VILLES ET VILLAGES SOUS PRESSION SUR LA PETITE COTE
INONDATIONS, PAUSE PLUVIOMETRIQUE, VIOLENCE URBAINE ET APRES MATCH…
Le mois de juillet s’achève à Mbour et ses environs dans un contexte assez particulier d’une timide campagne électorale pour les législatives et les effets d’un hivernage qui débute avec de lourdes questions autour. Depuis les premières grandes pluies de la fin juin jusqu’aux énormes trombes d’eau tombées sur la ville et les campagnes, le samedi 8 juillet, avec des maisons abandonnées dans la précipitation et des rues envahies par les eaux sales, la boue et les inondations, tout le département vit sous une forme de pression. Encouragés par les débuts de ce qui devrait être une bonne saison pour les producteurs, tous ceux qui le peuvent se sont mis progressivement à l’agriculture pluviale. Même si un vent frais venu de l’influence des anticyclones bloque depuis quelques jours, la tombée abondante de l’eau dans une ambiance perturbée par les graves incidents survenus lors d’une certaine finale de la Coupe de la ligue entre le Stade et l’Us Ouakam. Mbour, à l’heure des vacances qui sonnent, ce sont ainsi, trois mots qui résument la situation : espoir pour une pluviométrie. Amertume pour les familles qui ont perdu un des leurs pour un évènement qui ne devait être qu’une simple fête du sport. Regrets pour tous ceux qui ont vu en direct ce qui s’est passé.
Un début de vacances sous le coup des eaux. Voilà qui aurait pu résumer la situation qui règne sur la Petite côte depuis le début d’hivernage 2017. Dans une ambiance où la campagne électorale pour les législatives ne mobilise pas grand monde, les villages et communes rurales environnants prient pour une bonne saison des pluies. Mais, pendant que les semis se déroulaient sous la pluie et les vents forts de début d’hivernage jusqu’au soir du 8 juillet, c’est comme un coup de blues qui s’est abattu sur le monde rural. Ce qui n’a pas eu comme effet de décourager les paysans qui sont encore en pleine phase de labour et de semis du niébé, de l’arachide, du mil, et encore du maïs et autres produits fournis par les Ong, les associations et l’Etat quand il peut. Chez certains distributeurs, l’on se vante de n’avoir dans les entrepôts, que des semences certifiées de maïs, d’arachide, de niébé, chez d’autres, le stock est fini depuis belle lurette sous la demande pressante des producteurs qui veulent investir dans des productions nouvelles comme le maïs.
A Thiadiaye, commune rurale située à une trentaine de Kilomètres à l’est de la ville de Mbour, les dernières petites houes occidentales trainées par les ânes, les mulets et les chevaux ont été vendues à un prix très abordables aux paysans qui pouvaient l’accueillir (20.150 FCFA) la vieille machine restée dans les stocks depuis plus quatre ans faute d’acquéreurs. Aux alentours de la petite cité, les champs de mil, d’arachide et de niébé sortent de terre étalant leur verdure à perte de vue sous les baobabs et les quelques rares fromagers géants connus sous le nom plus exotique de kapokier (Ceiba Pentandra) encore debout et tous beaux à voir.
Sur cette vieille piste qui sert de déviation pendant que l’Etat a engagé les travaux de réhabilitation de la voie qui mène de Sandiara à la ville de Thiadiaye, s’étalent tous ces champs en pleine phase de semis ou de labour secoués par des machines tirées par des ânes ou des chevaux, derrière lesquels s’activent quelques hommes d’expériences, mais aussi des enfants, suivis parfois des par des jeunes filles et des femmes qui nettoient avec leur hilaire, le tracé laissé par le passage de la houe tractée. Belles images d’une terre nourricière arrosée par les eaux providentielles venues du ciel ; de Dieu pour le paysan.
Pour la nouvelle agriculture, il semble cependant qu’on attendra un peu ici. On est encore à la houe tirée par le cheval ; et çà coute forcément moins cher pour le carburant (gasoil surtout). La source d’énergie pour l’animal étant le mil à la sortie mais encore un peu de son de blé, et des aliments de bétail. L’hivernage a nul doute bien démarré ; mieux que l’année dernière, mais qu’en 2014 où elle a été une véritable catastrophe avec les pluies qui se sont annoncées qu’aux alentours du 15 aout. Pour le grand bonheur des hommes et femmes restés fidèles à la terre.
