"JE N'AI PAS FAIT LA CARRIERE QUE JE SOUHAITAIS"
Amadou Katy Diop, ancien champion de lutte
Cette rubrique bihebdomadaire reçoit, aujourd’hui, l’ancien lutteur de Fass, de l’écurie Médina avant d’être le fondateur de l’école de lutte Ndakaru. Amadou Katy Diop n’a pas réussi à atteindre la barre des quinze combats. L’une des icônes de l’arène dans les années 1970 ouvre son album en tant que lutteur mais aussi hors de l’enceinte. L’entraîneur de Yékini revient sur le combat qui l’a le plus marqué, sans oublier ses émotions, ses regrets et peines durant tout son cursus de combattant.
Combat choc : «mon combat contre Balla gaye 1»
«Je n’ai pas disputé beaucoup de combats. J’ai fait onze combats pour sept victoires et 4 défaites. Il faut reconnaître que j’étais l’un des rares lutteurs qui faisaient la lutte avec frappe. Mais je voulais également réussir en lutte libre ; ce qu’on a tendance à appeler lutte gréco-romaine. Donc, je faisais toutes ces formes de lutte. Il est vrai que ma mémoire commence à me trahir. Si j’avais préparé cette question, j’allais revoir mes archives pour dire avec exactitude mes combats chocs. Je sais que mes combats n’étaient pas faciles. Mais, certains de mes proches me disent que mon combat le plus dur était face à Balla Gaye 1. Je me souviens que c’était au stadium Iba Mar Diop. On a lutté pendant plusieurs minutes. Sur une action, je l’avais battu. Mais l’arbitre n’avait pas validé la chute. Je me souviens qu’on s’était blessé tous les deux. J’avais une arcade complètement ouverte. On m’a soigné et j’ai repris le combat. Lorsque je suis revenu de l’infirmerie, je voulais me venger vaille que vaille. C’est là qu’il m’a terrassé.»
Plus gros cachet : «Huit cent mille francs»
«Mon plus gros cachet, je l’ai touché lors de mon combat contre Docteur Faye. J’avais touché huit cent mille francs. C’était un cachet partagé. Pendant cette époque, on avait plafonné les cachets. Mais, le vainqueur recevait un bonus supplémentaire. Je ne me plaignais pas. Beaucoup de lutteurs n’avaient pas encore atteint cette barre.»
Reconversion : «J’ai continué à travailler après ma retraite»
«J’ai arrêté ma carrière en 1987. Je ne faisais pas que la lutte. J’étais magasinier dans une boîte. Après ma retraite de l’arène, j’ai continué à travailler jusqu’à ma retraite professionnelle. À la fin de mon parcours, j’ai créé l’école de lutte Ndakaru en 1995. Je formais des lutteurs. C’était mon devoir car j’ai reçu des enseignements que je devais transmettre à la jeune génération. Grâce à Dieu, j’ai lancé beaucoup de lutteurs.»
Joie : «Avoir tenu en échec un champion yougoslave»
«Je n’ai pas fait la carrière que je souhaitais. C’est dommage. J’avais tout le temps des blessures et des maladies. Toutes choses qui ont handicapé ma progression sportive. Je ne disposais pas des soutiens qu’il fallait pour me pousser de l’avant. La seule consolation que je peux citer, c’est lorsque j’ai tenu en échec un champion yougoslave lors de notre voyage dans ce pays. Ce dernier avait pratiquement battu tous mes partenaires en équipe nationale, sauf moi. J’étais heureux ce jour-là.»
Déception : «Si c’était à refaire, je ne serais pas lutteur»
«Je regrette d’avoir été lutteur. Je devais faire d’autres disciplines sportives que la lutte. Souvent, on ne gagne rien dans cette discipline. Peut-être qu’on se fait seulement des ennemis. Alors, même si ce n’est pas propre à la lutte, c’est beaucoup plus civilisé ailleurs dans les autres sports. Si c’était à refaire, je ne serais pas lutteur.»
Anecdote : «Les JO de 1976, feu Arona mané et moi»
«J’ai tellement de choses à raconter que j’ai du mal à choisir un aspect. Il y a un fait qui m’a marqué depuis des années. C’était durant un de nos regroupements avec l’équipe nationale de lutte. Feu Arona Mané, qui était un grand technicien et un enseignant au collège Saint Michel, m’avait demandé de le laisser partir aux Jeux olympiques de 1976. Je l’avais devancé d’un point. Donc, on m’a sélectionné pour aller défendre les couleurs du pays. Après cette campagne internationale, feu Arona Mané devait prendre les rênes de la Direction technique ou la sélection parce qu’il devait arrêter sa carrière de lutteur pour intégrer l’encadrement technique. Il avait beaucoup insisté. En effet, il savait en âme et conscience que ses jours étaient comptés. Il a été rappelé à Dieu peu de temps après le tournoi. Il voulait que je lui cède ma place pour pouvoir disputer son dernier tournoi et faire ses adieux au monde de la lutte. Personne en ce moment n’avait compris ses intentions. Il était le seul à comprendre. Je n’arrive pas jusqu’à présent à oublier cela malgré les années.»
Voeux : «Que la lutte soit gérée par les lutteurs»
«Je souhaite que la lutte soit gérée par les lutteurs. également, je veux qu’on puisse organiser un jour un championnat de lutte grécoromaine. Depuis des années, les anciens pratiquants revendiquent l’instauration de cette discipline partout à travers le pays. Mais cette doléance n’est jusque-là pas prise en compte. On n’a pas de championnat.»
Famille : «J’ai une famille qui me comble»
«Dieu m’a donné une grande et bonne famille. Je ne vais pas étaler le nombre de mes enfants et de mes épouses. Mais, je voudrais simplement dire que j’ai une famille qui me comble. J’ai aussi la chance d’avoir un fils qui apprend la lutte (Guine Weur). Il est jeune et il essaie de suivre la voie des grands champions. Maintenant, son objectif est naturellement de suivre mes pas ou de faire mieux que moi. Je lui souhaite une très grande réussite.»