhad (avortement). A ce sujet, les savants Malikites considèrent qu’il est prohibé d’éliminer le liquide spermatique capté au niveau de l’utérus, même avant la période des quarante premiers jours. Ce point de vue est plus partagé au sein de l’école Malikite, comme le montre ce passage d’Ad Dardir, commentaire du précis de Khalil : «Certains affirment qu’il est blâmable de l’éliminer (le sperme) même s’il y est demeuré moins de quarante jours. Après l’étape de l’insufflation de l’âme, son élimination devient haram (formellement interdite) selon Ijma (consensus des savants musulmans).
Pour sa part, l’auteur d’Ihyâoulouid-din (revivification des sciences religieuses), Al Ghazali, considère l’avortement comme un délit commis à l’égard d’un être existant. Lorsque la goutte de sperme parvient à l’utérus, se mélange au liquide de la femme et s’apprête à recevoir la vie, sa destruction devient un délit.
Si elle arrive à l’état d’embryon et d’adhérence, le délit s’avère grave. «Lorsqu’on y insuffle l’âme, le délit devient plus grave encore», disent-ils. Finalement, la Ligue invite les autorités «à ne pas légaliser de telles initiatives visant à permettre l’avortement sauf pour des raisons de santé majeure». Car, d'après les Oulemas, «cela participerait à encourager la perdition et la dégradation des moeurs».