«QUAND ON REGARDE LES 20 DERNIERES ANNEES, ON N’A JAMAIS CONNU UNE TELLE CAMPAGNE»
Le Pr Moussa Baldé a, en outre, fait le bilan de la présente campagne et se projette déjà sur la prochaine avec le démarrage du processus de la mise en place des semences arachides depuis le 15 avril dernier.
N’eut été l’agriculture, le Sénégal allait connaître une récession économique à cause de la covid-19. Fort heureusement, la saison a été pluvieuse et le département a été bien généré par le gouvernement. Conséquence, le taux de croissance avoisine 2%. La prochaine campagne arachidière d’annonce déjà sois de bons auspices. L’état a décidé de remettre 70 000 tonnes de semences aux producteurs dont au moins 60 000 certifiées. C’est le ministre de l’Agriculture et de l’équipement rural qui l’annonce dans cet entretien accordé à «L’As». Le Pr Moussa Baldé a, en outre, fait le bilan de la présente campagne et se projette déjà sur la prochaine avec le démarrage du processus de la mise en place des semences arachides depuis le 15 avril dernier. En perspectives des locales, le Coordonnateur du réseau des Universitaires républicains (RUR) s’est posé comme un fédérateur de la coalition Benno Bokk Yaakaar de la région de Kolda.
Monsieur le ministre, où en êtes-vous avec la campagne de commercialisation de l’arachide ?
La campagne de commercialisation de l’arachide a démarré fin novembre 2020. Aujourd’hui, nous sommes à 133 jours de campagne etle volume total de la collecte officielle est de 674 566 tonnes, soit 200 000 tonnes de plus que toute la collecte de la campagne précédente. On peut dire sans risque de se tromper que cette campagne de commercialisation est probablement la plus enrichissante depuis des décennies au Sénégal. En effet, quand on regarde les 20 dernières années, on n’a jamais connu une campagne comme celle-ci. Jusqu’en 2014, les collectes dépassaient rarement les 300 000 tonnes. On a même eu une collecte de 35 000 tonnes en 2012. Même en 2018 qui est l’une des dernières années où on a eu une très bonne production de l’arachide, au mois d’avril, on était à moins de 600 000 tonnes. Aujourd’hui, nous sommes à plus 674 000 tonnes. Si on valorise 674 000 par rapport au prix moyen, c’est environ 200 milliards francs CFA qui sont allés directement entre les mains des producteurs du monde rural. Rappelons également que cette année, les exportations ont été taxées. Dans ces 674 000 tonnes, en réalité, nous avons 105 933 tonnes pour les semences dont 79 989 de semences à certifier. Nous avons 96 023 tonnes pour l’huilerie dont 67 221 pour la SONACOS. Il faut reconnaître que l’année dernière, la SONACOS n’avait collecté que 26 343 tonnes et les autres huiliers n’avaient rien collecté. Donc même pour les huiliers, c’est probablement trois fois plus de collectes que l’année dernière. Le volume des exportations qui sont déjà certifiées par laDPV au port de Dakar est de 290 000 tonnes de graines décortiquées. Ce qui représente, avec le taux de correction de 62% fixé par l’Institut de Technologie Alimentaire (ITA) pour cette campagne, 473 892 tonnes. Donc, on peut dire qu’avec les taxes sur les exportations de graines d’arachides, c’est plus de 8,7 milliards que le trésor sénégalais a engrangé.
Mais à un moment donné, les exportations ont été arrêtées…
On ne les avait pas arrêtées. En réalité, ce qui s’est passé, c’est qu’au début, nous avions retardé le démarrage des exportations. Quand la campagne a démarré, on n’a pas tout de suite autorisé les exportations pour deux choses : d’abord on voulait donner un peu plus de chance à nos huileries et ensuite, on voulait être sûr que le capital semencier serait reconstitué. Lorsqu’au 31 décembre, nous avons constaté que ces conditions étaient plus ou moins réunies et que le président de la République, dans son discours à la nation, a donné des orientations claires à tous les acteurs, nous avons décidé d’autoriser les exportations. Ce qui fait que les exportations ont commencé cette année réellement à partir du 14 janvier 2021.
Les huiliers ont-ils atteint leur objectif ?
Je ne peux pas dire qu’ils ont atteint leur objectif, parce que la SONACOS avait pour objectif de collecter le maximum de graines possibles pour deux raisons : triturer une partie et exporter une autre partie. Je pense qu’avec 67 000 tonnes, elle a de quoi faire de l’huile.