Cette année, ceux qui s’essaient à la culture du riz de bas-fonds (parce qu’il y en a encore, ici et là sur la route qui mène à Kaolack, mais aussi en direction de Joal, où existent encore quelques zones humides), ont un grand espoir de faire mieux que l’année dernière, même si déplore, Wally Bakhoum, chargé de la distribution des semences de riz dans la zone de Thiadiaye, les exploitants qui veulent faire du riz ne se bousculent pas à la daté du 10 juillet, devant les hangars pour prendre ses sacs de 50 kilos exposés aux portillons de ces rares magasins de stockage encore disponibles au sein des anciens seccos.
La petite côte retient donc son souffle en espérant qu’il pleuve rapidement les jours à venir pour que les plantes respirent à nouveau l’air frais plein d’eau d’un hivernage assez bien parti pour la saison.
MBOUR ET SON APRES MATCH…Un air d’impuissance devant les faits
Tout à coté des tendances plus ou moins maîtrisées d’un hivernage qui démarre, toute la Petite côte a vécu un autre évènement douloureux ; un simple match de football fut-il une finale de coupe de la ligue, mérite-t-il tout ce qu’on a vu sur les flancs d’un ancien grand stade comme Demba Diop.
Demba Diop, un fils de Mbour dont le nom a été donné au stade le plus célèbre du Sénégal et d’une bonne partie de l’Afrique de l’ouest, serait-il heureux de revoir ces images terribles d’une mise en scène qui l’est encore plus dans le sens le plus obscène du sport et du football en particulier. Un match qui se termine ; une fête qui doit commencer et l’on connaît la suite … Des morts par violence, des dizaines de blessés ; toutes choses dont on se serait passé si des mesures adéquates avaient été prises. Les vacances à Mbour, malheureusement, pour le début du deuxième semestre 2017, çà a été çà.
Un dimanche dont Mbourois comme Ouakamois, et tous les férus de football se rappelleront encore des années. Pour si peu finalement. Parce que dans un match de foot, une telle violence n’a pas encore été observée ici au Sénégal ; même si on peut citer les incidents de la finale de 1980 entre la Jeanne d’Arc, des Koto, Baba Touré, Diokhané, Monteiro Diédhiou et le Casa Sport des Demba Ramata Ndiaye, Solo Gassama, Ousmane Ndiaye Compliqué, Bassirou Ndiaye, Bocandé et encore. Mais celle-ci même si la violence a été contenue du fait de la présence du Premier Ministre Abdou Diouf, il n’y a pas eu de morts.
Des morts et des blessés en masse ! Une question se pose et s’impose. La jeunesse d’aujourd’hui s’est elle adaptée à un tel contexte de violence pour tenir un tel choc ? Dans les années 1970, un pays comme la Côte d’Ivoire avait habitué l’opinion africaine à de telles violences dans ses stades. Gagnoa et même Abidjan n’échappaient pas à la folie des stades. La question ethnique, les rivalités politiques, la haine de l’autre, voilà qui justifiaient tout çà. Les émeutes étaient comme la norme. C’est à partir des années 1984, avec la Can organisée par le pays que les choses se sont calmées. Comme quoi, il fallait juste une grande compétition pour faire comprendre aux Ivoiriens ce qu’était le jeu simplement…
Même situation au Nigéria. Enugu Rangers, le Shooting sport d’Ibadan, tous les derbys étaient des occasions rêvées de sortir les frustrations des uns contre les autres. Ici au Sénégal, certes, une certaine animosité existait entre des équipes comme la Ja et le Jaraaf, mais cela s’arrêtait au stade du derby à travers une opposition de style. Mais dans tout çà, c’est nul doute ce qu’est devenu le football qui fait réfléchir. Du simple jeu, on est passé à des oppositions de clans, de groupes incontrôlés et de défis en tout genre. Le Navétane est aussi passé par là ; avec ses travers, ses perversions, l’emprise du politique qui ne connaissait des fois, rien au sport et qui donnait aux équipes, par pur intérêt, des moyens d’espérer qui n’existe que dans leur imaginaire.
