JEUX DE HASARD, LE KIOSQUE DES ESPÉRANCES
L’appât, les folles espérances… et peut-être le gain à la fin ! Les accros ne s’en sortent pas sans accroc. Les kiosques de jeu de hasard, qui foisonnent à Dakar, nourrissent la boulimie des parieurs
En cette matinée de nouvelle année, de minces rayons de soleil convergent sur le village de Hann. Le temps est encore clément sur la route principale qui mène au Parc forestier et zoologique. Cet axe bouillant est bondé de véhicules. Il est 10 heures. Et certains viennent profiter de la nature et des bienfaits qu’elle offre. De loin, on observe le ballet des parieurs devant un kiosque de jeu. Il est pris d’assaut par des jeunes qui ont foi en leur étoile. La cagnotte du jour, en ce 5 janvier 2021, s’élève à plus de 15 millions de FCfa. Et, apparemment, ça appâte ! Elle pourrait changer bien des vies. À Dakar, terre des plus folles espérances, on s’en donne à cœur joie. Les jeux de hasard sont très prisés. Parmi les plus attractifs, il y a le Pari Foot et les paris hippiques du Pari mutuel urbain (Pmu). Des personnes de tous âges s’y adonnent. M. Diop, la trentaine, est un habitué des lieux et joue presque tous les jours. Les «difficiles conditions de vie», dans la capitale sénégalaise, l’ont rendu presque dépendant aux jeux. Et puis, «c’est toujours mieux que les pirogues», dit-il, un tantinet railleur. Cette oppressante pandémie de Covid-19 n’a fait qu’attiser la flamme. À l’en croire, même les plus jeunes, des élèves quelquefois, davantage attirés par le Pari Foot, s’y sont mis. Tous veulent rencontrer la fortune.
À côté de lui, se trouve un autre jeune de moins de 30 ans, attendant son ticket. Il a tout l’air d’un mécanicien. «Je suis nouveau, mais j’espère rafler le gros lot ! Le plus grand montant que j’ai gagné est de 143.000 FCfa», confie-t-il, dans un optimisme béat. Étudiant en première année à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, ce jeune homme, préférant taire son nom, dit avoir gagné une seule fois le montant de 22.000 FCfa. «Je joue dans l’espoir de gagner et joindre les deux bouts, car la vie n’est pas facile à Dakar. Il faut se payer les tickets de restaurant au campus, assurer certaines charges comme l’impression, la photocopie de documents…», justifie-t-il, la voix rocailleuse.
L’appât…et peut-être le gain !
Le gérant du kiosque, lui, ne se plaint pas. La dépendance à «sa drogue» fait ses affaires. «Il y en a qui parviennent à gagner, surtout ceux qui ont vieilli sous le harnais». Subtile réponse. Chômeurs et travailleurs viennent tous, ici, tenter leur chance. «Des personnalités, des médecins, des hommes d’affaires se plaisent à jouer, car c’est devenu leur passion», soutient-il, très souvent interrompu par la «meute» des optimistes. À côté du kiosque, se trouve un vendeur de fruits, un Guinéen venu chercher fortune au Sénégal. Le bonhomme n’échappe pas, non plus, à la tentation. Le spectacle qui se joue devant lui tous les jours, et les échos excitent son envie, avec une préférence pour le Pmu. «Je joue souvent mais je n’ai jamais gagné», regrette-t-il. Mais il ne cède pas par lassitude, d’autant qu’un «parieur acharné» a récemment gagné la rondelette somme de deux millions de FCfa. Un montant qui lui aurait «permis d’intensifier le commerce». «Les jeux de hasard ruinent surtout ceux qui sont riches. Si le joueur ne fait pas attention, il va s’appauvrir à force de jouer», alerte-t-il, avec une lueur de lucidité dans son regard.
Les kiosques de pari sont visibles un peu partout à Dakar. Le décor est partout le même. Ils exercent un attrait sur les populations. Sur l’avenue Cheikh Anta Diop, près de l’École nationale des travailleurs sociaux spécialisés, des adultes sont très concentrés sur les affiches des matchs. Après avoir estimé leurs chances, ils sélectionnent leurs équipes favorites. Cette petite boutique implantée à l’angle de la rue se trouve sur un point très stratégique. Elle attire étudiants et passants. Parmi ces derniers, un homme d’âge mûr, casquette vissée sur la tête. Il s’appuie sur sa canne et attend tranquillement son ticket avant de s’éclipser à pas de caméléon. Ne dit-on pas que l’espoir fait vivre ?