Est-ce un problème de moyen qui se pose ?
En fait, quand on a démarré la campagne, c’est la SONACOS qui avait elle-même dit qu’elle pouvait éventuellement acheter à 250 francs. Au-delà de ce prix, elle pense qu’elle n’est pas rentable dans l’huilerie. Il se trouve que malgré la taxe sur les exportations, dès que la campagne a démarré, les exportateurs se sont mis à acheter au moins à 300 francs le kg. Donc, la SONACOS a dû se réadapter pour se mettre à niveau. C’est pour cela très certainement qu’elle n’a pas autant de graines qu’elle aurait voulues.
Est-ce qu’il n’y a pas une politique pour limiter les exportations ?
Je suis à ma deuxième campagne de commercialisation. Lors de la campagne de commercialisation de l’année dernière, presque 95 % de la collecte sont allés aux exportateurs. La seule huilerie qui avait pu collecter, c’était la SONACOS. Elle n’avait obtenu alors que 26 000 tonnes. Cette année, nous avons essayé de corriger. Parce que le Président nous a instruit de faire en sorte que tous les acteurs soient contents de la campagne de commercialisation. L’année dernière, les producteurs étaient contents. Cependant, les huiliers ne l’étaient pas. Nous avons réfléchi et avons mis en place cette taxe de 30 francs par kg décortiqué. Nous pensions qu’avec le truchement de cette taxe, les exportateurs n’auraient pas pu élever les prix très haut et au-delà du prix plancher de 250 francs. Mais la réalité du marché a fait que malgré la taxe, les exportateurs sont quand même parvenus à acheter 50 francs au-dessus du prix plancher. Néanmoins, la part des huiliers est passée de 5% à 14%. Je pense que c’est une progression appréciable que nous comptons accentuer l’année prochaine.
La SONACOS doit peut-être s’adapter ?
Evidemment ! Le Président même l’a annoncé lors de son discours en demandant à la SONACOS de s’adapter à la compétition et de se moderniser. Je pense que la SONACOS est justement en train de travailler là-dessus. Nous allons les accompagner avec le ministère des Finances et le ministère de l’Economie pour que notre pays se dote d’une société qui puisse répondre à la situation imposée par un environnement de compétition.
Quand est-ce que la campagne va s’arrêter ?
Le démarrage du processus de mise en place des semences d’arachide étant fixé au 15 avril, cela implique la suspension des opérations de collectes et en particulier des exportations.
A Touba, des huiliers contestent les chiffres de la campagne et soutiennent que s’ils n’ont pas assez de graines, c’est parce que la production n’a pas été bonne.
Je viens de dire qu’à cette date, cette campagne est sans doute la plus importante jamais réalisée au Sénégal, car elle avoisine les 700 000 tonnes. Si les huiliers n’ont pas eu assez de graines, c’est parce que les producteurs ont trouvé plus offrants qu’eux. Avant, ils étaient seuls sur le marché et l’Etat a dû casquer des milliards pour financer les campagnes de commercialisation. L’arrivée des Chinois a bouleversé la chaîne de valeur au grand bonheur des producteurs. Les statistiques de la collecte de cette année sont conformes à celles des 10 dernières années et tout le monde peut vérifier cela.
Maintenant, vous prévoyez combien de tonnes de semences pour la prochaine campagne agricole ?
La campagne agricole 2020- 2021 a été exceptionnelle à tout point de vue. D’abord par son niveau de financement exceptionnel avec une allocation de 60 milliards Fcfa autorisée par le Président Macky Sall au mois de mai 2020. C’est une campagne qui a eu beaucoup de «baraka» avec une excellente saison des pluies et des rendements records. Nous avons une production céréalière qui est estimée à 3 800 000 tonnes contre 2 700 000 l’année dernière. Une production arachidière estimée à 1 800 000 tonnes contre 1 400 000 l’année dernière. Toutes les spéculations ont quasiment augmenté. Même le coton qui a connu des baisses régulières ces dernières années a connu une croissance de 5 000 tonnes cette année. C’est un peu plus de 20 000 tonnes. Pour la campagne à venir, compte tenu de la pandémie et du fait que celle de cette année s’est déroulée dans d’excellentes conditions, le président de la République a décidé à nouveau de valider le budget de notre campagne agricole 2021-2022 à 60 milliards Fcfa. C’est 120 milliards Fcfa en deux ans. Cette année, nous avons deux mois d’avance pour la mise en place des intrants. Pour l’arachide, nous avons décidé de remettre la même quantité que l’année dernière, soit environ 70 000 tonnes dont au moins 60 000 seront des semences certifiées. Je précise encore que le gouvernement du Sénégal n’a pas pour prétention de donner des semences à tous les producteurs. Mais les 70 000 tonnes constituent un accompagnement, surtout envers les producteurs les plus faibles, c’est-à-dire les petites exploitations familiales. En revoyant certaines lignes budgétaires, nous avons pu dégager une enveloppe de 5 milliards Fcfa pour renforcer la dotation en engrais.
