«NOUS SOMMES PASSES DE 5 % A PLUS DE 50 % D’ACCES A L’EAU POTABLE AVEC LA REALISATION DE 4 FORAGES»
A la tête de la municipalité de Médina Chérif, dans la région de Kolda, Mamadou Gano, grâce à une gestion remarquable sur plusieurs secteurs, a réussi à intégrer notre Top 20 des maires du Sénégal.
A la tête de la municipalité de Médina Chérif, dans la région de Kolda, Mamadou Gano, grâce à une gestion remarquable sur plusieurs secteurs, a réussi à intégrer notre Top 20 des maires du Sénégal. Dans cet entretien accordé au « Témoin », M. Gano explique la particularité de sa mission, les potentialités qu’offre sa commune, les réalisations effectuées sous son magistère, ainsi que les quelques obstacles auxquels lui et son équipe font face.
Le Témoin : Vous êtes l’un des maires dont la gestion est citée en exemple dans toute la région de Kolda. Parlez nous donc de ce que vous avez fait à la tête de la commune de Médina Cherif depuis votre élection en 2014 ?
Mamadou GANO – À notre arrivée, en 2014, nous avons trouvé que Médina Chérif souffrait d’un manque grave d’infrastructures sociales de base. Par exemple, dans toute la commune, il n’y avait que deux postes de santé. Or, nous sommes dans une zone densément peuplée mais très enclavée surtout pendant l’hivernage. A partir de ce constat, la première chose que nous avons faite, c’est de donner aux populations des services sociaux de base. L’autre aspect, c’est le fait qu’en tant qu’élu local, j’ai jugé nécessaire d’apporter du nouveau par rapport à ce qui se passait dans les relations entre administrateurs et administrés. De ce fait, nous avons mis l’accent sur l’inclusion et la participation des citoyens dans la gestion des affaires locales. Cela nous permet chaque année, d’abord sur les opérations budgétaires, de faire ce qu’on appelle les budgets participatifs. Un mode de gestion qui se traduit par des rencontres dans tous les villages pour que les populations expriment leurs véritables préoccupations. Ensuite on organise ce qu'on appelle des foras de zone où les représentants de chaque village se retrouvent avec l'équipe municipale pour discuter des investissements prioritaires à réaliser dans chaque zone, et les charges à prendre dans le cadre du fonctionnement. Une fois que ce processus est fini, on élabore ce qu'on appelle un plan d'investissement annuel. Ensuite, on part vers l'élaboration et le vote du budget proprement dit, un processus qui nécessite aussi d'inviter d'autres acteurs pour s'assurer que les préoccupations exprimées par les populations ont été bien prises en compte par l'équipe municipale. Tous les trois mois, on se retrouve non pas seulement les conseillers mais aussi les populations qui sont directement représentées et elles peuvent nous aider à évaluer l’exécution du budget. Donc, tout se fait dans la transparence. En tant que maire, nous rendons compte aussi bien à l'équipe municipale qu’aux populations.
Qui dit Médina Chérif dit également Anambé, zone dans laquelle se trouve l’une des plus grandes vallées rizicole du pays. Pourquoi cette potentialité n’a-t-elle pas eu un impact décisif pour le développement de votre localité ?
Effectivement, la commune de Médina Cherif abrite l’essentiel du potentiel hydroélectrique du bassin de l’Anambé, notamment sa partie aménagée. Sur les 16000 hectares aménagés, la commune dispose à elle seule de 2600 hectares. Si la surface du bassin de l’Anambé est répartie entre cinq communes, notre localité à elle seule dispose de 50 % de cette surface. Nous avons également au minimum entre 6000 et 10.000 hectares « rizicultivables » et non aménagés. L’exploitation éventuelle de cette surface ira de soi avec un développement fulgurant de cette localité. L’autre avantage est aussi le fait que notre localité est bien arrosée par deux cours d’eau que sont le fleuve d’Anambé et celui de Kayanga. Mais malheureusement, la municipalité de Médina Chérif ne tire pas profit des milliards de francs que draine le bassin de l’Anambé. Ce qui s’explique surtout par l’absence d’infrastructures marchandes. Par exemple si on n’avait un grand marché ou une gare routière, ça allait créer d’autres activités économiques dans la contrée. Ce qui ferait que chaque jour ou chaque semaine, la municipalité allait pouvoir récupérer des recettes de ces infrastructures. Mais malheureusement, notre commune ne perçoit pas beaucoup de taxes. Actuellement, l’essentiel de nos ressources proviennent principalement du marché à bétail et de l’impôt sur le minimum fiscal qu’on appelle taxe rurale en général. C’est pourquoi, nous sommes allés chercher des partenaires, en développant la coopération et le partenariat public-privé.
