LA TIDIANIYA ET LES CONFRERIES SONT DES VECTEURS DE PAIX POUR LE SENEGAL
BENJAMIN NICKELS, CHERCHEUR ET UNIVERSITAIRE AMERICAIN SPECIALISTE DU TERRORISME
Chercheur et universitaire américain spécialisé dans les questions liées au terrorisme et au radicalisme religieux, Benjamin Nickels a introduit, avant-hier, à Tivaouane, le cours inaugural du symposium sur le thème : «Face au radicalisme, quelles réponses de l’école de Tivaouane ?», en marge de la célébration de la 114e édition du Gamou de Tivaouane. D’emblée, il a souligné que le sujet est «critique de nos jours».
TIVAOUANE - Spécialiste de la question du terrorisme, Benjamin Nickels, qui se définit en «chercheur, citoyen et être humain », parlait du défi du radicalisme et les problèmes qui y sont associés, notamment le terrorisme et la radicalisation, c’est «décrire les réponses en place et les efforts de contre radicalisation et esquisser des pistes de solutions meilleures avec les piliers religieux, tels que la tidianiya au Sénégal». «Le terrorisme est un symptôme clé de notre ère, une menace grandissante qui entoure malheureusement le Sénégal. Depuis environ 5 ans, il y a une montée en puissance et un influence à travers l’Afrique du terrorisme», a-t-il ajouté, après avoir décliné la carte du terrorisme en Afrique. Il a ainsi confié que l’Afrique de l’Ouest a connu des «changements énormes et rapides, notamment avec Boko Haram, le groupe le plus meurtri qui a tué 15 000 personnes».
«Les coûts de ce terrorisme sont considérables. Le Sénégal n’a pas subi d’attaques, mais il a raison de prendre des mesures contre ce fléau. Car le terrorisme en Afrique est lié au radicalisme. Plusieurs facteurs expliquent ce radicalisme en Afrique. Notamment le printemps arabe, les carences au niveau national comme les tensions internes et des institutions pas suffisamment puissantes. Il y a aussi de grands développements comme Daesh au plan international. Il y a aussi des forces plus larges qui ont joué un rôle dans la montée du radicalisme », a ajouté Benjamin Nickels.
«Il n’existe pas une voie du radicalisme, mais…»
Le chercheur souligne : «A la base de tous les radicalismes, il y a les communautés et surtout les individus qui les soutiennent, les développent et les rendent durables. Pour comprendre le radicalisme, il faut aussi étudier en détail la radicalisation. C’est à dire le processus par lequel les communautés et les individus adoptent une idéologie extrême ou se rallient à la cause de la violence. Sauf qu’on ne sait pas trop encore, en dépit des décennies de recherche, la cause. Mais plusieurs théories existent. Pour certains, c’est la privation et la pauvreté qui expliquent. Pour d’autres, les choix rationnels et les dynamiques interpersonnelles ou encore la psychologique personnelle». «Les experts acceptent qu’il n’existe pas une voie du radicalisme, mais plusieurs. Comme il n’y a pas de processus unique de radicalisation, il n’y a pas non plus de profil uniforme de radicaux. L’espoir de créer un profil humain et comportemental du radicalisme s’effondre face à la diversité des membres du radicalisme qui inclut des analphabètes, comme des universitaires, des malades mentaux, comme des gens d’esprit saint, des marginaux, comme des gens bien intégrés, des pauvres, comme des riches», affirme l’universitaire.
Selon lui, «les recruteurs jouent sur la vulnérabilité des gens en offrant aux jeunes gens défavorisés et frustrés, femmes et hommes, des soutiens financiers et psychologiques qui donnent des directions à leurs conditions de vie. Ils répondent aux espoirs de leurs adhérents. Le radicalisme abuse des valeurs que sont le dévouement, la dévotion, le courage et le sacrifice. Le radicalisme est redoutable, car il touche à la complexité de la vie humaine».
«La mondialisation, cadre le plus puissant pour s’approcher du radicalisme»
«Le cadre le plus puissant pour s’approcher du radicalisme, c’est la mondialisation. La mondialisation n’est pas synonyme, ni de l’occidentalisation, ni de la modernisation, ni de la laïcisation, ni du matérialisme. La mondialisation telle que nous la vivons aujourd’hui c’est tout simplement l’intensification des connexions entre pays, entre peuples, entre cultures, entre systèmes, entre croyances. Elle représente la convergence du monde actuel tel qu’il est. Les radicalisations sont un produit de cette mondialisation», soutient le Pr Nickels.
Pour ce spécialiste, «beaucoup de monde entendent les sirènes radicales, mais très très peu les suivent. Mais ce danger continue de détruire des vies, parce que trop de personnes en Afrique et ailleurs les écoutent. Face à ces défis, quelques approches pour contrer ces menaces ? Les Africains ont travaillé ensemble et ils ont pris en main la gestion de la radicalisation dans leur pays». «Pour ma part, j’avancerai quatre pistes de solutions. La première, c’est de prioriser le travail local, de travailler sur le contexte. La deuxième, c’est de travail avec les exclus, les marginalisés et les acteurs religieux peuvent jouer un rôle. La troisième, c’est de renforcer les identités. Car l’histoire de la tidianiya et des confréries fait partie de l’histoire intégrale du Sénégal. Ces confréries restent une grande ressource dans l’histoire de la Nation pour contrer le radicalisme. Et enfin, servir comme porte vers le monde. Car tout change. Mais le secteur de la société civile et les leaders religieux qui ont des relais partout dans le monde sont bien placés pour guider les processus de changements. La tidianiya et les confréries sont des vecteurs de paix pour le Sénégal», conclut-il.