«LES FAMEUX CLASSEMENTS DU DOING BUSINESS SONT LA PIRE ESCROQUERIE DES INSTITUTIONS»
Papa Demba Thiam, économiste et ancien fonctionnaire de la Banque Mondiale invite les décideurs politiques à prendre de la hauteur par rapport aux orientations des institutions de Bretton Woods pour sortir leur pays de la dèche…
Invité samedi dernier a examiné les recommandations du Fonds monétaire international (Fmi), lors de sa dernière mission au Sénégal dans le cadre des activités mensuelles de l’Africaine de recherche et coopération pour l’appui au développement endogène (Arcade) en partenariat avec la Fondation Rosa Luxembourg, Papa Demba Thiam, économiste et ancien fonctionnaire de la Banque Mondiale invite les décideurs politiques à prendre de la hauteur par rapport aux orientations des institutions de Bretton Woods pour sortir leur pays de la dèche…
L’ancien fonctionnaire de la Banque mondiale, Papa Demba Thiam, devenu entrepreneur-conseil en développement industriel intégré par les chaines de valeurs, portant un regard sur les dernières recommandations du Fonds monétaire international (Fmi), lors de sa dernière mission au Sénégal se dit «outré» par celui-ci, dans sa façon d’orienter les pays membres. A cette analyse, il dira: «Les fameux classements du Doing Business sont tout simplement la pire escroquerie des institutions, où l’on vous demande de réformer et puis après, on vous classe meilleur élève, moyen, mauvais sur la base des critères subjectifs».
Parlant de prescription qu’il trouve abyssale, ce fin observateur des économies africaines dans leur fonctionnement et leurs rapports avec les institutions financières internationales, s’interroge sur les raisons qui font que l’Afrique ne décolle toujours pas. D’où la question: «Prescription à qui?»
Poursuivant son raisonnement, il avance : «La vérité des prix de manière universelle n’existe pas, pas même aux Etats-Unis, parce qu’elle est relative. Et elle dépend des objectifs poursuivis». Mieux encore, «même dans du marché, la vérité des prix des entreprises est tributaire des objectifs que l’entreprise poursuit». Et même dans le cas précis, tient-il à faire savoir : «La vérité des prix n’est pas appliquée à tous les produits. Parce que certains d’entre eux rapportent beaucoup plus d’argent à l’entreprise. Ces dits produits sont des vaches à lait, qui rapportent de l’argent à l’entreprise avec un minimum d’efforts pour soutenir des produits vedettes. Donc, ces produits-là, doivent bénéficier d’une subvention. Ce qui, incontestablement permet à celle-ci (entreprise) de se développer, en constituant la locomotive de l’entreprise», fait-il savoir.
A suivre l’ancien coordonnateur puis directeur de projets pour le développement du secteur privé et du commerce dans les pays Afrique caraïbes pacifique (ACP) en liaison avec l’Union européenne, consultant international auprès de l’Organisation des nations unies pour le développement industriel (ONUDI) et auprès de la Commission européenne, fonctionnaire à l’Organisation de coopération et développement économique (OCDE) et économiste principal au Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest : «Il y a des secteurs d’activités qui sont porteurs sur le plan potentiel qui ont un avantage comparatif et que des politiques économiques et des stratégies doivent être transformées en avantage comparatif. Et c’est ça, le rôle d’un Etat. Car, un Etat doit être capable de flairer les opportunités sans perdre de vue l’objectif qui lui assigné. Et c’est comme ça que marche l’économie!».
«EVITER DE SUIVRE AVEUGLEMENT LES INSTITUTIONS DE BRETTON WOODS SERAIT BENEFIQUE POUR NOTRE ENVOL ECONOMIQUE»
Aussi, le fonctionnaire de la Banque mondiale qui a pris sa retraite anticipée demande aux décideurs politiques d’être vigilant par rapport aux recommandations des institutions de Bretton Woods. A ce propos, il confie : «Le grand problème de l’Afrique et du Sénégal en particulier, c’est qu’en réalité, nous n’avions pas bâti notre économie sur nos propres forces, mais ce sont les autres qui gèrent nos faiblesses parce que nous nous sommes donnés pieds et mains liés à eux alors qu’on bâtit une économie sur ses propres forces».
Certes, «le partenariat avec la FMI et la Banque mondiale est une bonne chose», dira le consultant international au service des gouvernements Suisse et Allemand mais, «le Sénégal doit fonctionner à partir de sa propre vision du développement déclinée en stratégies de développement en programmes, projets par des actions qui sont pensées par des Sénégalais pour le Sénégal. C’est de cette manière qu’on peut désigner aux institutions internationales quel est leur concours par rapport à notre projet et non le contraire ; au motif que nous avons besoin de 100 ou 200 millions qu’on doit les laisser bouleverser notre stratégie de développement économique comme nous l’avions fait dans le passé». Il ajoute: «Dès que l’on nous parle de croissance avec un taux élevé ou faible nous semblons perdre notre raison. Alors que ces chiffres ne signifient rien s’ils sont déconnectés de la réalité de leur histoire. Ils sont une photographie d’une situation à un instant donné.
Et tant que vous ne remontez pas la chaine de maitrise des occurrences qui ont amenés ces chiffres là, vous ne comprenez rien à ça. Je suis toujours étonné d’entendre dire : «pour se développer, il faut un taux de croissance élevé». Ceci est aberrant ! Lorsque la croissance n’est pas inclusive avec un maximum de personnes aux activités économiques, et sociales auxquelles elles attachent la valeur, elle n’a aucune signification…». Etonné de voir revenir de manière récurrente la question de la soutenabilité de la dette pour le Sénégal par le FMI, Adama Wade, directeur du magazine économique et financier «Financial Afrik», capitaine au long cours de la marine marchande et co-débatteur du jour, emboitant le pas, s’interroge sur le degré d’indépendance de nos politiques économiques et financières, le coût de l’orthodoxie néolibérale sur nos économies et le coût du bon élève dont nous faisons souvent montre…