UN SENTIMENT ANTIFRANÇAIS TRÈS CONSTRUIT
Parler de "sentiment antifrançais" en Afrique de l'Ouest est impropre : il s'agit plutôt d'une construction intellectuelle solide qui rassemble toute une jeunesse africaine qui veut solder les comptes du néocolonialisme avec la France
Partout sur le continent africain, on parle de « sentiment antifrançais »
Il est effectivement de revenir sur cette expression toute faite que l’on retrouve dans les commentaires lorsqu’il s’agit de caractériser les manifestations de soutien qui ont accompagné les coups d’Etat au Mali, au Burkina Faso ou au Niger récemment.
Les images montrent des foules jeunes, particulièrement énervées, agitant des slogans antifrançais, brûlant des drapeaux tricolores et en agitant un autre aux couleurs de la Russie. Dimanche au Niger, cette foule s’en est pris à l’ambassade de France à Niamey.
D’abord, si vous le permettez faisons un sort à cette expression. Parler de sentiment antifrançais, c’est donc parler d’autre chose que d’un raisonnement : un sentiment, ça relève de l’émotion. Ces foules seraient donc irrationnellement antifrançaises.
Le problème avec ce « sentiment » donc, c’est qu’il rappelle de très mauvais souvenirs coloniaux que résume Léopold Sedar Senghor d’une phrase : « l’émotion est nègre comme la raison est hellène ». Or, il s’agit de bien autre chose que d’une émotion.
Il s’agit donc d’une construction intellectuelle
Tout à fait et elle est aujourd’hui bien plus profondément ancrée qu’elle n’a pu l’être jadis où cet « anti-néocolonialisme français » restait confinée à une frange minuscule d’intellectuels africains francophone souvent passés par Moscou pour leurs études.
L’Afrique de l’Ouest est aujourd’hui aux mains d’une jeunesse écrasante par leur nombre et aussi par leur formation politique et intellectuelle. Il s’agit de la génération la mieux formée et la plus politisée de l’Histoire récente de cette partie du continent.
Une jeunesse panafricaine qui s’est bâti en s’inspirant les unes des autres, du Mali au Tchad en passant par le Burkina Faso, et qui porte une critique radicale contre la France et les inconséquences de sa politique extérieure vis-à-vis de cette partie de l’Afrique.