«ON NE VA PAS AUX JO POUR APPRENDRE»
ABDOULAYE MAKHTAR DIOP, ANCIEN MINISTRE DES SPORTS
Après Rio 2016, l’heure est à l’évaluation. Pour l’ancien ministre des Sports, d’Abdoulaye Makhtar Diop, on ne va pas aux Jeux olympiques pour apprendre.
Les Jo 2016 de rio sont terminés et les sportifs sénégalais rentrent une fois de plus avec zéro médaille au compteur…
Les jeux olympiques sont la manifestation la plus relevée du sport international. À Rio, le Sénégal est à sa place. Parler de contreperformances, c’est comme dire que nos athlètes devaient ou pouvaient avoir de médailles et ils ne les ont pas eues. La vérité est que nous n’avons pas de sportifs de haut niveau préparés dans les conditions optimales et appropriées pour prétendre à des médailles. Balla Dièye (taekwondo) était dans ces dispositions, car il a pris part à plusieurs tournois dans le cadre de sa préparation pour les jeux. S’il a échoué, on peut dire que c’est une contreperformance… Il y a quelques années, pour parer à une telle éventualité, on avait pensé stabiliser toutes les Fédérations en créant ce qu’on appelle les mandats olympiques. Les présidents sont élus pour quatre ans afin de les permettre de préparer les compétitions internationales. Si on fait référence à Amadou Dia Bâ (seul médaillé olympique sénégalais en 1988 au 400 m haies), son succès à Séoul était l’aboutissement d’un long processus qu’on avait commencé dix ans plus tôt. Et à l’époque, l’État ne l’avait pas suffisamment aidé. Aujourd’hui, nous avons un potentiel d’athlètes âgés de 13 à 14 ans qu’il faut préparer sur 8 ans. Qu’il faut mettre dans de bonnes conditions en les faisant participer aux compétitions de cadets. Usain Bolt, à 19 ans, avait déjà battu le record du monde en juniors.
Qu’est-ce qu’il faut concrètement pour que l’on ait d’autres Dia Bâ ?
Il faut avoir des infrastructures de base destinées à la détection, à l’encadrement et à une formation suivie. je crois qu’on peut faire du stade Assane Diop un centre de formation avec une piste d’athlétisme, un terrain de football… Ça peut être un vivier pour les échéances à venir. Nous pouvons beaucoup espérer avec les jeunes sportifs s’ils sont bien encadrés. Mais attention ! On peut préparer un athlète dans de bonnes conditions et ne pas gagner une médaille olympique. Prenez le cas du Français Renaud Lavillenie (médaillé d’argent saut à la perche à Rio). Il pensait vraiment gagner la médaille d’or. Le résultat tient parfois à l’athlète.
Certains techniciens avaient déclaré avant les Jo que le Sénégal allait à rio pour apprendre ?
C’est l’une des déclarations qui me fait très mal. On ne va pas aux jeux olympiques pour apprendre. Ce n’est pas là-bas que l’on se met à l’apprentissage. Les jO, c’est pour récompenser les meilleurs athlètes. Le CNOSS (Comité national olympique et sportif sénégalais) est en train de donner des bourses à certains athlètes, mais cela n’est pas suffisant. Il faut dans la responsabilité sociétale de certaines grandes entreprises dégager des fonds destinés essentiellement aux grandes compétitions.
Pourtant l’État a déboursé 800 millions fCfa pour la participation…
Il faut faire très attention par rapport à cette somme. Souvent à la veille de chaque compétition l’argent qu’on donne aux athlètes, c’est pour les aider non pas pour leur préparation physique mais plutôt pour les mettre dans de bonnes conditions (de participation). Ces 800 millions FCFA servaient à payer les primes, les indemnités… Dans cette histoire, je me suis désolé particulièrement de la déclaration d’Hortance Diédhiou (du judo). tout comme j’ai été déçu des responsables du sport sénégalais qui lui ont répondu. j’estime que c’est un problème qu’on devait gérer d’abord en interne une fois arrivé au Sénégal. La maturité de nos responsables devait les pousser à ne pas la répondre à l’extérieur. je déplore aussi que la délégation puisse avoir des problèmes de transport alors que les jeux se préparent dans un intervalle de 4 ans. On quitte Dakar (à l’Ouest) pour aller à l’Est vers l’Éthiopie ensuite le Sud en Namibie pour rallier Rio, c’est une catastrophe. Cela est à condamner.
Où se situent les responsabilités ?
On parle de certains athlètes qui ont été bloqué des heures en Namibie faute de visas. Mais les visas doivent se régler un an avant. Comment peut-on avoir des ambassades, avoir un ministre des Affaires étrangères et ignorer qu’il faut un visa pour la Namibie. Franchement, ce fait ne passe pas dans ma tête. j’encourage le ministre des Sports Matar Bâ, mais ça c’est une faute impardonnable. C’est une des leçons à tirer
Quelles appréciations faites-vous de la prestation des basketteuses championnes d’afrique qui ont enregistré 5 défaites en autant de sorties ?
je ne suis pas surpris des résultats de notre équipe nationale féminine de basket-ball. C’est ça la place du Sénégal et du continent africain dans une compétition de ce niveau. Le Nigeria, pour le basket masculin, a fait une belle prestation parce que la plupart des joueurs sont dans de grands clubs et dans des championnats huppés. Ce qu’il faut éviter à l’occasion de ces genres de compétitions, c’est de préparer l’opinion nationale à des victoires, en faisant fi du niveau de nos athlètes. Ce n’est pas dire la vérité aux Sénégalais… Il faut que les gens travaillent ensemble pour préparer les grandes compétitions.