LE MONDE EST PEUT-ETRE CE QU’IL EST CAR IL EST EN DEFICIT D’ART
Avec une maestria époustouflante, Abdoul Edouard Dia signe un premier majestueux par son caractère transfrontalier, transnational et transgénérationnel. « Hermès T., ou l’ultime secret d’Akhenaton » est un roman de 247 pages (Ed. Baudelaire, 2024)
Avec une maestria époustouflante, Abdoul Edouard Dia signe un premier majestueux par son caractère transfrontalier, transnational et transgénérationnel. « Hermès T., ou l’ultime secret d’Akhenaton » est un roman de 247 pages (Ed. Baudelaire, 2024) qui présente une forte saveur de spiritualité, et du soufisme dans ce qu’il signifie de pureté.
Le livre appelle à la renégociation de son identité et la déconstruction des béates certitudes. Il oriente vers une lecture intelligente et tolérante des religions et suggère de considérer la réelle majesté de Dieu souvent préféré aux temples par ignorance. Banquier international, Dia est un ingénieur diplômé des grandes écoles en France et de Harvard Business School, féru d’histoire, de philosophie et de littérature. Roumain par sa mère, le Sénégalais vivant au Canada et parcourant le monde entretient ici de son propos littéraire.
Parlant littérature, ce roman est écrit avec une grande justesse et un rythme entrainant. Combien de temps ont pris sa structure et sa réflexion ?
Pour dire vrai, je n’ai pas pensé en termes de méthodes d’écriture comme une structure préétablie ou une forme de gros œuvre dans un bâtiment. J’avais une idée globale de ce que je voulais dire, j’ai écrit les dix premières pages comme elles me sont venues.
Les autres pages, quelque part, se sont écrit toutes seules. C’est une aventure extraordinaire que j’ai vécu avec ce premier roman. Ce livre m’est apparu comme une évidence.
En revanche, et peut-être cela tient de ma formation scientifique, chaque fois que j’avançais en arguments ou mentionnais un lieu, c’était toujours un argument ou un lieu réel qui existe, que je connaissais ou vérifiais. C’est comme une démonstration mathématique où chaque avancée est connue et certifiée.
Il y a justement une forte saveur de carnet de route. Avez-vous subi ces endroits que vous énoncez ?
Carnet de route sied parfaitement à ce que j’ai fait. Ce sont des lieux que je n’ai pas tous forcément subis, mais que j’ai aimés. Et j’ai trouvé que dans la trame du livre, ces endroits seyaient parfaitement à ce que j’allais décrire par rapport aux personnages ou aux situations.
En attribuant le Field à Thierno, vous dites un fantasme ou vous corrigiez un impair ?(Rires)
Vous savez, tout mathématicien a ce rêve absolu de la Médaille Field. C’est ma passion, ma formation de départ, et j’ai dû bifurquer dans le monde de la finance. Mais, au fond de moi, c’était un rêve secret. Malheureusement, c’est trop tard pour la Médaille Field parce qu’il faut avoir moins de 40 ans.
S’agit-il réellement d’un roman ?
Je perçois la subtilité, et je répondrais que ce n’est pas un roman autobiographique. Mais il est vrai que les personnages, les lieux et les situations font référence à des entités qui existent. Certains personnages sont des compositions de plusieurs personnages que je connais, d’autres sont des personnes lus ou estimés.
Mais c’est un roman authentique dans le sens où je me suis beaucoup donné. Ce roman me ressemble beaucoup.
Ce n’est pas autobiographique dans le sens chronologique, mais les messages et la saveur qu’il contient renvoie à mon identité.
Il vous définit ?
Je ne dirai pas qu’il me définit, car comme pour chaque humain je suis plus complexe que ce que j’écris. Mais ce roman est sincère, pas totalement de ce que je suis, mais de ce que je pense. C’est un roman assez éclectique, qui parle de plusieurs endroits. C’est un mélange du monde. En cela il me ressemble car de toute ma vie je n’ai fait que voyager. Il parle de sciences, de soufisme, d’ésotérisme, d’histoire, … et ça aussi c’est moi en termes de pensées. Sur le rapport spiritualité et religion, je ne suis pas loin de ce qui est dans ce roman.Vous faites bien d’employer le qualificatif éclectique.
Dans la der, vous rassemblez 4 personnages riches et très différents de leurs systèmes pour porter le message providentiel. Pourquoi ce choix ?
Pour dire que le monde est complexe et multiple. De plus en plus, malgré les avancées technologiques, malgré la super circulation de l’information, les civilisations sont encore plus polarisées. On exige aux gens de se déterminer en race, en communauté, en religion, etc.
Je pense que l’avenir de l’humanité est dans le syncrétisme, que l’être humain est bien plus complexe qu’une seule entité. On ne peut pas demander au métis de se déterminer, il est chacun de son métissage. Il est de partout. La philosophie générale est de dire qu’on peut être plusieurs choses en même, qu’il faut se déconstruire.
Il faut refuser l’obscurantisme, qui est une plaie de l’humanité et gagne de plus en plus de terrain.
