LES RECETTES DES DÉTENTRICES DES SAVOIRS ENDOGÈNES FONT COURIR DES FEMMES
Suivi des grossesses et des nourrissons
Chaque jour, des dizaines de patients viennent se faire soigner chez « Mère Njabott », matrone, rebouteuse. Depuis des années, cette forme de médecine se pratique en parallèle à celle moderne et rencontre un succès. Il en est ainsi à Ouakam, chez celle qu’on appelle Maman dans des proportions moindres. Toutefois la raison chancelle face à ces dames qui n’ont jamais fréquenté les amphithéâtres et autres blocs scientifiques, ne sachant ni lire ni écrire. Elles ne peuvent pas se prévaloir d’avoir des parchemins, mais font des émules, des heureuses.
« A bon produit, point d’enseigne », dit-on. La spacieuse maison de « Mère Njaboot », dans le populeux quartier de l’Unité 7 des Parcelles Assainies, en est une illustration achevée. En ce jour déclinant, elle grouille de monde. Une dizaine de femmes, pour la plupart enceintes ou tenant un nourrisson entre leurs bras, assises sur des bancs de fortune, caressent le doux espoir d’apaiser une douleur, de noyer les anxiétés, de retrouver la vitalité après accouchement, d’exciter le muscle du nouveau-né...
D’autres personnes, aux espérances aussi grandes que les maux dont elles souffrent, attendent d’être appelées dans le « bloc technique » de « Mère Njaboot », objet d’éloges déchaînés, de fantasmes et parfois de mysticisme délirant. Ici, elle est plus qu’une matrone. Comme un marmot dans une dynastie décadente, elle suscite l’espoir. Si elle ne l’est déjà.
Dans ce torrent de larmes, d’épreuves physiques et morales, de bonheur aussi, on chuchote à son plus proche voisin le mal qui ronge, les angoisses qui inhibent, les merveilles de la maîtresse des lieux. De sa chaise en plastique, à l’entrée de sa chambre qui sert de lieu de consultation, « Mère Njaboot » semble peu concernée. Elle garde son apparence auguste, à la fois mystérieuse et altruiste.
De temps en temps, elle discute et échange un sourire réconfortant qui, un instant, dissipe les inquiétudes. Ou du moins, c’est ce que semblent traduire les regards conquis et affectueux. Sa mise toute blanche et hospitalière y contribue grandement. Pour soulager sa génitrice occupée à prodiguer des soins aux patientes particulièrement nombreuses le matin, Fatou Bintou Cissé prend le relais.
La bonne dame a transmis son savoir à sa progéniture, à ses six filles. Comme sa mère, Ciré Coly, dont l’« officine » se trouvait au Cap Manuel, l’avait fait pour elle.
C’est une « saga » familiale. De mère à fille, on enseigne le secret de la cuisson du fameux « gnankatang » (riz blanc) fertilisant les couples, les techniques de massage pour remettre en forme les accouchées, les vertus des différentes racines et feuilles capables de soulager les douleurs abdominales, le rhume, assister les enfants souffrant de malnutrition.
La maison est aussi réputée pour son savoir-faire lorsqu’il s’agit de remettre à l’endroit un enfant dans le ventre de sa mère.