Concrètement, quels sont les retombés d’une telle politique sur la marche de votre commune ?
Que ça soit sur le plan national ou sur le plan international, nous avons noué plusieurs partenariats et les résultats sont manifestes. Grâce à une coopération espagnole, nous avons obtenu une ambulance pour le poste de santé d’Anambé. Notre partenariat avec les Français nous a permis aussi de construire un collège dans le même village. On est passé de zéro bâtiment (100 % abris provisoires) en 2016 pour arriver à la construction de 12 salles de classe en fin 2018. Dans ce projet, notre partenaire a débloqué 70 % du financement et la municipalité a assuré le reste. Grace à une autre coopération allemande, la commune a pu obtenir également un deuxième collège. Nous avions aussi mis le curseur sur le volet santé. En effet, il y avait beaucoup de problème d'accès aux soins de santé. Avec notre partenaire, nous avons construit un poste de santé que nous avons équipé avant de recruter le personnel. Ce qui a été vraiment un acquis considérable. Pour Anambé, nous avons recruté aussi une sage-femme tandis qu’à Médina Cherif la maternité est en phase d’être rénovée. Dans la même dynamique, la commune a pu acquérir deux autres ambulances. C’est dire que la municipalité a consenti beaucoup d’efforts et nous attendons que le ministère de la Santé nous appuie pour mieux prendre en charge le personnel recruté
Sur le plan de l’élevage, qu’est ce qui est à l’actif de votre municipalité au profit des populations de votre commune très actives dans ce secteur ?
Vous savez, l’hydraulique est au cœur de toute activité d’élevage. Et en ce sens, nous avons beaucoup travaillé dans la réalisation de forages avec nos partenaires. D’ailleurs, nous sommes passés de 5 % à plus de 50 % d’accès à l’eau potable avec la réalisation de quatre forages. Le premier, qui a été construit par le MCA, est déjà en service et il y a trois autres du PUDC qui sont en cours d’achèvement et seront livrés cette année ci. Et ces trois forages vont raccorder chacun, avec 12 kilomètres de réseau, plusieurs villages très peuplés. Pour mesurer les efforts consentis dans ce domaine, à mon arrivée à la tête de cette municipalité, seules les populations du village d’Anambé avaient de l’eau potable laquelle provenait d’ailleurs de Diaobé. Donc aujourd’hui, sur ce plan, c’est aussi l’ensemble des éleveurs de la zone ainsi que les maraichers qui sont bien servis pour le développement de leurs activités. En plus de cela, d’ici un mois, nous allons lancer un ambitieux programme avec comme principal objectif : une famille, une vache. L’idée est d’ailleurs en pratique avec d’abord les groupements féminins de la commune très engagées dans ce domaine
Quels sont les obstacles auxquels vous êtes confrontés et qui retarderaient l’envol économique de cette contrée malgré les efforts déployés sous votre magistère ?
Actuellement, l’un des principaux blocages qui se dresse devant nous est le problème de mise en valeur. C’est-à-dire comment créer le plus de valeur ajoutée en mettant en place des unités de transformation qui apporteraient toute une chaine de valeurs. Or, si vous avez une chaine de valeurs, et qu’il y a des chainons manquants, cela ne signifie pas grand-chose. C’est pourquoi, actuellement, nous sommes en train de négocier avec des partenaires. L’un d’entre eux, qui est un Sénégalais ayant créé une grande usine de production de pâtes d’arachides, va bientôt s’implanter à Médina Chérif dans le cadre d’une convention municipale. Par ailleurs, l’une des difficultés majeures à laquelle nous faisons face c’est le manque de pistes rurales. Cette situation contribue le plus à plonger notre localité dans l’enclavement. Pourtant Médina Cherif peut, si des routes y sont réalisées, constituer un grand carrefour sous régional. Ce, dans la mesure où la commune est à mi-chemin des localités de Ouassadou et de Kandjia, qui sont respectivement frontalières avec la Guinée Bissau et la Gambie. C’est pourquoi, nous sollicitons vraiment l’Etat central afin que les autorités concernées se penchent sur la résolution de cette problématique rurale.