Nous n’en sommes pas là parce que cherchant à presque tout caricaturer ou imager, à figer les choses en un aspect ?
Je suis tout à fait d’accord. Je pense d’ailleurs que c’est pour des besoins de simplification. La caricature peut être une indigence spirituelle qui fait qu’on simplifie les choses pour fuit leur complexité.
Et en simplifiant, on omet beaucoup de subtilités qui portent le goût du sujet. Parlant de religion et de science, une de leurs différences fondamentales c’est que les religions sont souvent fondées sur des certitudes or les méthodes scientifiques tiennent en leur recherche de convictions.
C’est différent ! La certitude est une vérité à laquelle on se cramponne, et on refuse ou a peur de la mettre en cause. Car si on la questionne, c’est son équilibre propre qui change, d’où les réactions de violence, etc. Même devant l’évidence, la certitude reste têtue. Or la vérité scientifique est une vérité du moment.
La science accepte de changer cette vérité si une autre vérité supérieure lui est opposée. On pensait que la terre est plate, Galilée soutiendra qu’elle est ronde, et aujourd’hui on sait qu’elle est aplatie aux pôles.
Enfin, je ne mets pas une échelle de valeur entre les deux je constate simplement.Qu’est-ce qui a guidé le choix de la dépositaire et du médiateur, qui est par ailleurs la grande surprise du livre ?Pour plusieurs raisons.
D’abord j’ai voulu du mystère et de la surprise dans le livre. Avec votre question je peux dire que j’ai réussi (Rires). J’ai aussi aimé que ce soit une femme qui soit l’élue, parce que la plupart des philosophies des religions met l’homme au centre. J’ai voulu casser le code, dire que la femme est un Homme aussi. Je ne connais pas de religion révélée où la femme porte le message.
Le fait que la messagère soit la dépositaire de la nature m’a aussi beaucoup interpelé. Je pense que, dans la nature, on peut retrouver ce Dieu dont les hommes se gargarisent. C’est aussi une femme qui vient de rien, qui avait une vie dissolue, que la vie avait rendu endurcie et qui a vaincu.
J’ai préféré ce symbole, pour dire que pour porter un message d’humanité, il n’y a pas qu’une question de connaissance. C’est plus profond que cela.
Justement, parlant écologie, comment l’humain doit habiter l’environnement ou plutôt cohabiter avec cet environnement qu’il a tendance à mépriser ?
C’est un vaste débat. Et les débats sont tellement polarisés qu’on oppose une gestion optimale de la nature avec le besoin de croissance, de développement, de nourriture de la population, etc. C’est un sujet politique, c’est compliqué d’en tirer une réponse nette.
Mais je sais que nous sommes obligés, d’une manière ou d’une autre, à trouver un consensus avec la nature. Parce que la nature, elle se venge toujours. Encore, au fond, la nature n’a pas besoin de l’être humain, mais ce dernier a besoin lui de la nature.
Poussons les choses à leur extrémité : imaginons que l’homme détruise la nature au sens terrestre du terme avec par exemple une bombe atomique pour tout brûler. Ce qui se passera dans quelques siècles, c’est que la nature va se régénérer et l’être humain ne sera plus là. Il y a eu dans l’histoire de la terre cinq extinctions de masse. Il ne restait que 1%, et pourtant la nature est revenue.
L’être humain a besoin de la nature et non l’inverse. La terre existe depuis six milliards d’années, or l’homo sapiens est apparu il y 150 000 ans. La terre est du système solaire dont il est l’une des plus petites planètes.
Le système solaire fait partie d’une galaxie, la voie lactée qui compte des milliards de soleils. La voie lactée elle-même est une galaxie toute petite dans des milliards d’autres galaxies. Tout ceci se trouve dans l’univers visible qui forme 1% de l’univers total. Il faut lire le coran. Il y a à se poser des questions.
Dans le livre, vous sublimez l’art …
On oppose souvent les artistes aux scientifiques. Ces derniers étant considérés comme des gens bien rationnels, avec des choses bien droites bien carrées. Et des artistes, on dit qu’ils vont dans tous les sens. Or, les plus grands scientifiques sont souvent des artistes.
L’un va avec l’autre. L’art est la vision du beau, de l’agréable, de ce qui est bon. Ce qui est beau n’est pas forcément utile. C’est ça l’esthétique. Pour moi, l’art s’adresse aux sens. Je pense d’ailleurs que le monde est ce qu’il est car il est en déficit d’art. On cherche tellement l’utilitaire, tellement le mécanique, qu’on en oublie de nourrir nos sens.
La peinture, la musique, la gastronomie, le spectacle, etc. C’est cela l’art, et c’est nous.
D’autres livres en vue après ce premier ?
Oui. Il y en a que je pense terminer d’ici la fin de l’année.
Un avant-goût ?
Ce sera un livre qui va encore me ressembler. C’est une fiction basée sur des faits réels. C’est de l’hyper-réalité, je dirai. C’est une histoire qui se passe au 14e siècle et qui reliera l’Empire du Mali et la France avec le royaume des Capétiens. C’est toujours ce lien entre les continents.