LE PROFESSEUR D’UNIVERSITE TRAINE EN JUSTICE SA MERE, SA SOEUR MEDECIN ET SES DEUX FRERES
ILS LUI ONT ADMINISTRE DU VALIUM POUR CALMER SES NERFS
Professeur aux Universités de Bambey et de Thiès, Khady Mbaye a traîné hier, devant la barre, sa mère Marie Mbaye, sa petite sœur Mouminatou Mbaye (médecin militaire à l’hôpital Principal), ses deux frères Oumar et Al Ousseynou Mbaye. En présence de sa génitrice, sa soeur lui a injecté du valium, pendant que ses deux frères la tenaient. Pour justifier leur acte, les prévenus soutiennent qu’elle a perdu la raison et les accusait de vouloir abréger sa vie. Entre autres preuves, elle s’est entichée d’un peintre «sans le sous», a quitté son époux ingénieur en informatique établi en France, pour épouser l’ouvrier. Seulement, elle n’a pas pris la précaution de divorcer devant le Tribunal. Résultat des courses, le premier mari, El Hadji Mawdo Malick Diouf, la poursuit pour bigamie et adultère.
Les couleurs gaies de la broderie parsemée dans sa robe saumon qui allonge sa silhouette longiligne contrastent avec la blessure intérieure de Khady Mbaye. Professeur aux Universités de Thiès et de Bambey, ce n’est pas de gaité de coeur qu’elle a attrait hier, devant le barre du Tribunal correctionnel, sa mère Marie Mbaye, sa petite sœur Mouminatou Mbaye médecin et ses deux frères Al Ousseynou et Oumar Mbaye. Désemparée et choquée, sa maman a resserré plusieurs fois le foulard vert autour de ses épaules, comme pour se couvrir du froid, alors qu’il faisait chaud à la salle 3. «Ils soutiennent que je suis folle ; je veux préciser d’où vient cette rumeur. Je me suis absentée de l’Ensa pendant six mois, des collègues ont falsifié les notes de mes étudiants et ont mis zéro partout …», tente-t-elle de se défendre.
Sa soeur est d’un autre avis : «Elle présente une pathologie grave», dit-elle en fouillant dans ses notes. « Elle a dit que son premier mari est un meurtrier anthropophage. Moi, je suis une tueuse en série qui a mis fin à la vie de notre père et d’une autre soeur. Elle m’a dit, dans un texto qu’elle m’a envoyé le 19 septembre 2015 : tu ne m’élimineras pas comme tu as fait avec Ndèye Astou. La médecine, c’est fait pour sauver des vies, toi, tu en ôtes. Le 18 juin 2015, elle était agitée. Je suis allée chez elle, en compagnie de ma mère et de mes deux frères. Je lui ai administré du valium pour qu’elle se calme. Je voulais qu’on l’amène voir un médecin, ensuite un marabout en Casamance. Elle est partie au Mali avec Diallo. A son retour, elle ne jurait que par lui, elle ne voulait plus nous voir».
Les deux frères jurent n’avoir jamais levé la main sur leur aînée. Ils ne l’ont non plus pas ligotée, soutiennent-ils. Khady Mbaye persiste dans un français impeccable : «A la suite de l’administration du valium, j’ai senti un fourmillement au niveau de mes jambes. J’étais consciente, je les voyais prendre mes biens. Ils étaient accompagnés de trois autres personnes qui sentaient l’alcool. Ils m’ont forcée à entrer dans un véhicule et ont déposé les enfants chez un voisin. La police de Jaxaay n’était pas loin de l’endroit où ils se sont garés. C’est comme cela que des voisins sont venus à mon secours».
LE PREMIER MARI RECLAME UN MILLIARD DE FCFA POUR ADULTERE ET BIGAMIE
La mise correcte, chemise blancbleu, jean, rasé de près, l’actuel époux, Mamadou Diallo dit Doudou, explique que la nuit des faits, il revenait de sa première épouse, accompagné de son chauffeur et a vu un attroupement à l’entrée de la maison. A son arrivée, le médecin était en train de retirer la seringue. Un ami commissaire l’a dissuadé, en tant que 7ème dan en arts martiaux, d’en venir aux mains avec sa belle famille, qui ne l’aimait pas. C’est pour cela qu’il s’est gardé d’intervenir. « Ma femme m’a dit : tu as vu, ma mère a amené des mercenaires», raconte-t-il. Pour lui tenir ses deux enfants, il reconnaît avoir accompagné Khady Mbaye au Mali, trois mois avant leur mariage.
Pour n’avoir pas divorcé devant le Tribunal avant de convoler en seconde noce, Khady Mbaye est poursuivie par son époux pour bigamie et adultère. Déchirée, la maman était à deux doigts de pleurer lorsque le Président, excédé par le comportement de Mes El Hadji Diouf et Martin Diatta, décide de mettre le dossier en fin de rôle. Elle insiste : «c’est ma fille, je l’ai mise au monde, j’ai payé ses études. C’est à Thiès qu’elle est tombée malade. Je l’ai fait soigner en Casamance…».
Comme à son habitude, Me El Hadji Diouf ne prend pas de gants : «Une famille se déchire du fait d’un peintre fatigué, pauvre. Diallo, au lieu de la faire soigner, l’enfonce dans sa maladie mentale. C’est un courtier du marabout Diawara qui est en Casamance. Depuis qu’elle est rentrée de cette région, sa mère, ses frères et soeurs étaient ses pires ennemis et Diallo son sauveur. La pauvre, elle a dit tout à l’heure qu’elle nage dans le bonheur et que chez elle, tout le monde répond Diallo. Je ne comprends pas ! Un professeur d’Université avec un peintre ? Peut-être qu’elle n’a jamais rencontré un homme aussi performant. Mon client lui envoyait 650.000 Fcfa par mois. Nous réclamons 1 milliard de Fcfa de dommages et intérêts». Son client Mamadou Diallo, plaide Me Martin Diatta, est accusé d’anthropophagie. «Il aurait avalé la conscience de Khady Mbaye pour détourner son argent. Aussi médecin qu’elle soit, Mouminatou Mbaye a reconnu avoir pris un coupecoupe pour en découdre avec son beau frère qui a brutalisé sa maman», soutient l’avocat. La nuit de leur descente expéditive, ils ont emporté de l’argent, des habits et des ravitaillements. Ils ont dévêtu sa cliente devant ses enfants. L’avocat réclame le franc symbolique.
Ne voulant pas jeter de l’huile sur le feu, le Procureur pense qu’un excès de sévérité ne permettrait pas de ramener le calme. La bigamie, pense-t-il, est un délit constant dès lors que le couple a reconnu le second mariage, alors que le premier n’a pas été dissout. Il requiert 4 mois assortis du sursis et une amende de 30 000 Fcfa pour chacun. Pour l’administration de produit nuisible à la santé, il retient que le drame était tellement profond que le médecin en a perdu son professionnalisme. Elle a agi en tant que soeur. Il requiert donc pour Mouminatou Mbaye 6 mois assortis du sursis et 4 mois assortis du sursis pour la mère et ses deux fils.
Etant donné qu’il y avait d’autres personnes dans la maison, le maître des poursuites n’a pas retenu le vol, dont l’imputabilité aux prévenus, n’est pas prouvée. L’affaire, mise en délibéré pour le 22 mars, qui a pris quatre tours d’horloge devant la barre, mettra des années avant de se cicatriser dans les coeurs des membres de la famille Mbaye, moralement déchiquetée.