L’ETERNELLE EQUATION DES CAHIERS DE DOLEANCES
CELEBRATION DE LA FETE DU TRAVAIL DU 1er MAI
A l’instar du reste du monde, le Sénégal va célébrer la fête internationale du travail, ce dimanche, 1er mai. Une célébration qui suscite moult questionnements, si l’on sait que pratiquement ce sont les mêmes revendications qui reviennent dans les cahiers de doléances remis au chef de l’Etat, chaque année. Interrogations sur la suite à donner aux cahiers de doléances.
Le monde va célébrer demain, dimanche 1er mai, la fête internationale du travail. Au Sénégal, les travailleurs vont fêter aussi… la fête. Traditionnellement appelée fête du travail à l’origine, la date du 1er mai commémore la grève sanglante des travailleurs américains du 3 mai 1886 à Chicago où 400 000 ouvriers ont manifesté pour revendiquer l’instauration de la journée de 8 heures. Ce jour est célébré depuis la fin du XXe siècle en hommage aux combats du mouvement ouvrier. Il s’agissait de fonder en acte le projet de société émancipée, libérée du travail contraint.
Comme à l’accoutumée, les centrales syndicales procèdent à la traditionnelle remise de cahiers de doléances pour porter à la connaissance du président de la République les revendications des travailleurs. Des revendications souvent insatisfaites et qui reviennent tout le temps sur la table des négociations. D’où l’impérieuse nécessité de poser la question de savoir l’utilité de présenter des cahiers de doléances. Si l’on sait que ce sont quasiment les mêmes questions qui reviennent chaque année. Une question qui divise les responsables des centrales syndicales.
Interpellés, les responsables syndicaux informent en effet que les doléances ne sont jamais satisfaites à 100%. Parce que, disent-ils: «Elles sont quotidiennes et permanentes». Pour le Secrétaire général de la Confédération nationale des travailleurs du Sénégal (Cnts), cela est normal, parce que le monde n’est pas fait en un jour. «Quand vous parlez de la santé des travailleurs, il y a plusieurs facettes, plusieurs questions sur lesquelles vous revenez. En plus, une revendication, même si elle est réglée quelquefois dans sa mise en œuvre, vous vous rendrez compte que ce n'est pas l’ensemble des travailleurs qui en bénéficient. C’est pourquoi vous revenez toujours sur les mêmes revendications», indique Mody Guiro qui souligne que, «dans cette situation, vous avez l’impression que ça ne bouge pas et nous voulons allez plus loin».
«Le syndicalisme, ce n’est pas le fait de dire qu’aujourd’hui, je pose la question et c’est terminé. Non ! Il faut s’accrocher, poser les problèmes s’ils ne sont pas résolus vous poussez et vous arriverez un jour à avoir satisfaction. C’est ça le syndicalisme. La revendication, vous la posez, vous la suivez, elle peut être satisfaite dans le court terme et dans le moyen terme comme dans le long terme», ajoute-t-il.
Les syndicalistes tempèrent et argumentent
Selon lui, ceux qui disent que ce sont les mêmes revendications ne comprennent pas comment fonctionnent les syndicats, comment la revendication se pose et comment les négociations collectives se mettent en place. A l’en croire, si les revendications reviennent, c’est parce que «sur 5 où 6 revendications que vous voyez, derrière, il y a des centaines et des centaines de revendications qui sont suivies par les délégués de personnels dans les entreprises». Et M. Guiro de marteler : «La revendication est permanente, elle est quotidienne. Chaque jour, nous revendiquons dans les entreprises. Chaque jour nous recevons des acquis».
Lui emboîtant le pas, son camarade de la Confédération nationale des travailleurs du Sénégal/Force du changement (Cnts/Fc) lance : «Toutes les revendications qui sont contenues dans les cahiers de doléances ne sont pas des revendications à résoudre immédiatement. Parce que nos préoccupations intègrent celles des populations. Dans les cahiers de doléances, nous mettons tout ce qui est d’ordre social. Parce qu’on prend également en compte les préoccupations des populations. Par conséquent, dans les cahiers de doléances, il y a énormément de choses. Mais la revendication en elle-même, les syndicats la porte tous les jours. Et les syndicats font les revendications tous les jours dans tous les secteurs».
Selon Cheikh Diop, ces questions reviennent, parce qu’elles prennent en charge la demande sociale des populations. Poursuivant, il confie: «Ces questions reviennent, c’est vrai. Il y a de nouvelles questions qui reviennent comme il y a de nouvelles questions. Toutes les revendications ne peuvent pas être réglées en même temps. Certains sont réglés et d’autres on les fait revenir. Ça existe et c’est ça le combat syndical aussi».
«Donc, le 1er mai est un moment symbolique pour déposer un cahier de doléances dans lequel il y a des revendications, mais aussi il y a la demande sociale» soutient Cheikh Diop, tout en précisant que «les cahiers de doléances ne s’appellent pas cahiers de revendications, mais cahiers de doléances».
Le dépôt du cahier de doléances, un acte symbolique
Pour sa part, Mamadou Diouf de la Confédération des syndicats autonomes (Csa) reste convaincu que dans les cahiers de doléances, ce sont des revendications qui sont inscrites. Donc, dit-il: «Des revendications disparaissent d’autres réapparaissent. Tant que des machines tourneront, il y aura toujours des revendications. Il faut que les gens aient la curiosité de voir la liste de revendications. C’est comme ça qu’on verra si ce sont les mêmes qui reviennent où s’il y a évolution. Il y a deux ans, on parlait de la généralisation de la retraite à 60 ans dans le secteur privé. Donc, même si cette question ne réapparaît pas, elle y figure sur une autre forme. Les revendications évoluent, d’autres naissent», relève Mamadou Diouf qui estime que le dépôt de cahiers de doléances est symbolique.
Selon lui, «dans les revendications, certaines sont recueillies entièrement, d’autres partiellement et d’autres pas du tout». «Il faut surtout interroger le contenu de cahiers de doléances pour savoir si exactement ce sont les mêmes qui reviennent. Ce ne sont pas forcément les mêmes qui reviennent chaque année. Il y en a qui reviennent tous les ans même si elles ne sont pas réglées. Il y en a qui évoluent dans leurs formulations parce qu’elles ont connues une certaine satisfaction», conclut le Sg de la Csa.