Nous sommes à six mois des élections locales qui, manifestement, tombent dans un contexte où le pouvoir en place fait face d’un coté à de rudes contestations et, de l’autre à des dissensions internes quant au choix des candidats devant conduire les listes de la majorité. Ne craignez-vous pas, en tant que maire membre de l’APR, que cette situation risque de vous pénaliser lors de cette échéance face à une opposition décidée à conquérir les municipalités aux mains de la mouvance présidentielle ?
En 2012, nous avons travaillé pour élire le président Macky Sall par rapport à son projet politique. Aux élections locales, nous nous sommes battus aussi pour que la coalition Benno Bokk Yakaar puisse remporter la majorité des communes du Sénégal. Et sur les 557 collectivités, il y a 500 communes contrôlées par l'APR et ses partis alliés. C'est le même travail que nous sommes en train de refaire. Donc, tant que cadre du parti, et en tant qu'un des alliés de la première heure du président de la République, mais surtout grâce à mon bilan applaudi par les populations de ma commune, je n’ai pas de soucis à me faire concernant ces élections à venir. Cependant, des rivalités internes ne manquent souvent pas parce qu’il s’agit d’élections. Ce qui est le plus important, c'est de permettre au parti, à la mouvance présidentielle de gagner largement ces élections et de permettre au président de la République de gouverner librement jusqu'à la fin de ce second mandat. Nous avons l'espoir de rempiler, les réalisations sont là, les populations ont compris et continuent de nous soutenir.
Portrait : Gano, un maire au parcours atypique
Son parcours force l’admiration ! Fils de paysan, né à Anambé, village où le chemin menant vers la conduite des troupeaux et les travaux des rizières était plus prisé que celui de l’école, Mamadou Gano a eu la chance d’opter pour les salles de classe ! Ce fut le départ d’une aventure hautement chaotique mais empreinte de courage et d’ambition. L’enfant Gano prit ainsi la route de Hawaraba, village où il obtint, en 1991, son certificat de fin d’études élémentaires. Puis, après avoir fréquenté le collège d’enseignement moyen de Dabo, localité située à des kilomètres de son village natal, Gano il atterrit à Kolda où, il décrochera, au lycée Alpha Molo Baldé, le baccalauréat en série S2. Nous sommes en 1999. Un diplôme qui lui ouvre les portes du l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. « Dans mon village, je suis le premier à avoir obtenu le baccalauréat. Et, aussi, le premier à avoir décroché la licence et la maîtrise. A l’époque, dans la contrée, et même dans les zones environnantes, c’était chose rare de voir quelqu’un qui a le Bac. Même en 2012, il n’y avait pas beaucoup de cadres dans cette commune et donc, quelque part, la communauté était gérée par des illettrés qui, malheureusement pour nous, n’avaient pas de vision politique, économique ni sociale pour le développement de cette commune », nous raconte le maire dans l’enceinte de son domicile situé au cœur du village d’Anambé et bercé par les cris d’oiseaux. « Aujourd’hui, j’ai réalisé mon rêve qui était de devenir professeur de sciences économiques à l’Université !» s’exclame fièrement Mamadou Gano qui est assurément une illustration de la méritocratie républicaine et aussi une preuve que l’ascenseur social fonctionne fort heureusement dans ce pays.
Entrée en politique d’un cadre
Son rêve d’enfance réalisé, Mamadou Gano fera vite face à une réalité qui lui fera vite comprendre que les poches d’un universitaire ne sauraient à elles seules tenir face à la précarité des siens laissés au bercail. « En voulant aider ma communauté, je me suis rendu compte, à un certain moment que mon salaire ne peut régler les problèmes de toute une localité. Et j’ai compris également que le développement d’un pays va de pair avec sa bonne gestion du point de vue politique. C’est ainsi qu’en 2008, je me suis lancé en politique. Un engagement qui a coïncidé avec le lancement du parti Alliance pour République (APR). J’ai milité jusqu’à être élu maire de Médina Chérif. En ce temps, nous n’avions même pas d’électricité dans toute notre localité. L’essentiel des écoles étaient des abris provisoires. Aujourd’hui, avec mon équipe municipale, on a pu relever les défis en faveur des populations », se réjouit M. Gano. Falilou Mballo