LE MANQUE D'INFRASTRUCTURES, FREIN AUX LOISIRS DES JEUNES
Foundiougne
Foundiougne est une terre d’espoirs entretenus par ses potentialités et un champ étendu que sa jeunesse s’échine à ensemencer malgré les obstacles qui se dressent devant elle. L’emploi en est un malgré les promesses des graines semées par les agences de financement dédiées aux jeunes. Le sport, hormis la lutte traditionnelle, lieu de refuge et d’accomplissement social, peine à sortir la tête de ses enchanteresses étendues d’eau. Le manque d’infrastructures sportives et culturelles, cadres de distraction par ailleurs, sont des obstacles à l’épanouissement des jeunes et à la réalisation de performances.
Une dizaine de jeunes conversent sous des arbres feuillus autour d’une table encombrée de récipients, de bouteilles et de divers autres gadgets électroniques. Dans une chaleureuse ambiance, ils parlent avec enthousiasme de la première édition de l’événement culturel « Foundiougne reggae man groove » qui regroupe plusieurs chanteurs de reggae des Iles et des environs.
On semble l’attendre avec impatience car, hormis le Festival annuel de Foundiougne, le « peuple » bûcheur de cette zone de la région de Fatick est rarement convié à de pareilles réjouissances même s’il peut se prévaloir d’avoir été deuxième lors du Festival national des arts et des cultures (Fesnac).
Les jeunes cherchent plutôt à s’assurer un avenir meilleur. « A l’époque, quand le bateau de croisière, Bou El Mogdad, était encore là, beaucoup de jeunes s’activaient dans le tourisme. En plus de cela, l’hôtel Le Piroguier a perdu de son attrait. Il y a moins de touristes et naturellement les personnes qui en tiraient des revenus substantiels ont vu leurs gains fortement baisser », indique Alcaly Diamé.
Comme lui, beaucoup de jeunes de la localité ont embrassé le métier d’enseignant pour se prémunir contre l’incertitude. D’autres ont investi le transport avec les motos-taxis « Jakarta » qui pullulent sur les deux rives. La pêche à la crevette est également une des principales activités des jeunes bien qu’elle soit moins florissante aujourd’hui avec la baisse de la production et la concurrence de pêcheurs d’autres localités qui viennent y chercher fortune.
Toutefois, pense le chef de service départemental de la Jeunesse de Foundiougne, Seny Ndiaye, les financements attendus de l’Agence nationale pour la promotion de l’emploi des jeunes (Anpej) et du Projet d’appui à la promotion de l’emploi des jeunes (Papej) sont porteurs d’espoirs. Regrette-t-il juste les lenteurs notées dues à des malentendus sur les apports en ce qui a trait au financement que devrait octroyer le Papej qui a retenu 40 projets dont quelques-uns conçus par des femmes.
L’Anpej a retenu, quant à elle, 30 projets faits par des jeunes. Il lui semble nécessaire de changer de paradigme en travaillant davantage à donner une bonne formation aux jeunes ; ce qui, à ses yeux, a plus de portée que les subventions accordées lors des activités de vacances.
Le sport collectif et l’absence d’infrastructures
Comme dans plusieurs localités du pays, les jeunes de Foundiougne se plaisent à s’adonner à la pratique du sport comme à la fois une activité récréative et un moyen pour se réaliser socialement. L’effervescence que suscite le « navétane » (championnat populaire) en est une parfaite illustration. Le département de Foundiougne compte 14 zones réparties dans les 17 communes.
Les principales disciplines collectives qui y sont pratiquées sont le football et l’athlétisme. Le basket-ball est dans une profonde léthargie malgré les discrets sautillements du club fanion de la localité, le Foundiougne basket club qui n’a pas pu participer aux compétitions faute de moyens. L’équipe communale de football qui végète dans les divisions inférieures des compétitions organisées par la fédération ne s’est pas engagée cette année pour des problèmes internes.
Les équipes, Diofondor et Académie football club de Foundiougne, essaient d’exister au niveau régional. Le volley-ball et la voile sont à leurs balbutiements. La ligue de natation y a été récemment installée grâce à l’excellent plan d’eau que la zone donne à voir. La principale difficulté à laquelle le sport collectif est confronté à Foundougne, chef-lieu de département, est liée à l’absence d’infrastructures de bonne qualité.
