QUAND L’ART D’AIMER PERD UN PEU DE SON CHARME
Séduction et amour
L’évolution très rapide de la société vers le modernisme a changé beaucoup de choses dans la manière d’être et de faire. Si, il y a quelques années, les hommes prenaient beaucoup de temps pour séduire, plaire et aimer, les méthodes ont aujourd’hui changé. Certains préfèrent brûler la première étape tandis que d’autres passent directement à l’attaque. Cette évolution, ne tenant plus compte de l’aspect du sortilège sentimental, a tendance à reléguer l’art d’aimer au second plan.
Qui d’entre nous n’est jamais tombé sous le charme d’une fille, qui incarnait à ses yeux, une beauté majuscule et un charme irréductible ? Qui de ceux qui sont nés bien avant 2000 n’a jamais, ne serait qu’une fois, écrit une lettre d’amour pour fixer avec des mots ou avouer par des phrases bien orchestrées la magie de la sensation d’aimer ?
L’évidence, c'est qu’on a tous aimé ou du moins été amoureux. Chacun a, soit au détour du chemin de l’école, soit dans certaines cérémonies, soit dans n’importe quelle autre situation de la vie, rencontré un jour cet être cher gouvernant sans partage ses sentiments. L’amour n’a pas d’époque même si l’art d’aimer change au fil du temps.
Dans la littérature, on a tous ou presque été séduit par les lettres de Napoléon Bonaparte déclamant son amour à Joséphine de Beauharnais pour parler des charmes de son « incomparable » amour qui « enflamme continuellement son cœur d'une flamme ardente et lumineuse », le fameux poème « A une passante » de Charles Baudelaire(Les fleurs du mal) foudroyé en pleine rue par la beauté majestueuse d’une passante ou encore la belle lettre de Victor Hugo à l'actrice Juliette Drouet.
On se rappelle également les lettres de George Sand à Alfred de Musset évoquant le souvenir du baiser de son amoureux et de celle de Guillaume Apollinaire à la comtesse Louise de Coligny-Châtillon pour nous livrer les secret de charme de son « bijou précieux », sa « perle ronde » le rendant « infiniment heureux.»
Plus proche de nous, Léopold Sédar Senghor, dans un poème intitulé «Ce soir sopé», nous entraine dans une sorte de déclaration d’amour à sa bien-aimée. Ces écrits et lettres d’amour ont inspiré beaucoup de personnes dans leur jeunesse de telle sorte que la plupart d’entre eux se muaient en poète de circonstance pour chercher à séduire leur fille de rêve.
Les lettres, le regard…
La trentaine révolue, Mapenda Cissé se souvient, comme aujourd’hui, de sa première lettre d’amour empreinte de métaphores du genre: « tu es mon rayon de soleil ». La lettre, qui était le premier véritable contact avec l’être aimé et l’un des arsenaux de séduction les plus importants, devait être soigneusement écrite. «Comme j'étais très amoureux de la fille et que j'avais peur de lui faire une déclaration d’amour en face, la lettre était le seul moyen pour faire passer mon message. Mais, ce n’était pas parce que j'étais un poète ou que j’étais fort en écriture.
Au-delà de tout, la lettre n'était qu'un canal de communication », laisse-t-il entendre. Ndèye Aida Diop se rappelle également sa belle époque où l’amour de jeunesse avait cet aspect d’une chose taboue. « Ma période, c'était les lettres, le regard…
On parlait de tout et de rien, en sachant bel et bien ce que tous les deux voulaient. Et puis un bon jour Monsieur décide de faire sa déclaration officielle. Une déclaration que l'on avait hâte d'entendre. Et commencent les visites à la maison où l’on te met au salon avec tous les membres de la famille », explique-t-elle, esquissant un sourire. Par contre, certains, moins téméraires, préféraient passer par leur ami, un intermédiaire, une personne confidente.
Selon Baba Ndao, enseignant de profession, c’est cette personne qui se rendait chez la fille pour lui transmettre les propos de l’amoureux. « On avait l'impression que l'amour était un peu tabou », souffle-t-elle. Célibataire, Kiné Sène abonde dans le même sens : « On demandait à un ami de s’en charger ou un membre de la famille de la fille, avec la fameuse expression : «Dokhal ma boy bi wayy ». Ensuite, la fille, après avoir été informée, prend son temps pour se décider. Si par chance elle est intéressée, elle répond positivement ».
« Les hommes ne séduisent plus »
Si aujourd’hui, les gens continuent encore de s'aimer, les méthodes de séduction ont toutefois bien changé. Les lettres écrites à la main n'ont plus le vent en poupe. Il en est de même pour ce qui est des interminables discours, les visites répétitives au domicile de l’être aimé dont l’unique objectif était d’user de toutes les astuces pour attirer l’attention de la fille et gagner son cœur. Pour beaucoup, conquérir une fille ne nécessite plus de passer par autant d’étapes.
Du coup, il faut raccourcir les escales pour gagner davantage de temps et d’énergie. Mieux, soutient Ndèye Aida Diop, les hommes ne cherchent plus à séduire. « Les hommes n’ont plus de patience. Dès qu'ils te voient, ils pensent au « vuvuzela » pour faire « Waka ». Ce qui veut dire qu'ils n'essaient même pas de t'apprécier », fait-elle remarquer, précisant qu’il y a toujours des exceptions avec des hommes patients et prêts à aimer mais, tout en continuant quand même de lorgner dans tous les sens pour trouver quelque chose à « Waka ».
Cela, surtout si la fille est dans la chasteté. Dans ce contexte de modernisme, l’art d’aimer qui était bâti sur la séduction perd peu à peu de son lustre. « Actuellement, les hommes n'aiment personne. Dès le premier jour, ils te sortent le fameux « Je t’aime » alors que nenni. Ils n'en croient rien.
L'hypocrisie prend le devant sur tous leurs actes », regrette la demoiselle Kiné Sène. Pour cette célibataire, ce cas de figure risque de ne jamais se coller, si l’intéressé tombe sur une fille qui croit au romantisme.
Ndèye Aida Diop pense, toutefois, que cette évolution dans l’art de séduire et d’aimer est liée à une perte de valeurs. «Toute évolution a ses inconvénients mais aussi ses avantages. Cette évolution dans la façon de séduire ou d’aimer n'est pas totalement négative d’autant plus que maintenant, les gens arrivent à faire la différence entre l'amour et le sexe », note-t-elle.
L’art de la séduction à l’épreuve des réseaux sociaux
Contrairement à ce qui est avancé par certains, Mapenda Cissé, de son côté, estime que la séduction reste toujours de vigueur. Elle a justement changé de forme avec l’avènement des réseaux sociaux comme « Facebook », « Viber » ou encore « WhatsApp ».
Les nouvelles technologies ont simplement annihilé le mythe de l’amour, en supprimant cet aspect tabou qui accompagnait la séduction. « Je pense que les hommes continuent de séduire mais pas comme dans le passé. Auparavant, c'était l'homme qui allait directement dans la maison de la fille pour discuter avec elle, en prenant du thé. Toutefois, aujourd’hui, avec l'avènement des nouvelles technologies et Internet, tout se joue avec le téléphone et l'ordinateur », affirme-t-il.
La séduction à l’ère du Web 2.0 a quitté l’espace physique pour celui virtuel.