COMMENT LES NARCOTRAFIQUANTS ONT CREE DES MARCHES EMERGENTS EN AFRIQUE DE L’OUEST
LA SOUS-REGION EST DEVENUE UNE PLAQUE TOURNANTE DU TRAFIC INTERNATIONAL DE DROGUE
L’Afrique de l’Ouest est à la merci des narcotrafiquants. En effet, et d’après le rapport 2016 de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (Onudc) sur la drogue, ces derniers ont mis en place un système infaillible pour écouler leur marchandise dans la sous-région. Cela, en créant des marchés émergents dans tous les pays. Pour le cas spécifique du Sénégal, l’étude de l’Onudc révèle que 1 300 à 1 400 injecteurs de drogue ont été détectés dans ce qu’on appelle «le Grand Dakar».
Sans doute, la consommation de cocaïne, d’héroïne et de cannabis est en pleine percée en Afrique, surtout en Afrique de l’Ouest. En effet, les narcotrafiquants sont à la recherche permanente de niches criminelles et l’Afrique de l’Ouest est envahie. Ainsi, entre 2009 et 2014, les saisies en cocaïne dans la région ont augmenté de 70%.
D’après le rapport 2016 de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (Onudc) rendu public, hier, les saisies en cocaïne ont connu une légère hausse de 0,8 tonne en 1998, à 5,5 tonnes en 2005, avant de revenir à 1,9 tonne en 2014. A en croire Pierre Lapaque, Directeur régional de l’Afrique de l’Ouest et du Centre de l’Onudc, cette baisse ne veut pas dire qu’il y a moins de cocaïne qui entre dans la sous-région. Car, dit-il, pas moins de 22 tonnes de cocaïne ont été saisies ou bien en Afrique de l’Ouest ou à destination de l’Afrique de l’Ouest dans une cargaison saisie en Bolivie.
«Les complices locaux, auparavant payés en argent sont désormais payés en drogue»
«Partout où la drogue passe dans la sous-région, il y a une partie qui reste. Elle reste, parce que les complices locaux, auparavant payés en argent, sont désormais payés en drogue. C’est dans une démarche commerciale. Parce que, pour avoir de l’argent, ils sont obligés de vendre leur drogue et donc de créer un marché émergent. C’est un des fléaux qui touche de plein fouet l’Afrique de l’Ouest», a souligné le patron de l’Onudc.
D’après Pierre Lapaque, il faut nécessairement passer par des systèmes de prévention intégrée dans les systèmes éducatifs sanitaires, sociaux, des politiques antidrogues non stigmatisantes. «Je le répète et je ne cesserai de le répéter, un jeune crimino-délinquant drogué n’a rien à faire en prison. Il n’a absolument rien à faire en prison. C’est quelqu’un qui a un sentiment de mal être, il doit être traité dans un milieu ouvert où on va lui permettre de pouvoir se réinsérer et l’assister sur le plan médical familial et social», a lancé M. Lapaque.
«Un jeune crimino-délinquant drogué n’a rien à faire en prison»
Le Patron de l’Onudc s’est empressé d’ajouter : «Quand vous rentrez comme crimino-délinquant drogué en prison, certainement vous avez la chance de sortir avec un Bts criminel. Et n’oublions pas qu’en Afrique de l’Ouest, nous avons pas mal de terroristes en prison. Quand on mélange des terroristes avec ces jeunes drogués, on peut créer de futurs terroristes».
Revenant spécifiquement sur le cas du Sénégal, il note certes que le pays dispose d’un Centre de prise en charge intégrée des addictions de Dakar (Cepiad), mais Pierre Lapaque souligne qu’il n’est pas encore sorti de l’auberge.
1 300 à 1 400 injecteurs de drogue détectés dans l’étude du «Grand Dakar»
«On avait fait une étude, il y a de cela 2 ou 3 ans dans ce qu’on appelait de ‘le Grand Dakar’, environ 2 millions d’habitants, on avait détecté environ 1 300, 1 400 injecteurs de drogue ou des personnes qui s’injectent de la drogue alors qu’il y a de cela, 7 à 8 ans, on n'en avait pas. Oui, il y a le Cepiad, mais qu’est-ce qu’on fait de ces gens une fois qu’on les a désintoxiqués ? Comment on les intègre dans la société ? C’est un peu le défi qui attend les Etats de la sous-région», a indiqué Pierre Lapaque.
Aussi, le rapport de souligner qu’au niveau mondial, pas moins de 207 400 décès ont été recensés liés à la drogue sur une tranche d’âge de 15 à 64 ans. 247 millions de personnes, entre 15 et 64 ans, ont consommé au moins une drogue au cours de l’année 2014, dont 183 millions ont touché le cannabis. Aussi, le nombre de toxicomanes, en hausse pour la première fois depuis 6 ans, s’élève maintenant à 29 millions de personnes.