« Le stade municipal qui dispose d’une tribune menaçant ruine est dans un état de délabrement avancé. Le seul plateau dont disposent les basketteurs est dans un piteux état. Les autres zones environnantes comme Passy, Sokone sont mieux loties », déplore l’inspecteur des Sports du département de Foundiougne.
La cartographie des infrastructures culturelles dessine à peu près la même réalité. Toubacouta a un centre d’interprétation avec un théâtre de verdure pouvant contenir jusqu’à 700 places assises et des salles d’exposition alors que la commune de Foundiougne ne dispose que d’une salle des fêtes. Celle de spectacles, logée dans le Centre départemental d’éducation populaire et sportive (Cdeps) également en mauvais état, a été transformée en salle d’informatique pour un programme de formation gratuite des jeunes.
La lutte, un éclair dans la grisaille
S’il y a un sport qui suscite une passion exacerbée de jour en jour, c’est incontestablement la lutte traditionnelle ; un culte entretenu par l’enthousiasme débordant des populations et des lutteurs qui en tirent fortune et gloire. Foundiougne est un grenier de la lutte. Depuis la réforme du drapeau du chef de l’Etat instituant les équipes, la région de Fatick s’illustre de fort belle manière. Il y a, à chaque fois, au moins trois lutteurs qui sont de Foundiougne.
En individuel, sur les 19 éditions, 14 vainqueurs sont de Fatick avec une belle moisson pour les athlètes de Foundiougne. Ici, on lutte le jeudi, le vendredi, le samedi et le dimanche pour étaler ses prouesses et faire honneur à son village. L’arène municipale, en meilleur état que les infrastructures des autres disciplines, accueille, les soirs d’exhibition des possibilités du corps, des lutteurs et des gens férus de ce sport de divers horizons.
Chaque commune a un comité local de gestion. Avant l’ouverture de la saison, le président du comité départemental de lutte et l’inspecteur de la Jeunesse supervisent l’assemblée générale et l’élaboration du calendrier des compétitions. Chaque année, au moins 150 séances de lutte sont organisées dans le département. Chaque village choisit ses dates pour l’organisation des combats.
La catégorisation des poids est en fonction des jours. Au-delà des aspects culturels et sportifs, la lutte est, dans cette zone, une activité et économique et sociale qui témoigne de la survivance des valeurs de solidarité. Les recettes issues de ces séances de lutte traditionnelle -les entrées étant payantes- permettent au comité local de participer à la bonne marche du village.
« Des classes ont été construites grâce à ces retombées ; des mosquées et des églises réfectionnées, des forages entretenus. C’est le village qui organise grâce à un fonds alimenté par des cotisations et un champ collectif. Cela leur permet également de prendre en charge les participants. Et nous, nous mettons à leur disposition des arbitres et des superviseurs. Nous ne nous occupons que de l’aspect technique », renseigne Babacar Diouf, président du comité départemental de lutte et également professeur d’Education physique et sportive.
De plus en plus, des promoteurs, dont le fils de la défunte cantatrice Khady Diouf, Leyti Ndong, s’intéressent à ce milieu eu égard à l’engouement qu’il suscite et son intérêt grandissant. Le lutteur de Foundiougne ne jouit pas d’une grande célébrité comme celui de la capitale, Dakar, mais se fabrique un destin et cultive les valeurs de solidarité en faisant de ses triomphes un moyen de venir en aide à sa communauté. « Il y a beaucoup de lutteurs qui se sont constitués un cheptel grâce aux victoires engrangées lors des séances de « mbapatt ».
Certains d’entre eux gratifient les organisateurs de bœufs à l’occasion des fêtes religieuses. C’est assez fort comme symbole de solidarité. Le lutteur ne s’extirpe pas de la réalité de son terroir parce que les victoires sont, ici, collectives ; ce sont celles de tout un village, de toute une communauté solidaire », magnifie Babacar Diouf tout en regrettant les horaires imposés par le regain des activités économiques. Les séances débutent vers 20 heures pour se poursuivre quelquefois jusqu’à 4 heures du matin.
« A l’époque, les joutes commençaient vers 14 heures pour se terminer à 19 heures. Malheureusement, à cause des marchés hebdomadaires et de certaines contraintes, nous entamons tard les séances. Cela pose un problème de sécurité et nous interpelle en tant que parents d’élèves. Nous ne voudrions pas non plus que certains en profitent pour se livrer à la débauche. Nous sommes en train de réfléchir à une meilleure formule », ajoute celui qui est par ailleurs entraîneur de lutte et de football (2ème degré).