LES DEFAILLANCES DE L’ETAT
RIZ PERIME, VIANDE D’ANE, POULETS AVARIES…
Les denrées commencent à devenir un véritable souci pour les Sénégalais qui se demandent comment s’approvisionner sur le marché sans pour autant s’exposer au danger. Cela, du fait que les produits impropres à la consommation, tels que la viande d’âne, le riz périmés, les poulets avariés, ont fini d’inonder le marché et d’installer la peur. Et pour bon nombre de Sénégalais, l’Etat est le principal responsable de ce désordre.
Le Sénégal, un pays de tous les paradoxes, jusque dans la sécurité alimentaire des consommateurs. En effet, si depuis près de deux semaines, la mise en circulation de la viande d’âne sur le marché fait la «Une» des journaux, il reste que ce n’est là que la dernière affaire du genre en date. Car, avant la viande d’âne, il y a l’affaire des poulets avariés ou infectés. Mais aussi et surtout, depuis le début de l’année, et jusqu’à plus tard que vendredi dernier, c’est l’affaire du riz périmé qui alimente les débats. Cela, avec près de 25 000 tonnes de riz impropre à la consommation déjà saisies par la gendarmerie.
Face à cette situation où les Sénégalais ignorent tout désormais de l’origine de ce qui se retrouve dans leurs assiettes ou leurs bols de riz, à l’heure des repas, l’inquiétude grandit, autant que les réprimandes envers l’Etat, accusé de ne pas veiller à garantir la sécurité des produits de grandes consommations mis sur le marché, tels que le riz ou la viande. Un tour au marché «Bou bess» de Guédiawaye, ce samedi, nous a permis de recueillir l’avis des consommateurs sur la question.
Jeune chef de famille, Aminata Diop ne cache pas ses craintes. «Je suis venue au marché pour acheter des légumes et des condiments. Pour la viande, je n’ose plus en acheter au marché, depuis que cette histoire d’âne a éclaté. Quand je l’ai entendu, j’étais très choqué. Fort heureusement, moi je n’achète que chez un seul boucher que je connais depuis des années».
«On ne sait plus où donner de la tête»
Revenant sur une anecdote, elle confie : «Hier, mon vendeur de viande a garé une camionnette et amené une vache déjà immolée avec le tampon de la Sogas (Ndlr : Société de gestion des abattoirs du Sénégal) pour rassurer ces clients. Mais même avec ça, les gens passent de gauche à droite sans oser en commander. Et lui, il en vient même à supplier les clients de venir acheter, pour ne pas se retrouver sous la paille».
«Mais avec toutes ces histoires de viande d’âne, de riz périmé et autres, on finit pas ne plus savoir où donner de la tête ou que faire. Vraiment, on est dans une totale insécurité en matière alimentaire dans ce pays. On ne sait pas ce que l'on mange et aujourd’hui plus que jamais, on est exposé au danger. On en est arrive à se demander ce que fait l’Etat ? Où sont les services de contrôle ? Qu’est-ce qu’on risque chaque jour rien qu’en prenant notre déjeuner avec notre famille dans nos maisons», s’interroge Mama Mbaye, une cinquantenaire qui se demande «où va le Sénégal ?». Avant d’accuser l’Etat d’être «défaillant. Car c’est l’Etat qui, en faisant preuve de laxisme, expose les Sénégalais à ces produits impropres à la consommation».
Le silence des autorités irrite
Quant à Oumou Diallo, elle explique qu’elle vient dans ce marché depuis de années et qu’elle a confiance aux vendeurs. «Pour ce qui est du riz périmé ou encore de la viande d’âne, vraiment je ne sais pas comment faire pour échapper à ces danger qui nous guettent. Je pense qu’il revient aux autorités, donc à l’Etat, de veiller sur ce qu’on commercialise comme aliment dans nos marchés et de faire les contrôles qui s’imposent pour préserver les Sénégalais. Surtout, l’Etat doit mettre hors d’état de nuire, et sanctionner lourdement tous ceux qui, de près ou de loin, sont impliqués dans ces trafics», ajoute-t-elle.
Binta Ndiaye, la trentaine, femme au foyer, ne dit pas autre chose. «Certes, moi j’achète de la viande à ‘mbarou yapp’ (lieu de vente de viande au marché ‘Bou Bess’) et pour les poulets, je m’approvisionne chez un vendeur installé à côté du marché. Mais depuis que cette affaire d’âne a éclaté, j’ai peur d’acheter de la viande. Parce que ça ne me rassure plus. Et pour le riz aussi, la peur me tenaille. Vraiment, l’Etat doit faire quelque chose. Le pire, c’est qu’on n'entend même pas les autorités parler. Pourtant, si c’était des histoires de politiques, des ministres ou des responsables de la République monteraient au créneau pour nous tympaniser. Il faut que l’Etat s’assume, interdise toutes ces fraudes sur les produits alimentaires et vote une loi qui envoie ceux qui font ça en prison pour au moins 10 ans», martèle-t-elle.