Et sur l’introduction de l’engrais biologique ?
Cette année, nous avons deux innovations. La première, c’est que nous allons introduire de l’engrais organique biologique. Ce ne sera pas en grande quantité. Mais c’est un essai qui, s’il s’avère concluant, nous permettra d’aller progressivement vers une transition plus écologique. Nous avons aussi mis en place une ligne budgétaire pour l’acquisition d’aflasafe qui est un produit utilisé un peu comme de l’engrais pour permettre de diminuer le taux d’aflatoxine de l’arachide. Ce sont donc deux innovations que nous tentons d’apporter cette année.
Aujourd’hui, comment se porte la filière coton au Sénégal ?
Cette année, nous avons remarqué un grand bond du coton. Il faut le dire aussi, on le doit un peu à la pluviométrie. Nous avons été il n’y a pas longtemps dans le village de Wadiyatoulaye dans le Vélingara, où des producteurs ont fait plus de 3 tonnes à l’hectare. Nous souhaitons que la SODEFITEX fasse un encadrement plus rapproché pour homogénéiser les rendements. Comme nous n’avons pas des superficies aussi importantes que notre voisin le Mali, on doit travailler sur les rendements. Si tous les producteurs de coton arrivaient à faire ne serait-ce que 3 tonnes à l’hectare, on va multiplier notre production par trois. Je sais que la SODEFITEX est en train d’y travailler. Nous espérons que cette année, ils pourront atteindre, pourquoi pas, 30 000 tonnes.
Comment expliquer cette baisse ?
Cela s’expliquait par le fait que d’abord, nous avions une pluviométrie assez capricieuse ces dernières années. Le coton est très sensible aux changements climatiques. Ensuite, il y a une compétition de plus en plus rude avec l’arachide et même le riz de plateau. La compétitivité du coton était basée sur le fait que le rapport entre le prix du coton et celui de l’arachide devrait être supérieur à 1. Elle devrait être même à 1,3%. Cela veut dire que quand l’arachide était à 200 francs, le coton devrait être à 300 francs. Il se trouve que l’arachide est subitement à 300 francs et le coton est resté toujours à 300 francs.Donc, dans ce cas, le coton ne peut pas être compétitif avec l’arachide. Nous allons retravailler pour voir comment encourager les producteurs de coton et leur permettre de continuer à faire du coton avec des revenus convenables.
Pour les perspectives, quels sont les objectifs de production pour l’année prochaine ?
Pour les céréales, comme cette année nous avons atteint la barre des 3 800 000 tonnes, nous voudrions absolument atteindre la barre des 4 000 000 de tonnes de céréales l’année prochaine. Cela permettra, dans une certaine mesure, à notre pays d’atteindre la sécurité alimentaire. En ce qui concerne les cultures industrielles, l’arachide, le coton et le sésame, nous sommes cette année à environ 1 900 000.Nous voulons passer cette année à 2 000 000 de tonnes. Grosso modo, voilà les objectifs de production pour l’année prochaine. Pour le riz qui fait partie des céréales, nous étions à peu près à 1 400 000 tonnes. Et l’idée, c’est de booster notre production de riz pour la pousser vers les 2 000 000 de tonnes.
On s’achemine vers les prochaines élections locales. A Kolda, ça bouge déjà avec la marche de Mame Boye Diao et autres. Quelle lecture faites-vous des coalitions qui se nouent de part et d’autre dans la région.
Nous avons un horizon clair, car la date limite pour l’organisation des élections locales est fixée au 31 janvier 2022. Effectivement, cela bouge à Kolda. Des gens se positionnent et des candidatures sont même déjà déclarées. Le ministre de la République que je suis a pour objectif de fédérer au maximum la majorité présidentielle élargie. Ma position est que nous devons mettre à l’aise le président du parti en l’occurrence le Président Macky Sall. En ce qui me concerne, je suis un militant de l’émergence du Fouladou et je suis à l’écoute du président de la République et des populations. Je travaille pour que BBY gagne haut la main les 43 collectivités locales de la région de Kolda.