Dans le jeu, mais surtout dans la formule, le sport d’élite est mort dans ce pays. La faute à une mauvaise articulation des politiques de sports si elles existent. La notion de club a aussi disparu. On en est à des rafistolages d’équipes. D’anciennes simples formations de quartier qui deviennent, ce qu’on n’aurait jamais dû imaginer, des clubs d’élites. Des écoles de football, qui devraient être des viviers du football, qui sont érigées en club de foot sans emprise locale, donc sans base. Voilà l’affaire. Dans ce match de la mort, les principales victimes ont été les deux équipes parmi lesquelles, une, l’Us Ouakam qui ne savait pas bien pourquoi elle était là. C’est là l’autre fond du débat. Les clubs d’aujourd’hui mesurent-ils bien le niveau des enjeux qui les attendent quand il est question de finale, du championnat et d’une compétition continentale.
Fort de tout cela, l’un des plus vieux clubs de ce qu’on peut encore appeler l’élite du football sénégalais, le stade de Mbour n’a pas eu beaucoup de chance dans ses parcours. Pillé par l’Asc Police dans les années 1980 qui lui a pris une bonne partie de ses joueurs dont Assane Diagne (poète du football passé par le Club olympique de Téfess (Cot) de Mbour), Mady Koté, Idrissa Fofana, Ousmane Fofana, Adama Ndong, il aura été un des meilleurs clubs du football sénégalais de ces années avec des joueurs de nom et de réputation comme le même Idrissa Fofana, (un des meilleurs buteurs du championnat en 1978 et 1979), Malang Koté, Mamadou Sow, Sadio Demba, Doudou Thiam, Abdoulaye Sarr (l’entraineur), Cheikh Tidiane Niasse, (le génie), Loulou Michel Diouf etc.
Mbour est une ville de footballeurs. La présence de l’Ecole normale lui doit aussi cette chance. Et, elle doit également, cette réputation à la qualité d’organisation de son championnat Navétane même si aujourd’hui, tout semble bien loin de cette belle formule des années 1960-70-80-90. Depuis le Dc, (Daniel Club où a joué l’ancien international Adnan Farhat), l’Espérance de Téfess, avec des talents comme Lune Guèye, Oumar Dia, Mbaye Gorgui, Auguste Mbaye etc. jusqu’au stade de Reims et l’équipe des Onze Diable du Ballon (Odb) avec feux Petit Seck, Almamy Niane, Seydina (qui a joué au Jaraaf, mais encore Kader Guèye (ancien international malien du temps de Salif Keita), mais encore Pape Sow, Cissé Dagana, Lala Soumah (un des meilleurs ailiers gauche avec Fara Gomis que le football sénégalais a vu passer sur le gazon de Demba Diop et du stade Lamine Guèye de Kaolack.
N’oublions pas la grande équipe des Espoirs avec Feu Dianoune Sarr, (milieu de terrain de talent et capitaine du Stade de Mbour pour l’époque) mais encore Séga Sakho, Attila Cissé, Fall, le gardien aux lunettes, Badara Ndiaye, autre génie du ballon qui a joué à l’Asc Police sous Mady Kouyaté etc. N’oublions pas le Brésil des Grand Mbodj, Mbaye Fall, Cheikh Tidiane Niasse, Kébé Mbaye ; tout cela pour dire que la ville était une sorte de temple du football sénégalais comme Saint-Louis, Thiès, Kaolack et Dakar ; mais encore et surtout une ville de grandes vacances. Le tourisme n’a pas écrit ici par hasard ses lettres de noblesse malgré les difficultés actuelles connues par le marché sénégalais.
