LES MONITEURS DE DAARAS GROGNENT
Ils réclament au gouvernement huit mois de salaires et menacent de relâcher les talibés dans la
Quelques jours après les grèves ou manifestations des médecins, pharmaciens, aiguilleurs du ciel, agents de santé, enseignants et étudiants suivie de la grogne des notaires et des assureurs, c’est au tour des moniteurs de « daaras » d’ouvrir un autre front social pour réclamer au gouvernement huit (08) mois de salaires. Intervenant dans cent (100) daaras éparpillés dans vingt (20) départements du pays, ces moniteurs recrutés par l’etat ont décidé d’organiser un sit-in devant le ministère de l’education nationale pour rentrer dans leurs droits. La manifestation aura lieu le mardi 12 mai prochain.
Après la grève des « bàttu », place à la grève des « alluwa » ! Pourcause, les 320 moniteurs daaras officiant dans 20 départements de notre pays sont dans une profonde détresse sociale et tiennent à le faire savoir. Recrutés par le ministère de l’education nationale dans le cadre d’un projet financé par la Banque mondiale, ces moniteurs de « daaras » sont restés huit mois sans salaires. Pour se faire entendre par le gouvernement, ils ont décidé d’organiser un sit-in devant le ministère de l’education nationale. Ce sera le mardi 12 mai prochain à Dakar.
Selon Serigne Khadim Rassol Mbacké, président de l’amicale des moniteurs de « daaras » du Sénégal (AMDS), une demande d’autorisation de manifester est déjà déposée et le feu vert obtenu. « a travers ce sit-in, nous allons dénoncer l’etat auprès des autorités de la Banque mondiale pour faire comprendre à celles-ci que les fonds estimés à près de 4 milliards cfa ne sont pas arrivés à bonne destination, c’est-à-dire entre les mains des 320 moniteurs que nous sommes », se désole-t-il. Selon notre interlocuteur, la totalité des arriérés de salaires qui leur sont dus est estimée à 1 milliard cfa 600 millions de francs.
Dans leur plan d’actions, les moniteurs de « daaras » n’écartent pas de relâcher dans la nature les milliers d’élèves et talibés enrôlés dans l’ensemble des100 « daaras » pilotes que compte le Sénégal. « Pire, il y aura une autre manifestation devant le siège de la Banque mondiale appuyée par une plainte auprès des juridictions compétentes conformément aux dispositions de l’Onu », poursuit Khadim Rassol Mbacké. Pour l’heure, ces moniteurs de « daaras » excluent de lancer une « fatwa » contre le président de la République mais on ne sait jamais…
L’ADMS dénonce un système de sabotage des « daaras »
Pour l’amicale des moniteurs de « daaras », la rétention ou le non-paiement de leurs salaires demeure inexplicable dès lors que la Banque mondiale a déjà décaissé les fonds du projet ayant pour but l’amélioration de la qualité et de l’équité de l’éducation de base (Paqeeb) couvrant les 14 régions du Sénégal. Hormis le recrutement et la rémunération des moniteurs, le projet consiste à offrir des ressources pour la réhabilitation des « daaras », à payer les frais d’enseignants de français supplémentaires, les primes de motivation pour les maitres coraniques, acquérir le matériel pédagogique… « au départ, les bailleurs ont mis en place 100 « daaras » pilotes. Et au bout de trois ans, ils ont été tellement satisfaits des résultats qu’ils ont décidé d’augmenter 300 « daaras » supplémentaires en prolongeant le projet jusqu’à 2021. Malheureusement, nos dirigeants semblent ne pas croire au projet comme s’ils ne l’avaient ficelé que pour récolter des fonds auprès des bailleurs et procéder à des détournements d’objectifs. Le plus dramatique, c’est le fait de voir les coordinateurs de ce projet percevoir régulièrement leur salaire contrairement à nous, les moniteurs » s’étrangle Serigne Khadim Rassol Mbacké, président de l’amicale des moniteurs de « daaras » du Sénégal (AMDS).
Face à cette situation, les moniteurs envisagent une tournée nationale auprès de l’ensemble des khalifes généraux des diffé-entes confréries du Sénégal pour les informer et sensibiliser sur les difficultés auxquelles ils sont confrontés. « Nous allons nous rendre à Touba, Thiénaba, Tivaouane, Dakaa, Yoff, Pire et Niassane pour dénoncer les fossoyeurs de nos daaras », prévient-il tout en déplorant le système du « vouloir une chose et son contraire ». D’après Serigne Khadim Mbacké, le paradoxe se trouve dans le fait que l’etat procédait à des opérations de retrait des enfants et talibés de la rue pour les restituer à leurs familles ou les confier aux daaras « alors qu’il existe déjà un projet structurant qui est en passe d’être saboté par le manque de considération à l’endroit des moniteurs censés retenir les mêmes talibés pour leur dispenser une éducation de base de qualité et améliorer leurs conditions de vie » déplore le président Serigne Khadim Rassol Mbacké.
L’AMDS a pour objet de regrouper tous les moniteurs dans les zones d’intervention du Paqeeb/Daara. Ce dans un climat d’entraide en vue de leur information, de la mise en commun de leurs expériences personnelles et pédagogiques. L’amicale s’investit aussi pour améliorer les dispositifs de formation continue dans une optique de professionnalisation en vue de rendre ses membres plus aptes à accompagner l’etat à réussir sa politique de développement de l’apprentissage de la lecture et de l’enseignement des mathématiques dans les daaras. « Mieux, nous cherchons également à faire accéder tous les « ndongo-daaras » à leur droit le plus élémentaire, celui de posséder une pièce d’état-civil. Nous visons surtout à développer toute action pouvant contribuer à soulager leurs conditions de vie sur les plans hygiénique, nutritionnel, environnemental, en leur offrant des soins de santé, des vêtements et autres commodités de base », explique Serigne Khadim Rassol Mbacké. Un président dépité de voir l’élan d’un tel beau projet brisé par un manque de sérieux des autorités ministérielles. « Nous sommes convaincus que le président de la République Macky Sall n’est pas au courant de notre situation, lui qui a toujours plaidé la cause des ndongos-daaras et des enfants-talibés », pense notre interlocuteur.
Une chose est sûre : compte tenu de l’engagement et la détermination des moniteurs de « daaras », force est de croire que la bataille des « alluwa » aura bel et bien lieu dans les artères de la capitale si rien n’est fait par les autorités. Motif de leur colère et de la fatwa qui risque d’être lancée : réclamer huit mois d’arriérés de salaire pour un montant de 1 milliard 600 millions de francs ! Et gare à la colère de maîtres coraniques en ce mois béni de Ramadan !