C’était du beau et du bon en 1970, quand la grande équipe du Jaraaf, des Bamba Diarra, Babacar Louis Camara, Issa Mbaye, Diémé, Matar Niang, auteur du doublé coupe Championnat est venu remercier ses supporters mbourois, un soir au cours d’un match de gala bien mérité. L’on voit encore, le sourire radieux du jeune Mbaye Fall, qui venait retrouver une ville qu’il aimait et des amis qu’il en avait gardés. Aussi curieux que cela puisse paraître, il y avait du Jaraaf et de la Jeanne D’arc à Mbour. Une équipe de la ville a même porté le nom de JA à Mbour. Malheureusement, forte de tout cela, c’est dans cette même ville qu’on vient de dénombrer le plus grand nombre de morts sénégalais dans un match de football ; et cela à l’ère des réseaux sociaux, d’une sécurité renforcée par le Smartphone, la construction d’édifices plus adaptés à ce type d’évènements.
FOCUS SUR…LE LEADERSHIP MUNICIPAL, LE SPORT ET LA VIOLENCE URBAINE : Non ! Le Sénégal n’est pas encore au top
Des villes pas au fait de la gestion municipale. Des terrains de sports pas aux normes et parfois d’un autre âge, le Sénégal est-il au top en matière d’organisation de grands avènements ? Non apparemment, au vu de ce que l’on a vu samedi 15 juillet au stade Demba Diop de Dakar. Un simple match et définitivement, tout bascule d’un seul coup. Voilà l’autre leçon de cette finale de la Coupe de la Ligue version 2017. Sous les arbres, en pleine séance de thé, les jeunes filles comme les garçons sont dans le débat ; histoire de « tuer » le temps et de chasser le blues. On ne parle que de ce football mortel qui tue ses enfants au lieu de leur donner de la joie et du bonheur. L’on ne comprend pas. Souvent annoncés pour mort après l’effondrement du mur, certains apparaissent au bout d’un coin, poussant à la fois, l’hilarité générale et les larmes chez les copains. Pendant toute une semaine, ce fut le même film avec les rumeurs, quelques exagérations et des questions légitimes.
Le jour du match, tout était calme dans la ville. Devant chaque maison, un petit attroupement. On a vu les images en direct, et certaines mères qui avaient laissé leurs enfants partir vont attendre des heures avant d’oser appeler au téléphone. Devant une telle panique, quelle équipe sénégalaise dans sa nouvelle formule a été conçue et préparées pour supporter une pression pareille. Souvent pas un seul médecin dans le staff. Les équipes ne sont dans l’élite que de nom. Elles n’ont pas de staff administratif ; encore moins des infrastructures d’accueil, un siège pour recevoir ce monde et les briefer. Vieux club, le Stade n’a pas de siège véritable. Une maison du stade de Mbour avec des archives, une salle de briefing et de débriefing est une nécessité.
Au niveau de la gestion municipale, il n’existe pas une structure chargée de vendre ou de faire la promotion du sport dans la ville. Même le tourisme qui a été le produit phare de la cité, n’est pas à sa place. Mbour est décidément une très petite ville par son incapacité à se doter d’un avenir maîtrisé, d’un programme de ville qui intègre à la fois les intelligences, la synergie et une véritable force de proposition urbaine.
Le plus terrible est qu’il n’existe pas d’hôpital digne de nom dans la ville. Comment donc dans ses conditions faire face à des évènements si graves qui arrivent une fois dans la vie et qui ne se produisent pas malheureusement que chez les autres. Pour dire simplement qu’ici aussi çà peut arriver.
Et il faudra dorénavant, pendant qu’une certaine composante de Sénégalais se battent pour les législatives, que l’on repense le leadership politique et municipal. Ce débat là aussi est en cours dans une certaine forme de dépit chez ceux qui les animent ; les jeunes comme les vieux. Les femmes comme les hommes. La pauvreté dans la vie, n’est pas une fatalité définitive. Elle n’est qu’un état de fait, pour un moment. Lutter contre la violence urbaine quelle que soit son origine et sa nature, passe par des réponses intelligentes et adaptées…Jacques Bugnicourt, fondateur de l’Ong Enda Tiers Monde l’avait compris et travaillait dessus sous tous les travers.
Mais, plus d’une décennie après la mort de cet homme de vision, l’Africain et le Sénégalais d’aujourd’hui sont-ils capables d’en produire ; à commencer par le Président de la République, lui-même ancien maire de la vieille petite ville de Fatick ?